Les bovins sont des sentinelles du risque d’intoxication environnementale pour l’homme - La Semaine Vétérinaire n° 1376 du 16/10/2009
La Semaine Vétérinaire n° 1376 du 16/10/2009

Toxicologie

Formation continue

RURALE

Auteur(s) : Lorenza Richard

Le vétérinaire est un acteur sanitaire. Par l’observation de la qualité de l’environnement et l’analyse globale des troupeaux, il aide à prévenir les intoxications humaines.

Les animaux qui développent des intoxications à la suite du contact avec des polluants constituent des sentinelles, car ils permettent de tirer la sonnette d’alarme pour prévenir un risque d’intoxication humaine », a expliqué Brigitte-Anna Enriquez, de l’unité de pharmacie-toxicologie de l’école d’Alfort, lors des journées nationales des GTV à Nantes, en mai dernier.

Les principaux polluants atmosphériques sont d’origine naturelle (oxyde de soufre, pollen) ou humaine (combustion de sources d’énergie fossiles, industries traitant les minerais, etc.). Leur dispersion dans le milieu est importante. « Par exemple, du dichlorodiphenyltrichlorethane (DDT) a été retrouvé dans la graisse des bélugas de l’Arctique », a précisé notre consœur. En raison d’une exposition continue à des polluants à faible concentration (plomb, cadmium, pesticides organiques persistant, etc.), « les intoxications des bovins ont désormais un nouveau visage. Beaucoup ne se manifestent que par une baisse de performance du troupeau, sans doute en lien avec des effets perturbateurs endocriniens de certains contaminants, et sont souvent chroniques. Elles sont par conséquent sous-diagnostiquées », a prévenu Brigitte-Anna Enriquez, en invitant les praticiens à y penser en présence de symptômes peu évocateurs.

Les bovins, des bio-indicateurs d’exposition et/ou des biomarqueurs d’effet

Pour cela, il est important d’étudier, au cours de la démarche diagnostique, le contexte environnemental (survenue de la maladie chez un nombre important d’animaux, qualité du sol, installation d’usines, site minier, etc.) et local (utilisation de boues de stations d’épuration dans l’élevage, alimentation). Cela pourra orienter vers la découverte d’une intoxication du troupeau à bas bruit et contribuera à la prévention d’une intoxication humaine.

Les animaux sont considérés comme des biomarqueurs d’effets quand ils développent une symptomatologie proche de celle des hommes qui vivent dans le même environnement. Ce n’est pas toujours le cas, mais la mise en évidence de leur exposition permet de signaler le même risque pour l’homme. Les bovins interviennent alors comme des bio-indicateurs d’exposition. Les intoxications au fluor et à la dioxine sont des illustrations d’exposition à des polluants atmosphériques. Un terrain riche en fluor peut entraîner une fluorose hydro-tellurique et la poussière de fluorure d’aluminium rejetée par les usines peut générer une fluorose d’origine industrielle, comme cela a été le cas à Saint-Jean de Maurienne (Savoie).

Le fluor a des conséquences osseuses et dentaires

La fluorose, ou intoxication par le fluor, apparaît chez un nombre important de bovins, entre six mois et cinq ans, sous la forme de taches brunes au niveau de l’émail des incisives, avec une usure et des lésions symétriques. Elle s’accompagne d’anorexie et parfois de lésions osseuses au niveau des postérieurs (exostose de la sole, fracture) qui entraînent des boiteries ou une raideur des membres, avec une baisse de productivité des animaux. Chez les petits ruminants, elle se manifeste par des cals de fractures de la mandibule, qui prend un aspect bombé, avec des irrégularités d’usure au niveau des tables molaires. Chez les animaux exposés jeunes, les lésions se développent vers l’âge de vingt à vingt-quatre mois. Les génisses sont plus sensibles que les vaches laitières, elles-mêmes plus sensibles que les petits ruminants (voir tableau ci-dessus). Dans ce cas, les animaux sont des indicateurs d’exposition pour l’homme : les personnes qui vivent dans ces zones ont été exposées au polluant et doivent aller consulter. Mais ils sont aussi des biomarqueurs d’effet, car dans cette maladie, l’expression clinique des hommes est proche de celle des bovins. Les fluorures se déposent progressivement dans les tissus durs et la fluorémie (dosage du fluor sanguin) donne une image de l’intensité de l’exposition et de la charge interne. Le rôle du vétérinaire lors de fluorose est de prévenir les éleveurs et d’éviter l’exposition des animaux, surtout celle des jeunes. Une complémentation par du sulfate d’aluminium permet de diminuer l’absorption du fluor. En outre, le renouvellement du troupeau avec des animaux de plus de trois ans, associé à une nourriture produite hors de la zone concernée, est à conseiller à l’éleveur (sachant que, si l’intoxication est d’origine industrielle, il pourra être indemnisé).

L’intoxication des animaux par la dioxine induit une intoxication chez l’homme

La dioxine, produite par l’incinération des déchets ou par toute activité de combustion de matières organiques, contamine à la fois les animaux et les productions animales (voir figure ci-dessus), ce qui n’est pas le cas des fluorures. Chez l’homme, sa toxicité aiguë est redoutable : « La chloracné du président ukrainien Iouchtchenko a signé son intoxication », a rappelé Brigitte-Anna Enriquez. Dans un contexte d’émissions d’origine industrielle, la dioxine se dépose sur les productions végétales, se concentre dans le foie et la graisse des animaux après leur absorption, et se retrouve dans le lait. Elle est à l’origine d’une baisse de production chez les animaux et est cancérigène chez l’homme. En 2001 à Gilly-sur-Isère (Savoie), de la dioxine a été retrouvée dans le lait des vaches d’un élevage. Elles ont été abattues, les fourrages contaminés interdits d’utilisation, et les fromages et le lait des zones périphériques analysés. Cela permet de rappeler que « le vétérinaire, en tant que médecin des animaux, est aussi un acteur sanitaire ». En prévention d’intoxications chez l’homme, son rôle (voir encadré en page 36) est de faire analyser le lait et les fromages dans les élevages situés à proximité des zones d’activité industrielle. L’importance de l’analyse globale du troupeau et d’une recherche épidémiologique des conditions environnementales et locales apparaît donc évidente pour déterminer l’origine d’une intoxication. C’est pourquoi « tout vétérinaire qui débute son activité professionnelle dans un milieu donné doit s’attacher à communiquer avec les acteurs de la vie publique afin de connaître au mieux le “paysage” environnant, et comprendre l’interaction entre santé et facteurs de risque environnementaux ».

CONFÉRENCIÈRE

Brigitte-Anna Enriquez, professeur de toxicologie à l’école d’Alfort et membre du CES “substances chimiques” de l’Afsset.

Article rédigé d’après la conférence « Les intoxications telluriques des bovins : sentinelles du risque pour l’homme ? », présentée lors des journées nationales des GTV à Nantes, du 13 au 15 mai 2009.

Agir face à un risque de contamination par les dioxines

• Prévenir les services vétérinaires.

• Prélever et faire analyser le lait et les fromages dans les élevages à proximité des activités industrielles.

• Prévenir le risque pour le consommateur : la contamination de l’homme se fait à 85 % par voie orale et 5 % par voie respiratoire. Il faut contacter les gestionnaires de risque locaux : maire, préfet, Direction régionale des affaires sanitaires et sociales (Drass), Direction régionale de l’industrie, de la recherche et de l’environnement (Drire).

Lorenza Richard
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