LES PRATICIENS SALARIÉS SONT PLUTÔT CONTENTS DE LEUR SORT - La Semaine Vétérinaire n° 1383 du 04/12/2009
La Semaine Vétérinaire n° 1383 du 04/12/2009

À la une

Auteur(s) : Nicolas Fontenelle

Quoi qu’on en dise, le salariat est aujourd’hui un fait majeur. Les praticiens salariés représentent désormais un tiers des effectifs de la profession vétérinaire. Leur statut a beaucoup évolué, avec la mise en place de la convention collective en 2006 et, d’après notre sondage, leur moral semble plutôt bon. Toutefois, ils sont encore en quête de représentativité et de considération…

En quinze ans, le nombre de vétérinaires salariés en exercice n’a cessé de croître. La progression est spectaculaire. L’Annuaire Roy en dénombrait 552 en 1994, 2852 en 2002 et ils étaient 3 904 inscrits à l’Ordre l’année dernière, soit un effectif multiplié par sept ! Cette vraie révolution change la vision du métier car, devant une si forte expansion, difficile de ne pas considérer le salariat comme durable. « C’est un changement pérenne, il faut que nous soyons conscients que, désormais, une carrière entière peut se faire en tant que salarié, remarque Christian Rondeau, président du Conseil supérieur de l’Ordre. Cela ne vaut pas que pour les vétérinaires, c’est vrai dans toutes les professions libérales. Nous le remarquions récemment au sein du Comité de liaison des institutions ordinales (le Clio) : globalement, la majorité des membres de nos professions sont désormais dans le salariat depuis l’adhésion de l’Ordre des infirmiers, un métier composé à 80 % de salariés. »

Une installation vers trente et un ans, après sept ans de salariat

Le sondage que nous avons effectué avec le concours de Direct Medica (voir graphiques en pages28 et 29), auprès d’un échantillon représentatif de cent douze vétérinaires salariés, corrobore l’idée d’une installation des praticiens dans le salariat. 41 % d’entre eux exercent avec ce statut depuis plus de cinq ans, 10 % depuis plus de dix ans. Et si l’idée de s’installer dans un futur proche reste toujours majoritaire (49 %), cette échéance est repoussée à un avenir plus lointain dans 22 % des cas. Si elle se produit, ce sera avant tout en association (76 %). « Les vétérinaires s’installent en moyenne à trente et un ans, après sept années de salariat », a souligné François Courouble, président de la Caisse autonome de retraites et de prévoyance des vétérinaires (CARPV), lors de la présentation de l’enquête de branche au congrès de l’Afvac, le week-end dernier. Il n’en demeure pas moins que 27 % des salariés ne souhaitent pas s’installer. Ils étaient 35 % (sur quarante-neuf répondants) dans l’étude de la CARPV présentée par Valovet lors des Rencontres nationales vétérinaires, fin octobre 2009 à Nice.

L’enquête de branche montre également que les salariés vieillissent. En 1998, 87 % d’entre eux avaient moins de trente-cinq ans et seuls 6 % étaient en poste dans la même entreprise depuis plus de huit ans. En 2008, les moins de trente-cinq ans ne sont plus que 79 % et 11 % sont en poste depuis plus de huit ans. D’ailleurs, 79 % des répondants à notre enquête disent ne pas avoir envie de changer de lieu de travail. « Les salariés sont de plus en plus attachés à une clinique et à leur statut, témoigne Olivier Bresson, praticien salarié en Côte-d’Or et représentant du syndicat de salariés CFE-CGC. Beaucoup n’ont pas d’ambition libérale, mais ne sont pas moins intégrés à la vie de leur clinique, à son développement et à sa réussite, comme lieu de soins comme en termes d’entreprise. »

Un statut standardisé qui bénéficie d’une certaine sécurité

Pourquoi ce refus d’accéder au statut libéral ? « Pour deux raisons, analyse Jean-Pierre Kieffer, président du Syndicat des vétérinaires de la région parisienne et promoteur de la convention collective signée en 2006. D’abord parce que s’installer comporte des risques qu’ils n’ont pas nécessairement envie de prendre. L’investissement financier est lourd, même pour un rachat de parts, et le marché est encombré. En Ile-de-France, par exemple, le nombre de créations annuelles est de plus en plus faible. Le temps consacré à la gestion, à la paperasserie peut également rebuter. Ensuite, parce que la mise en place de la convention collective a, en quelque sorte, normalisé le salariat : avec une grille des salaires, des temps de travail définis, des avantages sociaux. »

« La convention a donné un référentiel de base qui a permis d’informer et de cadrer la pratique des salariés : ils n’ont pas le sentiment d’être floués dans leur travail et sont informés des usages, renchérit Olivier Bresson. De la même manière, elle sécurise les employeurs. » Disons-le, avant la convention, le salarié était un peu payé à la tête du client, souvent corvéable, avec des droits guère respectés. Désormais, son statut est standardisé et il bénéficie d’une certaine sécurité de l’emploi. La convention collective semble d’ailleurs bien respectée dans les cabinets et les cliniques. Selon notre sondage, 88 % des praticiens salariés estiment que leur employeur la respecte. « Je crois en effet que ce texte est bien observé aujourd’hui, relève Jean-Pierre Kieffer. Comme je vois passer de nombreux contrats de travail et que je suis souvent sollicité en cas de conflit, je peux dire qu’il y a beaucoup moins d’infractions à la législation et de litiges qu’autrefois. En revanche, les cas dont j’ai connaissance sont sans doute plus graves et plus techniques. Ils portent, par exemple, sur des points tels que la clause de non-concurrence ou la rémunération des gardes. »

Un manque de considération toujours au rendez-vous

L’enquête de branche montre que, du côté de l’employeur, la satisfaction n’est pas complète. Si la convention des salariés non vétérinaires est jugée très positive ou positive dans 92 % des cas, ce taux passe à 62 % pour la convention des salariés. Comme si la considération pour le salariat vétérinaire n’était pas encore au rendez-vous. Combien de libéraux pensent encore qu’un vétérinaire ne peut être qu’un libéral et rien d’autre ? Combien pensent, sans oser le formuler, qu’un praticien salarié n’est pas un confrère à part entière ? Or tout le monde ne naît pas manager, en tout cas avec la volonté d’entreprendre, de devenir son propre patron. « Le salarié reste encore trop souvent considéré comme le stade phylogénétiquement antérieur au libéral, remarque Olivier Bresson. Nous manquons de considération : dans votre enquête, 10 % des répondants citent cet élément en première intention comme ce qui leur plaît le moins dans leur métier, combien l’auraient cité si plusieurs réponses avaient été possibles ? »

Beaucoup de salariés optent pour le travail à mi-temps

Le salariat est intéressant à bien des égards : pas d’investissement dans des locaux ou du matériel, des revenus stables, l’assurance chômage, une couverture sociale automatique, des indemnités journalières d’assurance-maladie ou maternité supérieures à celles du libéral, etc. Le temps de travail est une autre différence notable. Contrairement au libéral, le vétérinaire salarié doit bénéficier d’un repos journalier et ses astreintes sont rémunérées. Beaucoup, notamment les femmes (voir encadré en page 27), travaillent à temps partiel. Ils sont 41 % dans ce cas selon notre sondage (dont 82 % de femmes) et ne travaillent en majorité que trois ou quatre jours par semaine. L’enquête de branche détaille encore ces chiffres. Selon les déclarations des employeurs, un salarié effectue en moyenne 140 heures mensuelles (146 pour les hommes, 138 pour les femmes).

Les revenus eux, sont logiquement bien moins élevés que ceux des libéraux, mais pas nécessairement un sujet de crispation. D’après notre sondage, 65 % des salariés s’estiment correctement payés compte tenu de leur travail. Un résultat pas si étonnant que cela. « La convention collective a fourni un salaire de base de référence : le salarié payé au minimum conventionnel ne se sent pas floué par rapport aux autres, tandis que le salarié payé au-dessus de la convention peut objectivement apprécier la considération de son employeur, explique Oliver Bresson. Cela dit, de nouveaux moyens existent pour récompenser et valoriser le travail accompli : intéressement, compte épargne-temps, etc. » De ce point de vue, il y a encore beaucoup à faire. Selon l’enquête de branche, seulement 6 % des vétérinaires salariés profitent d’une épargne salariale, 3,5 % de primes exceptionnelles, 2,5 % d’un intéressement, 1,5 % de tickets repas…

Soigner, donner des conseils et être en relation avec les clients plaît

Satisfaits de leurs salaires, de leurs employeurs puisqu’ils restent plus longtemps en poste, les salariés semblent avoir plutôt bon moral. Leur métier, ils l’aiment. Ce qui leur plaît le plus, c’est d’ailleurs de soigner, de donner des conseils et les relations avec les clients. En revanche, les gardes restent une contrainte forte. « Cela va plutôt bien pour les salariés, reconnaît volontiers Olivier Bresson. Ils restent des professionnels motivés, pas blasés. Ils commencent à être reconnus, c’est valorisant, même si cela reste insuffisant. »

« Les salariés ont bon moral, assure également Jean-Pierre Kieffer. Cependant, je dirais qu’un bon quart d’entre eux ressentent moins bien les choses, essentiellement pour des raisons de personnalité entre employeur et salarié, mais aussi pour des contraintes horaires. Beaucoup s’estiment surchargés. »

Les salariés ont souvent du mal à évoquer leurs difficultés. Ils se sentent isolés face à leurs problèmes. D’où la nécessité de se regrouper. C’est ce que tentent de faire quelques-uns d’entre eux par le biais du syndicat CFE-CGC (voir encadré en page 28). « Les praticiens salariés forment désormais un corpus suffisamment important pour que l’on prenne mieux en compte leurs spécificités », estime Christian Rondeau, qui ne ferme pas la porte à la création d’une section spécifique au sein de l’Ordre. Le sésame d’une vraie reconnaissance.

  • (1) Voir La Semaine Vétérinaire n° 1378 du 30/10/2009 en pages 24-27.

Plus de femmes et plus de salariées

Difficile de ne pas effectuer de parallèle entre l’augmentation du nombre de praticiens salariés et la féminisation de la profession, deux phénomènes qui suivent des courbes similaires. Lorsqu’en 1994, la profession vétérinaire compte 552 salariés, les femmes représentent 40 % de l’ensemble des praticiens. Quand en 2002 on dénombre 2 852 salariés, il y a 55 % de praticiennes. En 2008, 3 904 salariés sont inscrits à l’Ordre pour 60 % de femmes dans la profession, mais 68 % parmi les vétérinaires salariés. Les femmes salariées exercent essentiellement la canine en Ile-de-France ou en Rhône-Alpes, alors que leurs confrères optent pour l’activité mixte en Bretagne ou dans les Pays-de-la-Loire. « Le salariat permet aux consœurs d’adapter plus aisément leur temps de travail et leur vie familiale, constate Jean-Pierre Kieffer. Elles ont recours plus que les hommes au temps partiel. » Si les hommes s’impliquent aussi dans la vie de famille, ce sont toujours les femmes qui, aujourd’hui, assument la majorité les tâches ménagères et la prise en charge des enfants, surtout la nuit. L’enquête de la CARPV auprès des libéraux le montre parfaitement(1). Or, le travail à temps partiel est difficilement compatible avec la pratique libérale.

N. F.

Syndicat cherche praticiens salariés

En juin dernier, la section “véto-agro” de la Confédération française de l’encadrement – Confédération générale des cadres (CFE-CGC) a lancé un mailing auprès de 3 900 salariés pour les inciter à se syndiquer et ainsi mieux défendre leurs droits (soutien dans les périodes de transition, assistance lors de changement d’exercice, médiation en cas de conflits, soutien moral, etc.). « Le résultat n’est pas satisfaisant en ce qui concerne les adhésions, mais nous constatons une nette augmentation de notre notoriété, souligne Olivier Bresson, représentant de ce syndicat. Beaucoup des courriers envoyés ont sans doute fini à la poubelle sans être ouverts et il fallait en plus faire un chèque pour l’adhésion… » D’après notre sondage (voir schéma), 95 % des salariés ne sont pas syndiqués. « 5 % le sont ! réagit Olivier Bresson. Pour un syndicat si jeune, dans une profession encore très libérale, c’est un début encourageant. » Il reste donc un gros travail de communication à faire : d’abord parce que 27 % disent simplement ne pas connaître de syndicat, surtout parce que 20 % estiment que cela ne sert à rien et qu’il n’y a pas de syndicat spécialisé. « Notre syndicat a permis au SNVEL de trouver un interlocuteur représentant les salariés, remarque Olivier Bresson. C’est grâce à cela que la convention collective a pu être finalisée. Nous sommes sortis des pratiques locales élastiques et parfois inéquitables. Notre syndicat est avant tout vétérinaire. Il ne se positionne surtout pas contre, mais avec le SNVEL ou tout autre organisme de la profession. Nous sommes d’ailleurs les seuls vétérinaires à nous exprimer lors des commissions paritaires, les autres représentants des salariés ne sont pas de notre profession. »

N. F.

Salarié, mais libéral

Si, parmi les professions soumises à un Ordre, dites libérales, les salariés sont majoritaires, cela signifie-t-il qu’il est possible d’être à la fois libéral et salarié ? « Oui, répond Christian Rondeau, président de l’Ordre des vétérinaires. Il y a bien un lien de subordination entre le praticien libéral et son salarié, mais il est financier, pas technique. Les salariés restent des libéraux dans l’accomplissement des actes vétérinaires, la responsabilité et l’indépendance de ces actes. » Le Code de déontologie précise que « l’exercice de l’art vétérinaire est personnel. Chaque vétérinaire est responsable de ses décisions et de ses actes. Le vétérinaire ne peut aliéner son indépendance professionnelle sous quelque forme que ce soit » (article R.242-33). Confrontée à la réalité, cette indépendance théorique peut se révéler fragile, mais elle demeure le fondement de l’exercice.

N. F.
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