La dermatite digitée, ou maladie de Mortellaro, venue d’Italie, est présente partout en Europe - La Semaine Vétérinaire n° 1373 du 25/09/2009
La Semaine Vétérinaire n° 1373 du 25/09/2009

Affections podales des bovins

Formation continue

RURALE

Auteur(s) : Karim Adjou

Son incidence en France est sous-estimée, car elle est difficile à diagnostiquer. Elle touche essentiellement les vaches en lactation.

La dermatite digitée est une inflammation subaiguë, contagieuse et superficielle de la peau et de la couronne de l’onglon, surtout du côté du talon, ou de l’espace interdigital. Elle a été diagnostiquée pour la première fois en 1974 dans le nord de l’Italie par Cheli et Mortellaro, d’où son nom de maladie de Mortellaro. Cependant, elle a peut-être été antérieurement confondue avec la dermatite interdigitée, ou fourchet(1). Les Anglo-Saxons l’appellent digital dermatitis, hairy foot warts, strawberry foot disease, strawberry foot rot, heel warts et raspbery hell.

Depuis sa découverte en Italie, elle a été détectée dans plusieurs pays européens (Royaume-Uni, Allemagne, Irlande, etc.). Elle est décrite pour la première fois en France dans les années 80. De nombreux départements sont aujourd’hui atteints : Allier, Eure, Maine-et-Loire, Loire-Atlantique, Manche, Calvados, Seine-Maritime, Haut-Rhin et Bas-Rhin. L’affection est certainement plus répandue qu’on ne le croit, car elle est rarement diagnostiquée. En effet, les pieds sont parfois difficiles à examiner, et doivent être levés. La maladie de Mortellaro est aussi connue aux Etats-Unis et au Canada.

Quand elle est sévère, les pertes économiques peuvent être considérables, en raison de l’amaigrissement des animaux atteints et de la baisse des performances de reproduction et de production laitière (chute de 20 à 50 %). En France, l’affection sévit de façon presque exclusive chez les femelles en lactation.

Les spirochètes sont probablement responsables, mais peut-être pas seuls en cause

A l’heure actuelle, l’étiologie de l’affection demeure inconnue. L’allure contagieuse et l’efficacité des inoculations expérimentales sont en faveur d’une origine infectieuse. La théorie virologique n’a jamais été prouvée et le succès des traitements antibiotiques tentés sur le terrain va plutôt dans le sens d’une origine bactérienne. L’hypothèse la plus probable, selon plusieurs auteurs, incriminerait des bactéries de type spirochètes (Treponema denticola, Treponema phagedenis, Treponema medium/ vincentii en Californie, par exemple). Chez les vaches atteintes de dermatite digitée, le développement d’une immunité spécifique contre les spirochètes est confirmé. Ces dernières pourraient agir ensemble ou en synergie avec d’autres germes non spécifiques (Fusobacterium necrophorum, Campylobacter sputorum, Porphyromonas spp., Prevotella bivia, etc.).

Le mode de contamination est mal connu, mais le contact avec la litière et le matériel contaminés est réputé pour transmettre l’agent. La maladie de Mortellaro est provoquée par une conjonction de facteurs divers comme l’environnement, les conditions d’hygiène, les carences nutritionnelles (Zn, Mn), le microbisme et l’individu.

Les ambiances humides et les températures douces sont favorables au développement de cette affection podale. En Europe, les mois d’hiver sont les plus propices.

L’affection est plus répandue lorsque les animaux sont en étable qu’en pâture. Elle se rencontre plus souvent dans les stabulations libres, sur des aires paillées, que dans les bâtiments à logettes. Quand les conditions d’hygiène du bâtiment sont mauvaises, l’accumulation des bouses et des urines, associées au confinement des bovins, crée un environnement dangereux. Mais l’affection peut aussi survenir dans de bonnes conditions d’élevage. En effet, l’introduction d’un nouveau bovin reste le facteur le plus fréquemment responsable de l’entrée de l’agent infectieux dans un cheptel sain. L’infection se propage ensuite par la contamination de l’environnement. Tous les bovins, quel que soit leur âge, sont concernés par la dermatite digitée, mais les vaches laitières sont les plus atteintes.

Il faut lever et nettoyer le pied pour voir les lésions

Le signe clinique le plus évident et le plus précocement remarqué par l’éleveur est une boiterie franche, non constante, mais particulière à la dermatite digitée. Elle est due à la douleur vive qu’occasionne la lésion, située en général sur le talon. Pour se soulager, le bovin reporte l’appui en pince quand il est en mouvement. Quand il est au repos, le paturon est en semi-flexion. On parle de “marche sur des œufs” pour décrire parfois l’allure de la vache.

Les lésions sont retrouvées sur la couronne, surtout aux deux extrémités de l’espace interdigité, le plus souvent (80 % des cas) ventralement vers les talons (voir photo ci-dessous), plus rarement dorsalement (voir photo en page 46), exceptionnellement dans la zone interdigitée.

Les lésions sont caractéristiques : superficielles, plus ou moins circulaires ou ovales de 1 à 5 cm de diamètre, dépilées au centre, avec une surface rugueuse rouge (aspect d’une fraise ou d’une framboise), entourées d’un liseré blanc. L’examen de la zone douloureuse révèle une inflammation circonscrite et superficielle de la peau.

Exceptionnellement, des lésions typiques localisées sur la surface de la sole sont décrites. L’infection peut aussi atteindre les doigts accessoires. En fin d’évolution, la lésion devient un tissu cicatriciel, gris brunâtre et hyperkératosique. Cette affection n’a pas tendance à régresser spontanément.

L’observation des lésions n’est possible qu’après un nettoyage minutieux, particulièrement au-dessus de la jonction entre l’épiderme et la corne du talon. Sans avoir levé le pied, il est peu fréquent de voir des lésions de dermatite digitale. Seuls des stades évolués, envahissants et en relief pourraient être aperçus.

Par ailleurs, la dermatite digitée doit être différenciée des autres affections podales bovines (voir tableau en page 46). Les points essentiels à retenir sur la dermatite digitale sont résumés dans le tableau ci-dessous.

Le pronostic est favorable si le traitement à base d’antibiotiques est précoce. La maladie reste toutefois récurrente.

Un parage curatif est nécessaire lors de lésions bourgeonnantes

Le traitement individuel de la maladie de Mortellaro consiste, après avoir procédé à un nettoyage minutieux, en une pulvérisation quotidienne d’un spray à base d’oxytétracycline et de violet de gentiane ou encore d’une solution de lincomycine à 600 mg/l. Ce traitement est à renouveler trois jours de suite. Aucun résidu antibiotique n’a été détecté dans le lait ou la viande avec ce protocole thérapeutique. En cas de lésions bourgeonnantes, un parage curatif est nécessaire.

Dans le cas de soins collectifs, plusieurs traitements antibiotiques par pédiluve sont recommandés. Les bovins doivent stationner au moins une minute dans le bassin. Cependant, l’utilisation de telles solutions pose de graves problèmes environnementaux.

D’autres, qui font appel à des onguents sans antibiotiques, sont aussi efficaces, par exemple le gel Hoof-fit à base de cuivre, de zinc chélatés et d’aloe vera, qui est appliqué sous un pansement léger.

En raison de l’importance croissante de la maladie de Mortellaro dans les élevages, il serait utile de contrôler les bovins achetés avant de les introduire dans les exploitations, en vérifiant minutieusement les quatre pieds, car la mise en quarantaine des animaux est incompatible avec la durée de la période prépatente.

  • (1) Voir La Semaine Vétérinaire n° 1345 du 30/1/2009 en pp. 34-35.

POUR EN SAVOIR PLUS

• Nora Grasmuck : « Diagnostic différentiel des maladies podales des bovins », thèse vétérinaire, Alfort 2005.

• Otto Radostits, Herd health, W.B. Saunders, Philadelphia, 2001.

• « La santé du pied chez les bovins », dossier paru dans Le Bulletin des GTV, n° 50, juillet-août 2009.

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