« Peu de chercheurs vétérinaires français émargent à un niveau international » - La Semaine Vétérinaire n° 1382 du 27/11/2009
La Semaine Vétérinaire n° 1382 du 27/11/2009

La recherche clinique pour les carnivores domestiques dans les ENV

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Auteur(s) : Michel Bertrou

L’unité de biomécanique et pathologie locomotrice du cheval est une unité mixte Inra-ENVA qui associe le travail de chercheurs et de cliniciens vétérinaires pour répondre à des problèmes scientifiques observés sur le terrain. S’il s’agit d’un exemple convaincant d’unité labellisée pratiquant une recherche clinique vétérinaire de pointe, il est légitime de s’étonner qu’elle soit une exception. Elle est la seule de ce type consacrée au cheval.

Le chien et le chat font eux aussi rarement partie des recherches d’unités labellisées, et toujours à des fins comparatives. « Il n’y a pas, en France, de volonté claire de structurer des moyens humains, matériels et financiers pour développer une activité de recherche visant sensu stricto l’amélioration du diagnostic et de la prise en charge des maladies des carnivores domestiques », regrette Hervé Lefebvre, professeur de physiologie et thérapeutique à l’école de Toulouse. Outre le contexte historique, plusieurs raisons peuvent expliquer cette carence. Contrairement aux animaux de rente, la recherche sur les animaux de compagnie ne peut prétendre être une priorité nationale. Depuis trente ans d’ailleurs, ce champ ne s’est-il pas révélé solvable par la recherche privée ? L’Inra, quant à lui, n’a jamais manifesté d’intérêt pour une telle recherche. Par ailleurs, la formation est la véritable priorité des écoles et une charge déjà conséquente. « Il n’est pas rare que les étudiants voient nos activités de recherche comme concurrentes de leur encadrement », témoigne notre confrère de l’ENVT.

Les ponts entre valences professionnelle et académique restent difficiles à établir

Dès lors, la recherche clinique orientée vers l’animal de compagnie se heurte à plusieurs obstacles. Absorbés par leurs missions pédagogiques et cliniques, les enseignants chercheurs cliniciens sont peu enclins à mener une recherche active et à publier sur un rythme soutenu. S’ils le font, les revues vétérinaires ont un facteur d’impact moindre que celles de biologie moléculaire, de génétique, de pathologie comparée ou touchant la médecine humaine. Elles encouragent donc peu la progression de carrière.

Des ponts entre les valences professionnelle et académique restent difficiles à établir. Développer son propre domaine de recherche, loin d’une unité labellisée, demeure un challenge. Les partenaires privés peuvent fournir des moyens que l’institution ne donne pas, mais seulement si la problématique de recherche répond à l’une de leurs attentes. C’est alors la pertinence de la thématique de recherche que le chercheur devra viser, plutôt que son excellence. Ce n’est que quand l’initiative aura généré une dynamique suffisante dans le champ voulu, qu’il pourra accéder à la reconnaissance de ses pairs… qui ne lui donnera pas pour autant plus de poids dans l’institution. L’autre difficulté de la recherche clinique est qu’elle nécessite des cohortes importantes et représentatives de patients. Aussi doit-elle s’effectuer en réseau. « A l’heure actuelle, un nombre limité d’équipes de recherche clinique ont engendré une dynamique qui leur a permis d’acquérir une forte visibilité en France », note Hervé Lefebvre. S’il reconnaît des niches dans chaque école, « très peu d’acteurs français émargent dans les congrès internationaux ». Selon lui, cette carence déprécie l’image de la formation vétérinaire française. La qualité de notre recherche clinique détermine aussi la participation nationale à des groupes d’experts internationaux. Ces comités interviennent dans certaines décisions, l’enjeu scientifique est donc aussi politique et économique. « La recherche clinique conditionne également notre pénétrance dans le secteur de l’industrie pharmaceutique. Or, actuellement, la balance penche du côté des Anglo-Saxons. Les groupes industriels leur confient de plus en plus des projets de recherche et développement. » Un paradoxe pour le marché (autour du chien et du chat) le plus étendu d’Europe, dont le besoin d’innovation devrait s’appuyer sur une recherche compétitive. « La demande pour que progressent les connaissances et la prise en charge des carnivores domestiques est réelle en France, explique notre confrère, mais le maillage de recherche n’est pas suffisant pour répondre aux attentes. »

Un institut fédératif autonome rapprochant acteurs privés et publics

La tutelle unique de l’Agriculture, aussi imparfaite soit-elle, pourrait ne pas ignorer le potentiel et les enjeux des animaux de compagnie, de sport et de loisir, et mesurer combien cette recherche, comme le souligne Hervé Lefebvre, « est fédérative ». Une rapide analyse stratégique reconnaîtrait l’intérêt d’une organisation transversale rationalisant les coûts, rassemblant les expertises et convergeant vers des moyens communs. Plutôt que le Conseil supérieur de la recherche vétérinaire que propose l’Académie, le chercheur toulousain verrait plus volontiers un institut fédératif autonome rapprochant tous les acteurs, publics et privés, pour mettre en communs moyens et connaissances. Aux institutions publiques seraient associés partenaires industriels, des organisations professionnelles comme l’Afvac(1), mais également la SCC, les clubs de races(2), etc. Un tel schéma intégratif, sorte “d’Institut national de la santé et de la recherche vétérinaire (Inserv)”, développerait une recherche qui, selon notre confrère, bénéficierait « d’une valeur ajoutée » : plus interactive, plus productive, plus lisible. L’Inserv, une utopie ?

  • (1) Ceux qui font progresser les connaissances en recherche clinique n’appartiennent pas forcément aux écoles. Il peut s’agir de praticiens et de spécialistes, rappelle Hervé Lefebvre.

  • (2) Ces partenariats permettraient d’améliorer nos connaissances sur les chiens et les chats sains.

Une approche entrepreneuriale

Les pays qui ont développé une recherche clinique vétérinaire sur les carnivores ont adopté une approche plus entrepreneuriale que la démarche française. Dans les universités anglo-saxonnes, la logique commerciale débute par des frais de scolarité élevés qui fournissent aux établissements les ressources de leur indépendance et de leurs orientations. La quête d’excellence est également un leitmotiv pour les Anglo-Saxons en termes de lisibilité, et un argument pour attirer les étudiants. Par ailleurs, comme les entreprises, les universités américaines pratiquent l’émulation : elles aideront davantage les chercheurs qui ont montré leur capacité à trouver des financements. Dans certains pays, comme l’Autriche, des rémunérations sont proposées pour inciter les chercheurs cliniciens à publier.

M. B.
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