A Lille, les vétérinaires retrouvent les anticancéreux de la réserve hospitalière - La Semaine Vétérinaire n° 1383 du 04/12/2009
La Semaine Vétérinaire n° 1383 du 04/12/2009

Pharmacie. L’avenir de la délivrance assombri à l’Afvac

Actualité

Auteur(s) : Eric Vandaële

Mais l’antibiorésistance et les dérives commerciales menacent les ventes de médicaments par les confrères.

Il y a tout juste un an, au congrès de l’Afvac à Strasbourg, était présenté pour la première fois un anticancéreux (non cytotoxique) avec une autorisation de mise sur le marché (AMM) vétérinaire, Masivet® (AB Sciences), à base de masitinib, un inhibiteur de la tyrosine kinase, destiné au traitement des mastocytomes. Depuis, Pfizer a aussi obtenu une AMM vétérinaire pour un autre inhibiteur de la tyrosine kinase, le tocéranibe (Palladia®), avec la même indication. Ce médicament sera d’abord destiné, début 2010, aux ENV et aux vétérinaires spécialisés en oncologie, avant d’être distribué plus largement par la suite. Mais ces deux médicaments de thérapie ciblée ne remplacent pas ceux de chimiothérapie qui n’étaient plus légalement accessibles depuis plusieurs années.

A Lille, un an après Strasbourg, ces anticancéreux “humains” réservés à l’usage hospitalier constituent la plus grosse nouveauté thérapeutique du congrès 2009. Cet élargissement important de l’arsenal thérapeutique n’est évidemment pas présenté dans l’exposition commerciale, mais… en conférence, par Patrick Devauchelle (ENVA) et Jean-François Rousselot (vice-président de l’Afvac). En effet, depuis le 7 novembre dernier, les vétérinaires ont la possibilité d’acquérir dix anticancéreux auprès des laboratoires pharmaceutiques humains qui, jusque-là, devaient les réserver aux pharmacies des hôpitaux. Pour Patrick Devauchelle, qui a œuvré plusieurs années pour cela, c’est un « moment touchant » que de pouvoir enfin présenter aux praticiens un moyen légal de disposer de cet arsenal thérapeutique, essentiel à la médecine humaine et… vétérinaire.

Un nouveau droit accompagné de nouveaux devoirs

Cette évolution n’est pas un simple retour à la situation antérieure. Car avec les nouvelles dispositions réglementaires(1), l’usage chez l’animal de ces médicaments dangereux, dits CMR (cytotoxiques, mutagènes, cancérigènes), est désormais mieux connu, reconnu et accepté par le ministère de la Santé et les agences sanitaires. Cette reconnaissance va de pair avec des exigences réglementaires accrues. Ces bonnes pratiques, assez rigoureuses pour l’emploi des anticancéreux chez l’animal, sont fixées par arrêté. Elles s’appliquent d’ailleurs à tous les anticancéreux cytotoxiques, ceux réservés à l’usage hospitalier comme ceux déjà accessibles en officines. En particulier, les animaux doivent rester hospitalisés au moins vingt-quatre heures sans sortir de leur cage. « C’est un minimum, cela peut durer trois jours s’il le faut. »

Des praticiens semblent regretter cette nouvelle rigueur, qui leur paraît excessiveau regard de la pratique des anticancéreux à domicile chez l’homme. Mais selon le directeur de l’Agence nationale du médicament vétérinaire, Patrick Dehaumont, un patient anticancéreux ne peut pas être comparé à un chien, pour des raisons tant éthiques que médicales. S’il est possible d’expliquer à un homme comment gérer ses excréments et ses urines contaminés, il est impossible d’empêcher un chien traité d’uriner quand il en a envie, sans se préoccuper du risque pour l’entourage. Son entourage peut même en ignorer la dangerosité si le chien urine dans un jardin public… D’où la nécessité de l’hospitaliser au moins vingt-quatre heures après le traitement pour éliminer ces excrétas contaminés.

Pour faciliter la mise en place du système d’assurance qualité, qui doit entourer l’emploi des anticancéreux dans les cliniques vétérinaires, l’Ordre met à disposition sur son site(2) seize fiches techniques qui détaillent les procédures à mettre en place, du stockage de ces médicaments à l’élimination des déchets dangereux.

Des menaces sur la délivrance du médicament par les vétérinaires

Mais si le droit d’utiliser des anticancéreux semble acquis, celui de la vente des médicaments vétérinaires est aujourd’hui en péril. Patrick Dehaumont, Michel Baussier (vice-président de l’Ordre) et Christophe Hugnet (conseiller régional ordinal) ont souligné les menaces qui pèsent sur la délivrance des médicaments par les vétérinaires français.

Le développement de l’antibiorésistance est sans doute la plus cruciale. En effet, ce phénomène s’accroît d’année en année et serait à l’origine de vingt-cinq mille décès, pour un coût estimé à 1,5 milliard d’euros. Dans le même temps, la consommation d’antibiotiques humains a chuté en France depuis une décennie. A l’inverse, celle des antibiotiques vétérinaires s’accroît, particulièrement chez les animaux de compagnie, souvent traités avec des fluoroquinolones. Avec les céphalosporines à spectre élargi, les quinolones sont justement l’une des deux principales classes d’antibiotiques “critiques” pour la médecine humaine, notamment pour le traitement des infections zoonotiques, où le lien avec les traitements vétérinaires semble établi.

« Nous aurons à prendre des décisions pour rationaliser et réduire les consommations, annonce Patrick Dehaumont. Si nous, les vétérinaires, nous n’avançons pas sur ce sujet, d’autres, notamment les médecins, le feront pour nous. » La séparation de la prescription et de la délivrance sera alors probablement étudiée.

Pour Michel Baussier et Christophe Hugnet, le danger vient aussi de la part excessive que le vétérinaire tire des ventes du médicament en France. Les remises arrière sont un « affront à l’éthique ». Ils promeuvent ainsi une revalorisation des actes et une diminution de la part des ventes de médicaments.

Ces discours inquiétants ont fait réagir les praticiens mixtes présents : « Nous n’arriverons pas à diminuer les consommations d’antibiotiques sans une démarche collective et une campagne de sensibilisation, à l’instar de celle mise en place pour la médecine humaine. » « Nous ne pouvons pas dire non », a regretté un autre.

  • (1) Voir La Semaine Vétérinaire n° 1381 du 20/11/2009 en pages 12-13.

  • (2) Vétérinaire.fr, rubriques “Vetopratique” et “Documents”.

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