Les deux tiers des chevaux référés pour contre-performance souffrent d’affections subcliniques - La Semaine Vétérinaire n° 1382 du 27/11/2009
La Semaine Vétérinaire n° 1382 du 27/11/2009

Affections respiratoires du cheval

Formation continue

ÉQUIDÉS

Auteur(s) : Undine Christmann

Les suspecter et les diagnostiquer précocement est essentiel pour permettre un traitement adapté qui limite les conséquences fonctionnelles de l’affection et favorise ainsi un retour rapide à l’entraînement.

Environ 60 à 80 % des chevaux référés pour contre-performance médicale présentent des maladies respiratoires subcliniques, selon une étude récente réalisée de 2006 à 2009 par l’unité de médecine sportive du Cirale, en collaboration avec l’université de Liège et le laboratoire Frank Duncombe(1). Ces affections comprennent les collapsus dynamiques des voies respiratoires supérieures, le syndrome d’inflammation trachéale, la maladie inflammatoire des voies respiratoires, l’hémorragie pulmonaire induite par l’exercice et la maladie obstructive récurrente des voies respiratoires.

En général, le praticien dispose sur le terrain des outils nécessaires pour diagnostiquer une affection respiratoire associée à des signes cliniques visibles au repos comme la toux, le jetage nasal et la dyspnée. En revanche, des tests plus sophistiqués sont nécessaires lorsque seule la performance du cheval à l’effort est affectée, sans autres symptômes évidents.

Un temps pour suspecter une affection respiratoire subclinique

La présence d’un problème respiratoire subclinique peut être suspectée chez un cheval qui réduit son action en course, semble essoufflé après le travail, récupère difficilement de l’effort, ou dont les performances ont diminué en compétition. Les entraîneurs ou les vétérinaires, habitués à suivre la fréquence cardiaque et le taux de lactates sanguins durant l’entraînement, noteront aussi une altération des paramètres sportifs (fréquence cardiaque ou lactatémie augmentées lors d’un effort standardisé). Ces mesures sont en effet un moyen précoce de détection d’une affection subclinique. En revanche, elles ne fournissent pas d’information spécifique sur l’origine du problème et doivent donc être suivies de tests supplémentaires à cet effet.

Un protocole à suivre pour caractériser une affection respiratoire subclinique

Les deux premières étapes incontournables restent l’anamnèse et l’examen clinique. L’anamnèse du cheval athlète concerné comprend notamment des informations détaillées sur son utilisation et ses performances, les éventuels signes cliniques associés à la contre-performance, leur durée et leur moment d’apparition lors du travail, la présence de problèmes respiratoires au niveau de l’écurie, le type de logement (pâture, box, charge en poussières, etc.) et l’alimentation, le statut de vaccination du cheval et le programme de vaccination de l’écurie, etc. Un examen clinique complet est effectué en routine. La présence de toux, de jetage nasal, d’hypertrophie des ganglions lymphatiques, d’effort respiratoire excessif est notée. Ensuite, l’auscultation du système respiratoire est réalisée, de préférence en utilisant le test au sac. Une auscultation cardiaque minutieuse, à gauche et à droite, dans un endroit calme, reste incontournable.

Obtenir des informations sur la résistance et la réactance du système respiratoire

Grâce à l’adaptation d’une méthode utilisée en médecine humaine, l’oscillométrie d’impulsion (IOS), il est maintenant possible d’évaluer la mécanique ventilatoire du cheval de manière rapide (en trente secondes), sensible et non invasive. L’IOS envoie une série d’impulsions à différentes fréquences (produits par un haut-parleur) vers les voies respiratoires du cheval et permet de gagner des informations sur la résistance et la réactance (comprenant la compliance) du système respiratoire. L’IOS décèle une obstruction ou une perte d’élasticité même discrète des voies respiratoires.

L’évaluation de la mécanique ventilatoire par le système IOS n’est pour le moment disponible que dans quelques centres spécialisés dans le monde, dont le Cirale, seule institution en France à proposer cet examen. D’autres tests existent pour évaluer la mécanique ventilatoire, mais ils ne sont pas suffisamment sensibles pour déceler une anomalie subclinique ou requièrent des manipulations additionnelles comme le placement d’une sonde œsophagienne (test de fonction pulmonaire classique), une sédation profonde (manœuvres d’expiration forcée) ou une bronchoprovocation pour dépister les changements subcliniques. L’IOS permet donc de mettre en évidence les conséquences fonctionnelles d’une affection respiratoire. En revanche, cette technique ne donne pas de précision sur le type d’affection, d’où l’utilité d’autres tests complémentaires.

L’endoscopie révèle les signes d’inflammation et d’hémorragie

Chez un cheval entraîné, un test d’exercice standardisé sur tapis roulant à grande vitesse est utilisé pour évaluer sa forme athlétique générale. Ce test comprend l’enregistrement en continu d’un électrocardiogramme et la mesure du taux de lactate.

Une endoscopie à l’effort peut être effectuée au cours d’un dernier palier, celui où le cheval court jusqu’à la fatigue. Ce dernier examen est particulièrement efficace pour dépister la présence d’un collapsus dynamique des voies respiratoires, qu’il soit accompagné ou non d’un bruit respiratoire anormal. L’information obtenue est mise en relation avec l’ensemble des résultats du bilan sportif. Plus spécifiquement, un collapsus dynamique des voies respiratoires supérieures peut aggraver des hémorragies pulmonaires et, inversement, un cheval qui souffre d’inflammation pulmonaire modifie sa stratégie respiratoire et devient davantage susceptible au développement d’instabilités des voies respiratoires supérieures.

L’endoscopie des voies respiratoires après l’effort permet de visualiser la trachée, la bifurcation bronchique et le début des bronches. Chez un cheval en bonne santé, peu ou pas de toux est induite par le passage de l’endoscope dans la trachée supérieure, et peu ou pas de mucus est observé. En présence d’une inflammation des voies respiratoires, le réflexe de toux s’enclenche plus facilement et une accumulation de mucus est souvent décelée. La sévérité de l’accumulation de mucus ou de sang (en cas d’hémorragie pulmonaire induite par l’exercice) est décrite par l’attribution d’un score standardisé. En revanche, l’absence de mucus ou de sang visible n’exclut pas une inflammation ou des hémorragies pulmonaires. La carène bronchique, chez le cheval en bonne santé, apparaît fine comme une lame de rasoir. Son épaississement chez un cheval au repos peut signaler la présence d’œdème ou d’inflammation.

Ainsi, l’endoscopie des voies respiratoires révèle les signes macroscopiques d’inflammation respiratoire et d’hémorragie pulmonaire, mais elle doit être suivie par un examen cytologique de prélèvements respiratoires afin de préciser le diagnostic.

Deux types de prélèvement de liquide respiratoire sont réalisés

Le lavage trachéal et le lavage broncho-alvéolaire sont effectués en routine au repos ou après l’effort. L’examen visuel du liquide respiratoire peut révéler la présence ou l’absence (macroscopique) de mucus ou de saignements pulmonaires.

La cytologie reflète des changements cytologiques dans les voies respiratoires supérieures et inférieures. L’analyse bactériologique doit être interprétée en relation avec les signes cliniques, la présence de mucus, la cytologie, le type et le nombre de bactéries présentes (supérieur à 105 cfu/ml). Plusieurs bactéries sont considérées comme pathogènes, notamment Streptococcus equi equi, Streptococcus equi zooepidemicus, Actinobacillus equuli equuli, Actinobacillus equuli haemolyticus, Pasteurella spp., Staphylococcus aureus, Pseudomonas spp., Bordetella bronchiseptica et Klebsiella. Une analyse virologique du prélèvement trachéal peut être envisagée si certains changements cytologiques sont observés, comme une neutrophilie associée à des anomalies morphologiques de cellules épithéliales (cellules exfoliées et ciliocytophtorie), d’où l’intérêt de réaliser cet examen dans un laboratoire spécialisé(2). Les herpes virus semblent incriminés le plus souvent dans les maladies respiratoires subcliniques(3) et, actuellement, une recherche de ces derniers et de la grippe par polymerase chain reaction (PCR) sur le lavage trachéal est possible au laboratoire Frank Duncombe.

D’autres recherches virales sont en développement. La cytologie du lavage broncho-alvéolaire provient d’une région pulmonaire plus profonde et ses résultats sont en corrélation avec l’histologie lors de problème pulmonaire diffus. Dans les cas de suspicions d’hémorragies pulmonaires à l’effort, le prélèvement peut être guidé vers l’un ou l’autre des poumons par la présence d’anomalies à l’auscultation pulmonaire ou à l’endoscopie. Un lavage broncho-alvéolaire réalisé dans les deux poumons est souvent intéressant dans l’évaluation de l’hémorragie pulmonaire induite par l’exercice.

L’analyse cytologique du liquide respiratoire issu des lavages trachéal et broncho-alvéolaire donne des informations sur : le type d’inflammation présente, l’existence de saignements récents ou anciens, la présence d’infection bactérienne ou virale, la qualité de l’environnement.

Préciser le diagnostic et le pronostic par des examens complémentaires

Le bilan hématologique et biochimique est effectué en routine chez les chevaux de sport. Idéalement, il est réalisé dans un laboratoire de référence, habitué à analyser des échantillons équins. En outre, la mesure de nouveaux paramètres comme l’amyloïde A sérique (SAA) détecte des changements inflammatoires de manière précoce.

L’évaluation du stress oxydatif est un autre examen complémentaire qui permet de mesurer l’équilibre entre les facteurs sanguins pro-oxydants et anti-oxydants. L’exercice influence cet équilibre et il est montré, par exemple, que le taux de protéines oxydées est plus élevé après l’effort chez les chevaux contre-performants que chez les performants, malgré des valeurs au repos similaires. La caractérisation du déséquilibre entre pro-oxydant et anti-oxydant, par excès de l’un ou défaut de l’autre, permet de guider le praticien dans son choix de suppléments nutritionnels vitaminés à qualités anti-oxidantes.

L’analyse des gaz sanguins artériels fournit de son côté une évaluation objective de l’efficacité des échanges gazeux pulmonaires. Les paramètres mesurés et calculés en routine sont la pression partielle en oxygène, la pression partielle en dioxyde de carbone, le pH, le bicarbonate et l’excès base.

Des examens d’imagerie peuvent également compléter l’investigation d’un problème respiratoire subclinique. Les images obtenues mettent en évidence des changements parenchymateux, à condition qu’ils soient suffisamment marqués. Dans le cadre des maladies respiratoires subcliniques, cet examen est indiqué dans des cas sévères d’hémorragies pulmonaires ou de problèmes respiratoires chroniques à caractère inflammatoire. L’examen radiographique permet en outre de suivre l’évolution et la sévérité de lésions pulmonaires.

Quant à l’examen échographique des poumons, il est surtout utile si le praticien suspecte des changements de la plèvre, de la superficie du poumon, ou dans le médiastin.

Enfin, l’échocardiographie cardiaque en particulier permet d’évaluer la morphologie du cœur et le fonctionnement cardiaque qui peut influencer la sévérité de certains problèmes pulmonaires, comme l’hémorragie pulmonaire induite par l’exercice.

Ainsi, la détection d’un problème respiratoire subclinique permet un traitement précoce adapté qui limite les répercussions fonctionnelles chez le cheval et les conséquences économiques pour le propriétaire.

  • (1) E.A. Richard et coll. « Sub-clinical diseases affecting performance in Standardbred trotters : diagnostic methods and predictive parameters », Vet. J., mai 2009.

  • (2) U. Christmann : Current therapy in equine medicine 6, pp. 269-273.

  • (3) G. Fortier et coll. : « Herpesviruses in respiratory liquids of horses : putative implication in airway inflammation and association with cytological features », Vet. Microbiol., 2009, vol. 139 n° 1-2, pp. 34-41.

Formations e-Learning

Nouveau : Découvrez le premier module
e-Learning du PointVétérinaire.fr sur le thème « L’Épanchement thoracique dans tous ses états »

En savoir plus

Boutique

L’ouvrage ECG du chien et du chat - Diagnostic des arythmies s’engage à fournir à l’étudiant débutant ou au spécialiste en cardiologie une approche pratique du diagnostic électrocardiographique, ainsi que des connaissances approfondies, afin de leur permettre un réel apprentissage dans ce domaine qui a intrigué les praticiens pendant plus d’un siècle. L’association des différentes expériences des auteurs donne de la consistance à l’abord de l’interprétation des tracés ECG effectués chez le chien et le chat.

En savoir plus sur cette nouveauté
Découvrir la boutique du Point Vétérinaire

Agenda des formations

Calendrier des formations pour les vétérinaires et auxiliaires vétérinaires

Retrouvez les différentes formations, évènements, congrès qui seront organisés dans les mois à venir. Vous pouvez cibler votre recherche par date, domaine d'activité, ou situation géographique.

En savoir plus


Inscrivez-vous gratuitement à nos Newsletters

Recevez tous les jours nos actualités, comme plus de 170 000 acteurs du monde vétérinaire.

Vidéo : Comment s'inscrire aux lettres d'informations du Point Vétérinaire

Retrouvez-nous sur
Abonné à La Semaine Vétérinaire, retrouvez
votre revue dans l'application Le Point Vétérinaire.fr