Un notable local multitâche

Pour Yvan Ducochez, la nuit a été courte. Car le vétérinaire de Bonnat (Creuse), mille trois cents habitants, est aussi le président du comité de la foire. La foire… celle du 1^er septembre, une institution régionale créée en 1970 par Jean Commergnat, praticien retraité qui exerçait… dans la clinique dont Yvan Ducochez est désormais l’un des associés. Aujourd’hui, le jeune vétérinaire – trente-trois ans – va devoir être partout. A commencer, dès l’aube, par le champ de foire où les éleveurs, venus parfois de loin, déchargent leurs animaux des bétaillères. Il s’agit essentiellement de bovins de race charolaise, mais aussi de quelques spécimens de limousines. « Les broutards sont dans des cases spécifiques, quatre au maximum par case, les reproducteurs sont attachés à la barre. Les autres espèces (ovins, caprins, porcs et gallinacés) sont installées sous des tonnelles, à l’abri de la pluie ou du soleil. Naturellement, tous les animaux doivent être parfaitement identifiés et vaccinés. » Le vacarme est impressionnant, mais le ballet se déroule parfaitement. « Depuis que je suis là, je n’ai jamais eu à intervenir pour endormir ou soigner un animal », se réjouit Yvan Ducochez. Son portable sonne : un poids-lourd en transit a accroché une voiture en stationnement sur la déviation de contournement du bourg, envahi par les marchands forains. Sur place, le président vérifie que les panneaux d’interdiction de stationner sont en place, fait rechercher le propriétaire du véhicule, demande une remorqueuse…

« Les veaux exposés sont moins nombreux qu’avant »

Arrivé à Bonnat en 2002, dans une clinique mixte (activité à 75 % rurale et 25 % canine), le praticien a rapidement été sollicité pour faire partie du comité d’organisation de la foire. Il en a pris les rênes en 2006. « Pour moi qui ne suis pas creusois, c’était une façon de m’intégrer. Le fait d’être vétérinaire permet de mobiliser davantage d’éleveurs. »

De retour sur le foirail où les bénévoles de la buvette ont un problème avec la tireuse de bière, Yvan Ducochez ne cesse de s’arrêter, de serrer des mains, de saluer, d’être interpellé. Vétérinaire, président de la foire… c’est un notable local. Arrivé enfin à la buvette, il résout rapidement le problème. « Mes origines belges sans doute », plaisante-t-il, avant de souligner qu’il s’agit d’une bière locale. « Cela fait partie des nouveautés. Avec la modification des périodes de naissance, les veaux exposés sont moins nombreux, les transactions aussi. Il faut donc faire évoluer la foire vers une manifestation plus grand public, tout en respectant la tradition. » Le tout sans heurter les sensibilités, notamment parmi l’équipe d’une quarantaine de bénévoles. « C’est comme une famille. Il faut concilier, tolérer et insuffler de la tolérance… ça consomme un peu d’énergie. » Yvan Ducochez affirme toutefois que cette activité de président n’est pas trop chronophage : « Il y a une dizaine de réunions par an, pas mal de déplacements. Il faut s’organiser. Mais c’est tellement important pour la commune. »

Le vin d’honneur, entre personnalités et autochtones

A 10 h, les personnalités (député, conseillers généraux, secrétaire général de la préfecture) sont arrivées et attendent à la mairie, de l’autre côté du bourg. Yvan Ducochez les guide jusqu’au champ de foire. Les discours tournent court en raison de l’orage qui éclate. Pendant la remise des prix débute le vin d’honneur. La chemise trempée et le verre à la main, Yvan Ducochez manifeste le même intérêt apparent à la conversation des élus ou à l’interpellation d’autochtones un peu enivrés.

Il est 13 h passées et les éleveurs commencent à charger les animaux dans les bétaillères. Après le repas sous le chapiteau, le foirail sera quasiment vide et il faut penser à ranger. Yvan Ducochez ne décompresse pas encore, mais a vécu une 39^e édition de la foire relativement sereine. Rien à voir avec celle qui a eu lieu deux ans aupararant, lorsque « les interdictions liées à la fièvre aphteuse en Grande-Bretagne ont été levées à la mi-août ». Un membre du comité d’organisation vient trinquer. « L’an prochain, propose le vétérinaire, il faudrait prévoir un emplacement réservé à l’artisanat creusois et aux productions locales. »