Une enquête sérologique montre la présence enzootique du sérovar Hardjo en France - La Semaine Vétérinaire n° 1372 du 18/09/2009
La Semaine Vétérinaire n° 1372 du 18/09/2009

Leptospirose bovine

Formation continue

RURALE

Auteur(s) : Geneviève André-Fontaine

Fonctions : professeur à l’ENV de Nantes.

Cette étude de séroprévalence, la première de cette ampleur (plus de douze mille sérums), révèle que la leptospirose est présente dans de nombreux cheptels, quelle que soit la région concernée.

Les bovins sont reconnus comme le principal réservoir du sérovar Hardjo, l’un des multiples sérovars pathogènes de leptospires et le plus actif en élevage bovin. Cette observation générale n’est pas prise en considération partout avec la même acuité.

Ainsi, en Europe continentale, cette infection est considérée comme inexistante ou négligeable, le plus souvent en l’absence de données. A l’inverse, au Royaume-Uni, aux Etats-Unis ou en Australie, son impact est reconnu et des vaccins spécifiques sont disponibles. S’agit-il d’une exception épidémiologique ou d’une certaine méconnaissance ? C’est pour répondre à cette question qu’une enquête de grande ampleur a été menée en France, sur la base de prélèvements réalisés en 2003 et 2004 (voir encadrés ci-contre et en page 50).

Les analyses sérologiques ont recherché la présence d’anticorps agglutinants contre le sérovar Hardjo de Leptospira par le test de micro-agglutination, une méthode sérologique de référence mise en œuvre au laboratoire des leptospires de l’école de Nantes.

Séroprévalence : l’élevage allaitant au premier chef

Au total, l’enquête a porté sur 12 343 sérums de vaches adultes, provenant de 411 troupeaux dans 40 départements. Plus de la moitié des troupeaux (58 %) inclus dans l’étude comptent au moins une vache avec une réaction séropositive(1) (c’est-à-dire présentant des anticorps agglutinants Hardjo). Ce résultat se décompose en 62 % de troupeaux allaitants positifs (212 sur 344) versus 38 % d’élevages laitiers (21 sur 56). Cette disparité ne se retrouve pas au plan individuel : 13,3 % des vaches allaitantes sont séropositives (1 369 sur 10 298) et 11,9 % des laitières (209 sur 1 762). Selon le profil sérologique des animaux d’un même troupeau, l’épisode infectieux peut être estimé comme ancien, ou récent mais terminé, ou récent et en pleine activité (la sérologie ne permet pas de discriminer ces deux dernières situations). Dans 36 des 40 départements de l’enquête(2) (voir carte), les situations d’infection récente ou active sont fréquentes.

Impact épidémiologique : sensibiliser les praticiens

Tandis que 42 % des troupeaux sont négatifs, près de la moitié (153 sur 344) des 344 cheptels allaitants de l’étude (44 %) affichent des résultats qui indiquent une exposition aux leptospires Hardjo. Pour près de 90 % (138 sur 153) de ces troupeaux en contact avec Hardjo, l’infection est confirmée et les résultats montrent qu’elle est active ou récente. La proportion d’élevages laitiers soumis aux analyses reconnus exposés aux leptospires Hardjo est plus faible (12 sur 56, soit 21 %), mais ne doit pas masquer le fait que ces infections sont aussi en grande majorité actives ou récentes (10 sur 12). Au bilan, aucune mesure de lutte n’ayant été mise en place depuis la réalisation des prélèvements (2003-2004), il est probable que cette forte exposition des bovins français aux leptospires, et plus particulièrement à Hardjo, constitue une donnée épidémiologique stable. En effet, le portage par les bovins est connu pour persister de longs mois, avec une excrétion urinaire intermittente. Comme l’excrétion urinaire n’est pas identifiable cliniquement, puisqu’elle ne s’accompagne d’aucun signe clinique, elle permet à l’infection de progresser à l’intérieur d’un troupeau (voire entre les troupeaux), ce qui justifie le besoin d’un diagnostic de cheptel. Ainsi, l’infection passe souvent inaperçue et l’implication des leptospires dans les troubles de la reproduction est probablement sous-estimée, puisque ces germes ne sont pas recherchés en routine lors d’avortement (ou uniquement dans les cas où la recherche des autres agents se révèle négative). Comme le montre cette enquête, les praticiens ne devraient plus considérer la leptospirose comme anecdotique. Au contraire, cette infection pourrait être utilement incluse dans le diagnostic différentiel devant des performances de reproduction inférieures à celles attendues dans un élevage, lors d’avortements, ou face à une chute brutale de la production laitière.

  • (1) Un cheptel est comptabilisé comme positif dès qu’il comporte un animal positif à l’un ou l’autre des antigènes.

  • (2) Les résultats de cette enquête seront présentés en détail, ainsi que la grille d’interprétation des résultats sérologiques, dans un article scientifique soumis à une revue à comité de lecture.

  • (3) “lato sensu”, c’est-à-dire “au sens large”. Cette qualification est retenue par les systématiciens pour indiquer que, dans une espèce “sl” est inclus un complexe d’espèces différentes, plus récemment et finement caractérisées par les méthodes moléculaires.

Les leptospires Hardjo chez les bovins

C’est sur la base de données sérologiques (test de micro-agglutination) que l’importance des leptospires appartenant au sérovar Hardjo est décrite sur les cinq continents. Aujourd’hui, comme la systématique repose sur les analyses génomiques, deux classifications des leptospires coexistent :

– celle, ancienne, sérologique, qui comprend une seule espèce appelée L. interrogans lato sensu(3) et regroupe tous les sérovars pathogènes ;

– celle qui fait état de différentes espèces “génétiques” et repose sur le séquençage du génome des différents isolats.

Ainsi, la génomique place les leptospires du sérovar Hardjo au sein de deux espèces différentes génétiquement définies :

– le type Hardjo prajitno de l’espèce Leptospira interrogans, cette fois stricto sensu ;

– le type Hardjo bovis de l’espèce Leptospira borgpetersenii.

Sérologiquement, ces deux types du sérovar Hardjo ne sont pas différenciables : dans l’enquête, un résultat positif au test de micro-agglutination indique une réponse postinfectieuse à l’un ou à l’autre.

Les leptospires pathogènes du sérovar Hardjo sont des facteurs reconnus de troubles de la reproduction (avortements et infertilité) dans l’espèce bovine. Ils sont aussi à l’origine de chutes parfois spectaculaires de la production laitière.

G. A.-F.

Méthode d’enquête

La taille de l’échantillon a été calculée par l’organisateur de l’enquête. Les sérums proviennent de vaches âgées de deux ans ou plus, prélevées dans le cadre des prophylaxies obligatoires. Les premiers prélèvements remontent à 2003, mais la plupart ont été collectés dans des troupeaux allaitants et mixtes au premier semestre 2004.

L’analyse sérologique a été effectuée avec le test de micro-agglutination, qui identifie la présence d’anticorps agglutinants des cultures vivantes de leptospires (ici les deux types Hardjo), au laboratoire des leptospires de l’école de Nantes. La lecture des réactions a été réalisée au microscope à fond noir. Est considéré comme positif un sérum agglutinant au minimum 50 % des leptospires. Comme pour toute analyse sérologique, le résultat positif de l’analyse doit être interprété en termes cliniques selon les commémoratifs.

G. A-F.

POUR EN SAVOIR PLUS

• G. André-Fontaine, A. Kodjo : « Leptospiroses et troubles de la reproduction », Journées nationales des GTV, Nantes 2007, pp. 327-330.

• G. André-Fontaine : « La leptospirose bovine, intérêt de la vaccination dans la lutte », Journées nationales des GTV, Nantes 2007, pp. 331-334.

• J. Guitian et coll. : « Infertility and abortion among first lactation dairy cows seropositive or seronegative for Leptosira interrogans serovar Hardjo », Javma, 1999, vol. 215 pp. 515-518.

• B. Ventejou, G. André-Fontaine, L. Mascaron : « Cas clinique de leptospirose en élevage bovin laitier : syndrome chute de lait associé à une infection du troupeau par Leptospira Hardjo », Journées nationales des GTV, Nantes 2008, pp. 307-308.

• E. Charrier et coll. : « Cas cliniques de leptospirose bovine à Leptospira Hardjo en région Bourgogne : avortements et troubles de la reproduction », Journées nationales des GTV, Nantes 2009, p. 1 226.

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