Dompter ses impayés exige beaucoup d’efforts, mais le jeu en vaut la chandelle - La Semaine Vétérinaire n° 1384 du 11/12/2009
La Semaine Vétérinaire n° 1384 du 11/12/2009

Gestion de trésorerie

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Auteur(s) : Marie Hitz

Les impayés grignotent votre temps et votre trésorerie. Agacé et déjà bien occupé, vous vous sentez démuni et craignez que le mouvement ne prenne de l’ampleur. Voici quelques pistes pour reprendre la situation en mains.

Une carte d’identité de plus vient de rejoindre, au fond d’un tiroir, votre jolie petite collection de trophées en tous genres, maigres moyens de pression qui n’ont eu aucun effet sur le retour de vos honoraires perdus. Vous enviez alors la boulangère d’à côté chez qui personne n’aurait l’idée de venir chercher son pain sans argent. Avant de changer de métier, prenez le temps de reconsidérer le problème et mettez en place une parade efficace contre les impayés.

LE CHOC DES MOTS, LE POIDS DES EUROS

• La confusion des genres

Pour faire un point réaliste de l’ampleur des dégâts sur la santé du cabinet, il faut rappeler que les impayés ne doivent pas être confondus avec les encours. Bien qu’ils représentent tous les deux des sommes dues et non acquittées, l’encaissement de l’encours est prévisible, tandis que celui de l’impayé reste des plus hypothétiques. Or, « il y a souvent confusion entre les deux termes, affirme Thierry Jourdan, membre de l’association Vétos-Entraide. En rurale, ces sommes peuvent représenter de 10 à 15 % du chiffre d’affaires ». Des proportions qui sont bien loin de la réalité des impayés.

• Le double effet de l’impayé

– L’effet économique

« Généralement, les impayés représentent entre 0,1 et 1 % du chiffre d’affaires pour une structure canine, explique Thierry Jourdan. L’impact le plus fort se fait surtout sentir en équine, où cela peut s’élever jusqu’à 3 ou 4 %. Des taux importants auxquels il faut ajouter les encours. » Pourtant, malgré ces disparités, l’impayé est aussi mal vécu, qu’il mette ou non l’équilibre économique de la clinique en péril.

– L’effet psychologique

L’impact psychologique n’attend pas le nombre des euros. Avant d’entamer la marge bénéficiaire, l’impayé peut écorner l’estime de soi et creuser le sentiment de manque de reconnaissance, selon Thierry Jourdan. « Même s’ils représentent une proportion minime de mon chiffre d’affaires, les impayés sont agaçants, souligne Jean-Pierre Kieffer, président du Syndicat des vétérinaires de la région parisienne et praticien à Drancy (Seine-Saint-Denis). Les chèques en bois ou l’absence de paiement sont difficiles à vivre. En plus de perdre de l’argent, on s’énerve et on perd du temps à relancer des clients qui souvent ne paieront jamais. » « Le recouvrement est épuisant, humiliant et peu productif », insiste François de Coulibœuf, président du conseil ordinal d’Ile-de-France.

LES SOLUTIONS DE RATTRAPAGE

Pour pallier les effets psychologiques des impayés, chacun a ses petits trucs. « Je les considère comme les vols dans les supermarchés, confie Thierry Jourdan. Cela me permet d’oublier rapidement et de passer à autre chose. » Pour ce qui relève du volet économique, bien que nombreuses, les solutions pour récupérer les sommes dues exigent, elles, beaucoup d’efforts pour peu d’effets.

• Les solutions “maison”

Si rien ne vaut le contact direct pour comprendre les raisons d’un non-paiement et aboutir à un accord, il y a fort à parier que le client volontairement indélicat ne se représentera pas tout de suite à la clinique. Dans ce cas, la relance téléphonique s’impose. Mais attention à l’attitude. Adoptez le ton juste : ni trop agressif, ni trop faible. Régulez le débit de vos paroles. Si vous parlez trop vite, l’interlocuteur risque de ne pas comprendre, trop lentement, vous trahirez un manque d’assurance. Si le client se montre agressif, restez neutre. L’objectif de cet appel est à la fois de déterminer les causes du non-paiement et de trouver une solution pour y remédier. Si l’impayé persiste malgré cet appel, persistez aussi. Relancez par courrier simple jusqu’à trois fois. Au-delà, un dernier ultimatum s’impose en envoyant une mise en demeure de régler en recommandé avec accusé de réception.

• L’externalisation

Il est également possible de s’en remettre à des prestataires extérieurs comme les huissiers ou les sociétés de recouvrement. « Je ne passe jamais par les huissiers, confie Jean-Pierre Kieffer. Les frais sont souvent trop élevés par rapport à la créance. En revanche, je fais appel à un cabinet de recouvrement pour les chèques. Ils récupèrent environ 80 % des impayés et prélèvent 30 % de la somme récupérée. L’avantage, c’est que je ne paie pas en l’absence de résultat. Et je dois dire que la lettre du cabinet de recouvrement a tendance à impressionner. »

• La justice

Un impayé d’un montant supérieur à 400 € peut justifier un recouvrement judiciaire. En dessous de cette somme, le jeu n’en vaut pas vraiment la chandelle, en raison des frais de dépôt de dossier devant le tribunal compétent. Jusqu’à 4 000 €, vous ferez appel au juge de proximité. Au-delà et jusqu’à 10 000 €, cela relève du tribunal d’instance. Pour les sommes supérieures, le tribunal de grande instance prend le relais. Il faut s’adresser par écrit au juge du tribunal du lieu d’habitation du débiteur.

LA PRÉVENTION COMME PROTECTION

Face à la lourdeur des procédures de recouvrement, la solution la plus simple reste de limiter au maximum les risques d’impayé. Dans ce domaine aussi, mieux vaut prévenir que guérir.

• Le dépistage

Inutile de chercher, il n’existe pas de portrait-robot du mauvais payeur. Il faut cependant se montrer particulièrement vigilant face à des clientsinconnus,notammentensituation d’urgence. Pour la clientèle habituelle, il est impératif de constituer un fichier informatique sur lequel apparaissent les anomalies de paiement, jusqu’à leur règlement. « Nous disposons d’un fichier sur lequel le nom des mauvais payeurs apparaît en rouge, explique Jean-Pierre Kieffer. Dans ce cas, nous demandons un règlement en espèces ou par carte bancaire en prétextant que notre comptable nous demande de ne plus accepter les chèques. Cette solution est plutôt bien acceptée par notre clientèle, d’autant qu’un distributeur de billets est installé juste à côté de la clinique. Mais, en plus de ce moyen, il faut aussi garder les écarts en mémoire assez longtemps. Il n’est pas rare qu’un client revienne quelques mois après un impayé, en toute quiétude, pensant que le praticien aura oublié sa petite ardoise. Il est donc important de tout conserver sur support informatique, afin d’éviter la propagation d’une certaine réputation dans le secteur. On saurait vite dans le voisinage que le Dr X ne prête pas trop attention à ses comptes ! » Un système de “fichier noir”, la fameuse black list que Thierry Jourdan incite à réaliser en commun avec les vétérinaires des alentours, est envisageable dans la mesure où le principe est autorisé par la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil). Il s’agit d’un moyen efficace, à condition de réaliser des mises à jour constantes.

• L’information

« Il faut être clair avec le client, affirme François de Coulibœuf. L’avertir des frais qui vont découler de l’acte permet d’éviter les quiproquos, même si cela ne protège pas des indélicats. » Dans les cas d’urgence ou d’hospitalisation longue, l’information est encore plus importante que pour des soins courants. A défaut d’une bonne explication sur les risques encourus par l’animal, notamment lorsque le pronostic vital est engagé, et sur le coût des traitements, vous risquez, au choix, « de passer pour un voleur ou pour un assassin », souligne François de Coulibœuf. « Il est compréhensible qu’un propriétaire ait du mal à payer lorsqu’il reprend un cadavre, explique Jean-Pierre Kieffer. Il est donc essentiel de bien expliquer tous les tenants et les aboutissants. Lors d’une hospitalisation longue, n’attendez pas la fin pour faire régler la totalité des frais et informez régulièrement le client de l’évolution de leur montant. Faites venir le propriétaire pour voir son animal. Il pourra constater lui-même l’avancée des soins et vous pourrez ainsi lui faire acquitter une partie des frais. »

La formalisation

Si vous savez que vous vous trouvez face à un client indélicat ou si les soins sont particulièrement importants, la rédaction d’un contrat de soins peut être une étape utile. En cas de litige, vous pourrez vous y référer et prouver que le propriétaire de l’animal a donné son consentement éclairé. Veillez à ce que ce contrat soit le plus détaillé possible pour couper court à toute réclamation. « Attention de ne pas tomber dans la paranoïa, prévient Thierry Jourdan. Il ne faut pas faire signer de contrat de soins de façon systématique. »

Déjouer les pièges de l’urgence

« Je suis venu vite, je n’ai pas pris d’argent. » Une phrase maintes fois répétée lors d’une arrivée en catastrophe pour des soins d’urgence. Si vous connaissez le client, vous pourrez certainement rentrer dans vos frais. En revanche, si le propriétaire est inconnu, il est nécessaire de prendre quelques précautions, d’autant que « certains indélicats bien informés connaissent les failles du Code de déontologie et savent qu’ils ont de grandes chances de gagner face au vétérinaire en plaidant la notion d’urgence », explique François de Coulibœuf.

• Prévenir : « Dès l’appel téléphonique, rappelez de façon détournée au client qu’il va devoir payer en lui précisant éventuellement que vous ne pouvez accepter que certains modes de règlement », conseille Thierry Jourdan.

• Retenir : si la personne ne dispose malgré tout d’aucun moyen de paiement, vous pouvez, selon la gravité de l’état de l’animal, conserver les médicaments dans l’attente du paiement ou prétexter la nécessité de garder l’animal en observation pour favoriser le retour du maître avec un moyen de paiement.

• Choisir : face à un client réellement dans l’incapacité de payer, vous pouvez lui proposer un échelonnement ou encore adopter le principe de “la charité choisie”. « Une discussion ouverte avec le propriétaire lui permet plus aisément de vous faire part de son manque de moyens, constate Thierry Jourdan. Je préfère me retrouver face à un client qui me demande ce que je peux faire pour lui pour 50 € plutôt que de prodiguer des soins pour rien. Je favorise la charité choisie plutôt que l’impayé subi ! »

M. H.

Relance écrite à un client

Courrier simple

« Monsieur,

Votre facture n° … du …, d’un montant de …. € TTC est arrivée à échéance le … et, à ce jour, sauf erreur ou omission de notre part, vous ne vous êtes toujours pas acquitté de son règlement.

Nous vous remercions de bien vouloir régulariser votre situation dans les meilleurs délais.

Comptant sur votre diligence,

Formule de politesse »

Joindre la copie de la facture impayée.

Relance écrite à un client

Lettre recommandée avec accusé de réception

« Monsieur,

Malgré nos relances en date du … et du …, il apparaît que vous ne vous êtes toujours pas acquitté du règlement de votre facture n° …, en date du … d’un montant de … €TTC.

Nous vous mettons, en conséquence, en demeure d’avoir à nous régler la somme de … €TTC dans un délai de quarante-huit heures.

A défaut, nous serions contraints d’engager une action judiciaire à votre encontre afin d’obtenir le règlement des sommes qui nous sont dues, outre les intérêts de retard et dommages et intérêts.

Nous vous rappelons que la présente mise en demeure fait courir les intérêts de retard en application des dispositions de l’article 1 153 du Code civil.

Formule de politesse »

Joindre les copies de la facture impayée et les lettres de relance.

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