A la recherche des causes du syndrome d’effondrement des colonies d’abeilles - La Semaine Vétérinaire n° 1376 du 16/10/2009
La Semaine Vétérinaire n° 1376 du 16/10/2009

Filière apicole

Formation continue

FILIÈRES

Auteur(s) : Nicolas Vidal-Naquet

Fonctions : Membre de la commission apicole des Groupements techniques vétérinaires

Une combinaison de facteurs de stress déclenche probablement une cascade d’événements dans la colonie d’abeilles où les ouvrières, plus fragiles, sont davantage sensibles aux ravageurs et aux organismes pathogènes.

Des pertes de colonies d’abeilles sont observées depuis quelques années à travers le monde, notamment aux Etats-Unis, où l’apiculture représente une industrie qui génère plusieurs milliards de dollars, essentiellement par la pollinisation. Une véritable task force a donc été mise en place dans le pays pour lutter contre ce phénomène, à l’initiative de plusieurs services fédéraux. De nombreux scientifiques appartenant à huit agences fédérales, aux départements ministériels de l’agriculture de deux états et à vingt-deux universités, ainsi que des laboratoires privés ont mis leurs efforts en commun pour tenter de comprendre et de combattre ce syndrome d’effondrement des colonies (colony collapse disorder, ou CDD). Les travaux sont regroupés en quatre domaines thématiques : le recueil des études et des données (échantillons), l’analyse des échantillons existants, l’identification des éléments qui affectent la santé de l’abeille (cela inclut des tentatives pour recréer les symptômes du CDD) et les mesures prophylactiques.

Voici les conclusions du premier rapport d’étape(1) de ces travaux, rendu en juin dernier, selon les quatre thématiques abordées.

1 RECUEIL DES ÉTUDES ET DES DONNÉES.

Les travaux confirment l’augmentation des pertes de colonies d’abeilles (elles ont atteint 31 % en 2007 et 35 % en 2008), au-delà des pertes constatées en 2006 (25 %). Les résultats pour 2009 ne sont pas encore connus.

Dans ce premier domaine d’études, les recherches sur l’état de santé général de l’abeille et l’affinement de la symptomatologie du syndrome d’effondrement des colonies se poursuivent. En outre, l’Agence américaine de protection de l’environnement (EPA) réfléchit à la mise en place d’un atelier sur les risques encourus par les abeilles liés aux pesticides systémiques.

2 ANALYSE DES ÉCHANTILLONS EXISTANTS.

La comparaison de l’analyse des prélèvements effectués sur les colonies atteintes par le syndrome d’une part et sur des colonies saines d’autre part montre un nombre plus important d’organismes pathogènes, de parasites et de pesticides (plus de soixante-treize molécules différentes) dans les premières et des niveaux plus bas dans les secondes. Les rapporteurs précisent cependant qu’il est « devenu évident qu’un seul élément ne peut pas être responsable du syndrome d’effondrement et qu’une combinaison de facteurs de stress déclenche probablement une cascade d’événements dans la colonie d’abeilles où les ouvrières plus fragiles sont plus sensibles aux ravageurs et aux organismes pathogènes ».

En outre, depuis la mise en place du plan d’action, de nombreux services de diagnostic sont proposés aux apiculteurs. Ils leur permettent d’identifier l’éventuelle présence d’agents pathogènes (virus, Nosema, etc.), de pesticides ou de ravageurs dans leurs colonies, et d’évaluer l’état de santé de ces dernières. Concernant Nosema, le nombre élevé d’échantillons étudiés montre une hausse de la quantité de spores selon la saison, mais « cela ne peut pas être mis en relation directe avec les pertes de colonies observées », souligne le rapport. En outre, plusieurs virus comme le VDV-1 (varroa destructor virus), l’IAPV (israeli acute paralysis virus) ou le KBV (kashmir bee virus) ont été retrouvés, mais aucun n’a été identifié comme étant la cause primaire du syndrome d’effondrement des colonies.

Des pesticides et des contaminants environnementaux, potentiellement toxiques pour les abeilles, ont également été recherchés dans les prélèvements effectués au sein des colonies. Les trois principaux composés retrouvés sont deux acaricides utilisés dans la lutte contre Varroa, (le fluvalinate et le coumaphos) et le chlorpyrifos (employé contre les ravageurs du coton, du maïs, des amandiers, des orangers, des pommiers, etc.). Aucune conclusion définitive ne peut être donnée avant plusieurs mois, précisent les auteurs. Cependant, les pesticides ont des effets divers (précisés dans le troisième point du rapport). D’une part, des travaux suggèrent que des interactions entre le coumaphos et le tau-fluvalinate, utilisés dans la lutte contre Varroa, peuvent jouer un rôle dans la mortalité des abeilles, mais aussi que les colonies “prétraitées” avec l’un des deux acaricides ont une moindre tolérance vis-à-vis des autres traitements. L’université de l’Illinois a mis en évidence que l’exposition des abeilles au tau-fluvalinate entraîne une augmentation du taux de certaines enzymes de détoxification. D’autre part, un effet synergique sur la mortalité des abeilles est démontré quand les colonies sont exposées à une combinaison de néonicotinoïdes et de certains fongicides (université de Pennsylvanie). Ces recherches devraient conduire à l’élaboration de recommandations sur l’usage des pesticides prenant en compte les risques et les bénéfices pour les colonies d’abeilles. De nombreuses études sur les pesticides et leurs effets sur la santé des abeilles sont en cours et devraient être publiées dans les prochains mois.

Par ailleurs, des recherches plus approfondies seront développées à la suite de la mise en évidence de marqueurs moléculaires de stress chez l’abeille, de marqueurs génétiques potentiels des abeilles atteintes par le syndrome d’effondrement ou de signaux sonores émis par les colonies faibles.

3 IDENTIFICATION DES ÉLÉMENTS QUI AFFECTENT LA SANTÉ DE L’ABEILLE, INCLUANT DES TENTATIVES POUR RECRÉER LES SYMPTÔMES DU CDD.

Selon les chercheurs américains, aucune cause unique n’a pu être déterminée comme déclencheur du syndrome d’effondrement des colonies. Des travaux sur les facteurs suspectés, associés ou non (pratiques apicoles, organismes pathogènes, pesticides, parasites, prédateurs, etc.), continuent. Toutefois, la faible capacité de détoxification des abeilles les a conduits à suspecter en premier lieu les pesticides.

Des recherches sur un lien potentiel entre les effets sublétaux d’une exposition aux pesticides et une augmentation des niveaux d’infection par des organismes pathogènes dans les colonies sont en cours d’investigation. Cela pourrait aider à comprendre si certains pesticides sont susceptibles d’affaiblir les colonies. Concernant les agents pathogènes (des virus à Varroa destructor en passant par Nosema apis et Nosema ceranae), des études sur leur rôle respectif sont en cours. Elles se font à tous les niveaux, y compris celui du séquençage des génomes par l’Agricultural Research Service (ARS).

Des travaux portent également sur les pratiques apicoles, notamment sur les liens entre des colonies faibles et une alimentation inadaptée, ainsi que de longues transhumances. Elles indiquent qu’un supplément protéique et du pollen naturel peuvent renforcer les colonies et diminuer les effets négatifs des facteurs de stress, comme les prédateurs ou les pesticides. Ainsi, l’utilisation de pollen naturel comme complément alimentaire contenant du flavanol quercetine augmente la tolérance des abeilles aux pesticides. Par ailleurs, la présence de substances toxiques a été mise en évidence dans des sirops de maïs chauffés (HMF), ce qui peut arriver lors de transhumance en pleine chaleur. Ces connaissances peuvent donc être mises à profit pour améliorer les conditions de pratiques apicoles.

4 LES MESURES PROPHYLACTIQUES.

Même si les travaux continuent, des progrès significatifs ont été réalisés pour atténuer l’effondrement des colonies d’abeilles.

L’un des points majeurs est la lutte contre Varroa destructor. La recherche chez des abeilles résistantes à Varroa semble progresser et des colonies résistantes sont désormais sur le marché de l’industrie apicole. Les travaux ont notamment pour but la diminution de l’usage des pesticides dans la lutte contre Varroa, mais aussi contre le petit coléoptère des ruches, qui n’est pas (encore) arrivé en France, où il est considéré comme une maladie réputée contagieuse (MRC). Des recherches sont également menées sur l’impact de l’irradiation des cadres gaufrés et des cires avant leur réutilisation. Certains apiculteurs emploient déjà cette méthode afin de diminuer la charge en germes pathogènes.

Des sites Internet, ainsi que de nombreuses publications, diffusent les connaissances acquises ou les résultats obtenus dans de brefs délais, mais permettent aussi de faciliter les échanges entre chercheurs et apiculteurs. Le but est de mettre en œuvre une sorte de guide des bonnes pratiques apicoles afin d’aider les apiculteurs à améliorer la santé de leurs abeilles. En outre, des études sur les insectes pollinisateurs autres que les abeilles sont également initiées.

Formations e-Learning

Nouveau : Découvrez le premier module
e-Learning du PointVétérinaire.fr sur le thème « L’Épanchement thoracique dans tous ses états »

En savoir plus

Boutique

L’ouvrage ECG du chien et du chat - Diagnostic des arythmies s’engage à fournir à l’étudiant débutant ou au spécialiste en cardiologie une approche pratique du diagnostic électrocardiographique, ainsi que des connaissances approfondies, afin de leur permettre un réel apprentissage dans ce domaine qui a intrigué les praticiens pendant plus d’un siècle. L’association des différentes expériences des auteurs donne de la consistance à l’abord de l’interprétation des tracés ECG effectués chez le chien et le chat.

En savoir plus sur cette nouveauté
Découvrir la boutique du Point Vétérinaire

Agenda des formations

Calendrier des formations pour les vétérinaires et auxiliaires vétérinaires

Retrouvez les différentes formations, évènements, congrès qui seront organisés dans les mois à venir. Vous pouvez cibler votre recherche par date, domaine d'activité, ou situation géographique.

En savoir plus


Inscrivez-vous gratuitement à nos Newsletters

Recevez tous les jours nos actualités, comme plus de 170 000 acteurs du monde vétérinaire.

Vidéo : Comment s'inscrire aux lettres d'informations du Point Vétérinaire

Retrouvez-nous sur
Abonné à La Semaine Vétérinaire, retrouvez
votre revue dans l'application Le Point Vétérinaire.fr