Attention aux fichiers clients et au secret professionnel - La Semaine Vétérinaire n° 1389 du 22/01/2010
La Semaine Vétérinaire n° 1389 du 22/01/2010

Sites Internet vétérinaires

Gestion

S’ÉQUIPER

Auteur(s) : Thibaut Humbert*, Yann Uhel**

Fonctions :
*Praticien libéral
**Editeur de logiciels (www.VetoPartner.com)

Pour le fondateur du réseau social Facebook, la protection de la vie privée n’est plus la norme… Et pour les vétérinaires, qu’en est-il ?

A l’heure de l’Internet où le “droit à l’oubli” estuneutopie,des entreprises proposent aux vétérinaires des services comme des sites ou des applications en ligne de gestion de clientèle. En tant que praticien libéral et éditeur de logiciels, nous avons réfléchi à ce sujet et identifié deux risques majeurs : la diffusion du fichier clients et la rupture du secret professionnel.

Prévoir une interdiction de revente pour protéger le fichier clients

La valeur d’une entreprise vétérinaire dépend de sa clientèle et donc de son fichier clients. En effet, quelle serait la valeur de votre clientèle si un vétérinaire ou une chaîne de cliniques pouvait acheter la liste des propriétaires et des animaux habituellement suivis par vous ?

Actuellement, le Code de déontologie limite la communication aux clients ayant fait appel à nos services depuis moins d’un an. La directive “services” va changer la donne et permettre de contacter des personnes qui n’ont jamais franchi le seuil de nos cliniques. Dès lors, si un vétérinaire peut acheter pour quelques euros la liste de vos clients et leur envoyer une plaquette vantant ses services avant de s’installer à 500 m de votre structure, la valeur de votre clientèle diminue fortement, voire devient quasi nulle !

Pour développer votre nouveau service fondé sur l’Internet, vous ferez sûrement appel à une entreprise extérieure qui a des compétences informatiques spécifiques et à laquelle vous communiquerez votre fichier clients. Or celle-ci pourrait décider, à tout moment, que la revente de ces informations est plus rentable que de vous garder comme client.

Il est donc important de prévoir une interdiction de revente ou de réutilisation de ces données par un tiers. Il faudra aussi astreindre ce dernier à une obligation concernant la protection de vos données contre les fuites ou le piratage, puisque les conséquences seraient identiques. A notre avis, se contenter de mentionner cette interdiction et ces obligations dans le contrat de services n’est pas suffisant, compte tenu des risques que cela fait peser sur la valeur de votre clientèle.

Il faudra prévoir également :

– une obligation de destruction de l’ensemble des données collectées sur simple demande de votre part ou après un certain délai ;

– une indemnité forfaitaire que devra vous verser ce tiers, en cas de non-respect de ses obligations. Cette indemnité doit être due quel que soit le préjudice réellement subi, car il sera difficile de le chiffrer. Le montant de cette indemnité devra être proportionnel, voire équivalent à la valeur de la clientèle.

Veiller au respect du secret professionnel qui couvre un vaste périmètre

Si le développement de nouveaux services est un moyen de développer l’entreprise vétérinaire, le praticien devra aussi tenir compte des risques qu’il encourt en cas de rupture du secret professionnel. Cette interdiction faite à certains professionnels de révéler ce qu’ils ont appris dans le cadre de leur métier (article 226-13 du nouveau Code pénal) a pour objectif d’assurer la confiance qui s’impose à l’exercice de certaines professions. Cette obligation de silence porte sur les secrets confiés, mais aussi sur tout ce qui est appris, compris ou deviné.

Les vétérinaires y sont astreints, ainsi que leurs collaborateurs, par le biais de l’article R. 24233 du Code rural : « Le vétérinaire est tenu au respect du secret professionnel dans les conditions établies par la loi. » La directive “services” n’y changera rien, car c’est dans l’intérêt du “consommateur”.

Selon la jurisprudence actuelle, la nature des informations couvertes par le secret est étendue, puisqu’il s’agit de toutes celles venues à la connaissance du professionnel, ne serait-ce que le nom du client. Dès lors, comment mettre en place un nouveau service si celui-ci nécessite le recours à un tiers ? La clause de confidentialité n’est pas suffisante. Seule la personne concernée, c’est-à-dire le client, peut autoriser la transmission d’informations à un tiers.

L’accord d’une personne doit résulter d’une démarche active

Un accord de facto ne peut pas être envisagé. Sur ce point, la jurisprudence est claire : l’acceptation par une personne doit être une démarche active. L’argument « c’était pourtant clairement affiché et cette personne n’a pas refusé » ne peut donc pas être utilisé. Cet accord peut alors prendre plusieurs formes (voir encadré).

L’enjeu est important puisque, selon l’article L. 226-13 du Code pénal, « la révélation d’une information à caractère secret par une personne qui en est dépositaire, soit par état ou par profession, soit en raison d’une fonction ou d’une mission temporaire, est punie d’un an d’emprisonnement et de 15 000 € d’amende ». Les sanctions pénales sont donc lourdes.

Même s’il est peu probable que vos clients eux-mêmes engagent des poursuites pour non-respect du secret professionnel dans le cadre d’un nouveau service, d’autres pourraient le faire, un confrère mécontent ou le Conseil de l’Ordre par exemple. Ce dernier pourrait alors vous demander de mettre fin à ce nouveau service, tant que le respect du secret professionnel n’est pas assuré. Des sanctions disciplinaires pourraient également être prononcées.

Au final, s’il est légitime de vouloir développer son activité avec de nouveaux services et en particulier ceux liés à l’Internet, le vétérinaire ne doit pas oublier de protéger son fichier clients, car il constitue l’essentiel de la valeur de son entreprise. Il devra également éviter de s’exposer à une double sanction pour non-respect du secret professionnel.

Plusieurs formes de consentement

• Accord oral : il est possible de passer un accord oral, mais en cas de litige, il sera difficile d’obtenir gain de cause. Plusieurs témoins devront étayer la version des faits du praticien, alors que leur présence en consultation est interdite par le secret médical… Mieux vaut donc éviter de recourir à cette forme de consentement.

• Accord écrit : dans ce cas, le vétérinaire doit obtenir la signature de son client, idéalement sur deux exemplaires signés par les deux parties, dont l’un est remis au client et l’autre conservé à la clinique.

• Accord par un clic : c’est la fameuse case à cocher « j’ai lu et j’accepte… » avant de valider une inscription ou un achat sur l’Internet. Cette forme peut avoir la même valeur qu’une signature si toutes les conditions nécessaires sont réunies.

T. H. et Y. U.
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