L’approche diagnostique des maladies pancréatiques est de plus en plus performante - La Semaine Vétérinaire n° 1388 du 15/01/2010
La Semaine Vétérinaire n° 1388 du 15/01/2010

Médecine interne féline

Formation continue

ANIMAUX DE COMPAGNIE

Auteur(s) : Sophie Bureau

Comme le tableau clinique de ces affections n’est pas spécifique, le diagnostic repose sur la réalisation d’une série d’examens complémentaires.

Le diagnostic des affections pancréatiques félines a bénéficié de l’évolution récente des données sémiologiques et des moyens disponibles (imagerie médicale, analyses sanguines spécifiques). Les analyses post-mortem publiées durant les dernières années prouvent qu’un grand nombre de maladies pancréatiques n’ont pas été identifiées du vivant de l’animal. Sont observées par ordre de fréquence décroissante les pancréatites chroniques, les pancréatites aiguës, les tumeurs pancréatiques et l’insuffisance pancréatique exocrine.

Une pancréatite chronique est à écarter lors de diabète sucré ou de lipidose hépatique

Les pancréatites chroniques prédominent largement. Elles résultent de phénomènes inflammatoires répétés, à l’origine de lésions irréversibles à caractère fibrosant. Leur cause reste indéterminée dans 90 % des cas. La distinction entre ces poussées inflammatoires et une pancréatite aiguë est complexe.

La triade – coexistence d’une inflammation lymphoplasmocytaire du tissu pancréatique, d’une cholangite et d’une entérite chronique – est favorisée par l’anatomie particulière des voies biliaires du chat (voir photo 1). Le diagnostic de l’une de ces trois affections doit amener à rechercher systématiquement l’éventuelle existence des deux autres. Une pancréatite chronique est aussi à écarter lors de diabète sucré ou de lipidose hépatique.

Les tumeurs endocrines du pancréas sont exceptionnelles chez le chat

Les pancréatites aiguës peuvent résulter de causes ischémiques, parasitaires (vers, toxoplasmose), virales (péritonite infectieuse féline, herpès virose), toxiques (organophosphorés), ou de troubles endocriniens (diabète sucré). Mais bien souvent, leur origine demeure inconnue. La forme nécrosante ou suppurative aiguë s’accompagne d’une mortalité importante en raison de la cytotoxicité systémique déclenchée par les médiateurs de l’inflammation. Il en résulte une hypotension sévère, une insuffisance rénale aiguë et un syndrome de défaillance multi-organique qui peut être compliqué par une coagulation intravasculaire disséminée, une lipodystrophie systémique, ou plus rarement par une encéphalopathie. La race siamoise serait prédisposée, bien que des données bibliographiques récentes remettent en cause cette prédisposition.

Les tumeurs pancréatiques, dont l’incidence est de 12,6 sur 100 000, intéressent le chat âgé. Elles peuvent être associées à une pancréatite ou à un diabète sucré. Le carcinome est la plus fréquente. L’adénome est asymptomatique. Quant aux tumeurs endocrines (insulinome, gastrinome), elles sont exceptionnelles, même si elles sont rapportées dans la littérature.

Les examens complémentaires permettent de poser le diagnostic et d’établir un pronostic

Le tableau clinique qui accompagne ces affections n’est pas spécifique (voir encadré « Signes cliniques »). Le diagnostic repose donc sur la réalisation d’une série d’examens complémentaires : un bilan hématologique et biochimique est effectué en premier lieu (voir encadré « Modification hématologiques ou biochimiques »). L’objectif est à la fois d’établir le diagnostic, mais également d’affiner le pronostic.

L’imagerie médicale complète ces examens de laboratoire et apporte des informations pertinentes. La radiographie et la tomodensitométrie sont d’un intérêt limité en raison de leur faible sensibilité. Des clichés radiographiques thoraciques permettent toutefois d’exclure des métastases pulmonaires lors de suspicion de tumeur. La radiographie abdominale intervient dans le cadre du diagnostic différentiel. L’échographie est un outil diagnostique précieux (voir encadré « Signes échographiques »). Sa sensibilité varie beaucoup selon les études et la nature de la lésion pancréatique (de 30 % à 80 % selon les auteurs). L’imageur s’intéresse non seulement aux modifications du tissu pancréatique, mais aussi à celles des tissus environnants (duodénum, graisse mésentérique, voies biliaires, nœuds lymphatiques, recherche d’un épanchement minime, voir photos 2 et 3).

Seules les biopsies pancréatiques, de plus en plus réalisées en routine, attestent du caractère chronique de la lésion (voir photo 4).

La présence d’une masse ne suffit pas pour conclure à une tumeur. L’examen exhaustif de l’abdomen est indispensable. Les tumeurs exocrines présentent un fort pouvoir métastatique. Les insulinomes de petite taille (souvent inférieurs à 10 mm) et hypoéchogènes sont difficiles à visualiser. Lors d’une suspicion de gastrinome, de nombreuses ulcérations de la muqueuse sont visibles au cours de la gastroduodénoscopie. L’hyperplasie nodulaire bénigne est une lésion banale chez le chat âgé et cliniquement silencieuse. Le pancréas présente un parenchyme épaissi, composé de nombreux petits nodules hypoéchogènes de petite taille. Ses contours sont irréguliers. Il n’y a dans ce cas ni stéatite ni épanchement associés.

Quant aux pseudo-kystes, ils font partie des complications des pancréatites félines (voir photo 5). Ils se manifestent sous la forme d’une collection liquidienne à contenu stérile, dans la région péripancréatique. Le contour de ces pseudo-kystes est constitué de tissu fibrosé. Le suivi échographique de ces lésions, après ponction, détermine la nécessité d’une intervention chirurgicale, car leur rupture déverse des enzymes protéolytiques dans la cavité abdominale.

Une pancréatite chronique peut induire une insuffisance pancréatique exocrine

L’insuffisance pancréatique exocrine est beaucoup plus rare chez le chat que chez le chien. Elle fait généralement suite à une pancréatite chronique – qui n’a pas été identifiée en raison de son manque de spécificité clinique – et se traduit par la perte totale ou partielle des sécrétions enzymatiques responsables de la digestion (amylase, lipase, protéases). Une diarrhée chronique rebelle, un amaigrissement et une dégradation de l’état général en sont souvent l’expression clinique. Son diagnostic se fait par l’exclusion des autres causes. Un test thérapeutique peut être proposé. Dans cette espèce, il ne faut pas hésiter à utiliser du pancréas frais de bœuf, car le manque d’appétence des suppléments enzymatiques est un frein au traitement. Une supplémentation en cobalamine est importante, en raison de la forte sensibilité de cette espèce à l’hypocobalaminémie, cette dernière se traduisant notamment par l’apparition de troubles neurologiques. Il convient également de traiter les lésions digestives associées.

Le manque de spécificité du tableau clinique qui accompagne les affections pancréatiques justifie leur inclusion plus systématique dans le diagnostic différentiel. Le dosage de la feline pancreatic lipase specificic (fPLI ou spec-fPL) et l’échographie abdominale sont synergiques dans la recherche des pancréatites. Les biopsies du pancréas sont indispensables au diagnostic étiologique et leur pratique doit se banaliser.

Signes cliniques

• Prostration.

• Anorexie.

• Amaigrissement.

• Déshydratation lors de pancréatite aiguë.

• Hypothermie (élément péjoratif pour le pronostic) ou hyperthermie.

• Troubles digestifs.

• Ictère.

• Diabète sucré (particulièrement lors de tumeur et de pancréatite chronique).

• Douleur abdominale ou masse abdominale, dans un faible nombre de cas (25 à 38 %).

• Alopécie symétrique non prurigineuse lors de tumeurs exocrines, syndrome paranéoplasique caractéristique.

• Troubles neurologiques graves et irréversibles lors des rares cas d’insulinome rapportés, séquelles de l’hypoglycémie.

Cette liste n’est pas exhaustive.

S. B.

Modifications hématologiques ou biochimiques

• Analyses hématologiques :

– leucocytose inconstante ;

– CIVD (de mauvais pronostic);

– anémie régénérative normochrome (lors de pancréatite nécrosante aiguë).

• Analyses biochimiques :

– hyperazotémie ;

– hypocalcémie (mauvais pronostic);

– hypoalbuminémie ;

– hyperglycémie (lors de pancréatite) ou hypoglycémie (lors d’insulinome);

– diminution de la fructosaminémie lors d’insulinome, même en l’absence d’hypoglycémie ;

– augmentation des enzymes hépatiques et hyperbilirubinémie.

• Dosages enzymatiques :

– dosage de la feline pancreatic lipase (fPLi ou spec-fPL) au laboratoire Idexx France (22 €, envoi de sérum). Ce dosage présente une spécificité supérieure à 90 %. Un dosage supérieur à 5,4 µg/l confirme l’existence d’une pancréatite, alors qu’un résultat inférieur à 3,5 µg/l l’infirme. Des valeurs intermédiaires amènent à renouveler l’analyse ultérieurement.

S. B.

Signes échographiques

• Signes échographiques directs :

– pancréas de taille augmentée ;

– échogénicité du parenchyme plus hétérogène, voire hypoéchogène ;

– irrégularité des contours.

• Signes échographiques indirects :

– échogénicité renforcée de la graisse mésentérique ;

– épanchement localisé ;

– atonie duodénale ;

– épaississement des parois de l’estomac et du duodénum ;

– dilatation des voies biliaires extrahépatiques.

S. B.

CONFÉRENCIÈRE

Valérie Freiche, praticienne à Bordeaux (Gironde).

Article rédigé d’après la conférence « Affections pancréatiques félines : différentes entités cliniques », issue du programme spécialisé sur le chat proposé par le Groupe d’étude en médecine interne (Gemi) lors du congrès du Chat d’Arcachon, en mai 2009.

Formations e-Learning

Nouveau : Découvrez le premier module
e-Learning du PointVétérinaire.fr sur le thème « L’Épanchement thoracique dans tous ses états »

En savoir plus

Boutique

L’ouvrage ECG du chien et du chat - Diagnostic des arythmies s’engage à fournir à l’étudiant débutant ou au spécialiste en cardiologie une approche pratique du diagnostic électrocardiographique, ainsi que des connaissances approfondies, afin de leur permettre un réel apprentissage dans ce domaine qui a intrigué les praticiens pendant plus d’un siècle. L’association des différentes expériences des auteurs donne de la consistance à l’abord de l’interprétation des tracés ECG effectués chez le chien et le chat.

En savoir plus sur cette nouveauté
Découvrir la boutique du Point Vétérinaire

Agenda des formations

Calendrier des formations pour les vétérinaires et auxiliaires vétérinaires

Retrouvez les différentes formations, évènements, congrès qui seront organisés dans les mois à venir. Vous pouvez cibler votre recherche par date, domaine d'activité, ou situation géographique.

En savoir plus


Inscrivez-vous gratuitement à nos Newsletters

Recevez tous les jours nos actualités, comme plus de 170 000 acteurs du monde vétérinaire.

Vidéo : Comment s'inscrire aux lettres d'informations du Point Vétérinaire

Retrouvez-nous sur
Abonné à La Semaine Vétérinaire, retrouvez
votre revue dans l'application Le Point Vétérinaire.fr