Se libérer des faux souvenirs permet d’accéder au bonheur

Les faux souvenirs sont les artisans de notre malheur. C’est aussi le fonds de commerce des sectes qui promettent aux plus fragiles de mettre à jour ce qui est refoulé. La mémoire “retrouvée” est une pratique qui vise à nous plonger dans le passé pour trouver la clé de notre comportement. Entre des mains manipulatrices, elle met en relief l’importance de la suggestion du faux thérapeute qui prend le contrôle de son “patient” et conforte ainsi une maladie. La fausse réminiscence crée une relation de dépendance vis-à-vis du gourou. Il ne s’agit pas d’écouter, mais de deviner et d’interpréter. La suggestion peut ainsi induire la création de faux souvenirs, et le faux passé peut gouverner le vrai présent. Les victimes sont alors abusées par la manipulation de “souvenirs” et le trafic des émotions. Or la relation au passé peut nous rendre malheureux. Les ingrédients sont la culture du regret, la nostalgie et la culpabilité. Cela passe par la glorification du passé (le vrai comme l’imaginaire). Par exemple, nous sommes particulièrement fragiles après une rupture amoureuse ou familiale. La glorification des événements passés nous empêche de vivre de nouvelles aventures. Elle nous fait revivre en boucle la même situation d’échec. Les psychiatres parlent du syndrome de la femme de Loth. Dans l’histoire biblique de Sodome et Gomorrhe, la femme de Loth est changée en statue de sel parce qu’elle a regardé en arrière. Regarder derrière soi laisse peu de place au présent et contribue à fixer durablement une conviction pessimiste. La culpabilité est un poison qui nous ronge doucement et sûrement par la culture du remords. La recherche de la “clé perdue” bloque notre capacité d’adaptation. A cela s’ajoute la célébration de l’échec. Une bonne recette pour rater sa vie et s’abonner au malheur.

Les véritables thérapeutes distinguent bien les deux mémoires : celle d’appel (transmission) et celle de rappel (deuil). L’objectif des thérapies est de valoriser la première et d’empêcher la seconde d’oblitérer le présent.

L’histoire familiale est de première importance. Quand les enfants l’ignorent, ils ressentent de l’angoisse et auront ultérieurement des difficultés à faire des choix et à être maîtres de leurs émotions. L’exemple le plus frappant est celui des familles dont certains membres ont été enfermés dans les camps de concentration. Souvent, ils vivent sans en parler, comme si rien ne s’était passé, et leurs nuits sont hantées par des cauchemars. Ils refusent généralement de répondre aux questions de leurs enfants sur ce sujet. Cette répression des émotions les rend affectivement indisponibles et les enfants deviennent souvent les parents de leurs parents. Or, connaître l’histoire de sa famille permet de résister au passé et de vivre le moment présent. Etre présent à soi-même entraîne l’ouverture et l’apprentissage du bonheur.

Pour faire ressentir ce qu’est le moment présent, les thérapeutes recourent à de nombreux exercices. Parmi eux, le plus célèbre est celui des raisins secs. Il consiste à prendre des grains de raisins dans la main (d’abord, un seul, puis plusieurs), à les regarder, les toucher, les respirer, les goûter, etc. Tous les sens sont ainsi mobilisés. Cela induit une sensation de calme, car toute pensée a disparu, excepté celle qui permet “d’habiter” le présent et le plaisir procuré par la présence des grains dans la main. Les grains et la personne qui les tient ne font plus qu’un. La tradition zen fait de la posture et du fait de l’habiter pleinement l’apprentissage du calme profond et durable. Une fois atteint un véritable état de relaxation, il est possible de modifier sa mémoire. Les souvenirs sont vécus autrement. Leur impact sur soi-même peut être changé. Avec le temps, cela permet de ne pas rester confiné dans le statut de victime, mais de devenir spectateur d’abord de son propre malheur, puis de son bonheur. Les rôles sont modifiés et le sentiment de culpabilité s’atténue. Certains y arrivent seuls. D’autres ont besoin d’accompagnement.