L’ehrlichiose granulocytaire bovine est une affection sous-diagnostiquée

L’ehrlichiose granulocytaire bovine et ovine n’est pas une maladie émergente, mais elle est sous-diagnostiquée », a souligné Guy Joncour, praticien à Callac (Côtes-d’Armor), lors de la 24^e journée du Groupement technique vétérinaire (GTV) de Bourgogne à Pouilly-en-Auxois, le 15 octobre dernier. Coordinateur de l’étude nationale sur cette affection menée par la SNGTV depuis dix ans, notre confrère en a précisé l’objectif principal, qui est « de mieux connaître et faire connaître aux praticiens cette maladie et de réduire les pertes économiques des éleveurs ».

Biotope à tiques et recomposition de troupeaux sont des facteurs favorisants

L’ehrlichiose granulocytaire bovine (EGB), due à Anaplasma phagocytophilum et principalement transmise par Ixodes ricinus, n’est pas contagieuse d’animal à animal. Encore appelée fièvre des pâtures, maladie des gros paturons ou fièvre à tiques (tick borne fever), elle se manifeste par une forte température, une diminution de l’appétit et une démarche ébrieuse. Elle peut aussi provoquer un syndrome respiratoire d’été avec de la toux, des avortements tardifs et une immunodépressionplusoumoins massive. L’étude, initiée par le GTV des Côtes-d’Armor après l’identification de deux foyers dans des troupeaux laitiers, s’est généralisée à la France. Elle met en évidence la présence de la maladie, « largement ignorée jusqu’en 1998,et maintenant connue dans quatre-vingt-un départements ». Il ne s’agit donc pas d’une “spécialité” bretonne des vaches laitières.

L’EGB est une “affection des biotopes”, car elle se développe dans des zones favorables à Ixodes ricinus, son vecteur, dont le cycle biologique explique l’incidence saisonnière, au printemps et à l’automne. Evaluer la situation géographique des cheptels permet de déterminer si le milieu est propice à la tique vectrice.

Mais l’EGB est aussi, comme les babésioses, une affection des troupeaux recomposés. Les signes cliniques sont plus marqués chez les individus placés pour la première fois dans une zone d’anadémie⁽¹⁾. La maladie se révèle lors de l’introduction d’animaux ou de l’acquisition de nouvelles parcelles. Responsable d’avortements en série, elle peut être recherchée lorsque les autres causes ont été écartées (voir encadré).

Seul le laboratoire d’analyses permet un diagnostic de certitude

Une prise de sang pour la réalisation du test à l’EDTA, jusqu’à cinq jours après le début des symptômes, permet de voir les morulae spécifiques dans les granulocytes. La polymerase chain reaction (PCR) identifie l’ADN de la bactérie dans le sang jusqu’à dix jours après la primo-infection. Le prélèvement doit donc être effectué le plus précocement possible.

Pour le diagnostic a posteriori, l’outil de choix est la sérologie par immunofluorescence indirecte (IFI) spécifique. Les anticorps sont mis en évidenceentre vingt et un et cent vingt jours après la primo-infection. Les sérologies positives sont bien plus nombreuses que les cas aigus cliniques. Notre confrère conseille de ne pas “voir” de l’ehrlichiose granulocytaire bovine dans toute sérologie positive isolée, mais de s’appuyer sur une bonne connaissance des troupeaux, de leur histoire sanitaire et de celle de l’écosystème.

Bien que la faune sauvage ne semble pas affectée par la maladie, 75 % des sérums de chevreuils (Capreolus capreolus) collectés se sont révélés positifs. Cette espèce joue un rôle important de dissémination passive des tiques, réservoirs actifs de l’agent pathogène. Le chevreuil peut donc servir de sentinelle pour la vache. De la même façon, la vache peut jouer un rôle de bio-indicateur pour l’homme.

Ce programme d’étude montre également que l’anaplasmose humaine, classée par les instances sanitaires françaises parmi les zoonoses mineures, pourrait être sous-diagnostiquée. Il a pour but d’estimer l’impact réel et potentiel de cette maladie et d’informer les instances de santé, aussi bien en médecine vétérinaire qu’en santé publique. Pour cela, Guy Joncour souhaite que cette démarche soit connue et reconnue, car « sans outils de diagnostic fiables et sans information aux vétérinaires, aux médecins et au public, il n’y a pas de prévention possible ».

• (1) Anadémie : maladie non contagieuse touchant simultanément plusieurs individus qui s’infectent à la même source.

• Pour en savoir plus : http://www.zoopole.com/urgtv2003 et www.maladies-a-tiques.com