QUI A PEUR DE LA REPRESSION DES FRAUDES ? - La Semaine Vétérinaire n° 1372 du 18/09/2009
La Semaine Vétérinaire n° 1372 du 18/09/2009

À la une

Auteur(s) : Nicolas Fontenelle

Avec des milliers d’agents répartis sur l’ensemble du territoire, la Direction générale du commerce, de la concurrence et de la répression des fraudes (DGCCRF) dispose d’un réseau de surveillance implacable. La profession vétérinaire en a fait les frais en 2008. Une vaste enquête sur l’affichage des prix a concerné plus de cinq cents cabinets et cliniques. Le bilan n’est pas si mauvais.

Ils sont trois mille agents répartis dans près d’une centaine de directions départementales. Un maillage serré, au plus proche de leurs cibles : les commerces et les entreprises. Leurs missions : favoriser le libre jeu de la concurrence, garantir la qualité et la sécurité des produits et services, protéger les intérêts du consommateur (voir encadré « Les missions » en page 36). Leurs armes : les contrôles in situ, individuels parfois, collectifs le plus souvent, fruits de dénonciations ou de ciblages. « Une enquête peut être déclenchée à partir d’une plainte, sur une initiative de l’unité départementale, mais plus généralement dans le cadre de l’orientation nationale des contrôles », précise la DGCCRF.

En 2008, ce service de l’Etat a procédé à 930 000 contrôles. Un peu plus de 800 000 concernaient la consommation, la sécurité et la qualité des produits et services, 100 000 la concurrence et les prix. 60 000 rappels de réglementation ont été notifiés et 12 000 procès-verbaux transmis au Parquet (voir encadré « Les sanctions » en page 37). Qu’on se rassure : aucune profession n’est spécifiquement dans le collimateur des limiers de Bercy. « On ne se lève pas le matin en se disant, tiens, aujourd’hui, nous allons contrôler les kinésithérapeutes ou les pharmaciens », assure l’un d’entre eux. A voir. La profession vétérinaire a tout de même fait soudainement l’objet, l’an dernier, d’une grande enquête inédite par son ampleur.

Au bilan : les vétérinaires sont plutôt de bons élèves

Pas moins de 39 unités départementales de la DGCCRF dans 17 régions différentes ont été mobilisées pour conduire des contrôles dans 536 cabinets ou cliniques. Ces investigations, dont nous avons pu avoir le bilan, avaient pour objectif « de vérifier le respect des règles de protection du consommateur, par les vétérinaires libéraux, en matière notamment d’affichage des prix et de remise de note ». Mais aussi, plus curieusement, de « mieux connaître le fonctionnement d’une profession qui a tendance à exercer son activité en utilisant des pratiques qui peuvent restreindre sensiblement la concurrence, remarque la DGCCRF. Le côté affectif qui environne les animaux n’encourage pas le consommateur à poser la question financière avant les soins ». L’institution partait donc avec quelques a priori : elle en est pour ses frais, les vétérinaires sont plutôt de bons élèves.

« L’affichage des prix des principales prestations dans les locaux de réception de la clientèle est respecté, dans la plupart des cas, note-t-elle. Néanmoins, il recense parfois moins de dix prestations, et c’est pourquoi l’affichage des prix de prestations courantes comme la radiographie, voire l’hospitalisation, peut faire défaut. » Les praticiens n’ont pas l’obligation de réaliser un affichage exhaustif de tous les actes proposés. Mais l’ensemble des prix doit être disponible sur demande (voir encadré « Les obligations » en page 36). « Aucun texte réglementaire ne prévoit le nombre et le type de prestations à afficher, les situations observées sont disparates, remarque d’ailleurs le rapport d’enquête. Certains vétérinaires, afin d’assurer une bonne information du consommateur, séparent les actes qui se rapportent au chien et au chat dans des colonnes ou des tableaux différents. Les prix sont généralement affichés, mais souvent de manière incomplète. Cependant, les prestations les moins courantes sont en général disponibles sur un catalogue ou à partir d’un logiciel informatique, sur demande. »

Autres bons points pour la profession : des devis écrits et des notes

Un relevé des tarifs pratiqués dans les cabinets contrôlés montre que le prix moyen de la consultation de base se situe dans une fourchette de 28 à 35 €, le tarif de castration d’un chat entre 38 et 75 €, celui de la vaccination contre la rage de 25 à 50 €.

Au titre de l’affichage des prix, les enquêteurs ont procédé à 82 notifications d’informations réglementaires et 29 rappels de réglementation. Autre bon point adressé à la profession : la remise d’un devis. « Les praticiens ont insisté, en règle générale, sur le fait que les interventions ou prestations particulières font l’objet d’un devis écrit, pour lequel ils recueillent la signature du client. Cette mention figure par ailleurs dans l’affichage des tarifs », relève Bercy, qui souligne l’implication de l’Ordre dans le développement de la pratique du contrat de soins.

Les agents départementaux se sont également intéressés à l’obligation qu’ont les praticiens de remettre une note (facturette) à leurs clients pour toute prestation supérieure à 15,40 €. « Les vétérinaires délivrent systématiquement des notes lors des interventions d’ampleur significative, observent-ils. Ce n’est pas toujours le cas lors de consultations et de soins simples. » Le Syndicat national des vétérinaires d’exercice libéral (SNVEL) considère que ce seuil de 15,24 € est trop bas et souhaite le relever à 60 ou 70 €. La DGCCRF, de son côté, reste inflexible sur ce point. Les enquêteurs ont délivré 40 notifications d’informations réglementaires liées au défaut de cette note.

Un regret : les praticiens ne font pas suffisamment jouer la concurrence

Les enquêteurs se sont également penchés sur l’affichage des prix du pet food exposé dans la salle d’attente. « L’affichage des prix est la plupart du temps respecté. Le prix de vente de ces produits est affiché au moyen d’étiquettes réalisées avec l’aide des centrales d’achat, le vétérinaire indiquant auparavant la marge qu’il souhaite appliquer. Ces centrales d’achat proposent à leurs clients des étiquettes tarifaires pré-imprimées correspondant à la marge type choisie. » Et c’est là que le bât blesse : la DGCCRF regrette que les praticiens répercutent des marges “standard” pratiquées par toute la profession. En clair : qu’ils ne fassent rien pour casser les prix, au moins pour se différencier plus fortement des tarifs pratiqués par les confrères aux alentours. Comme le rappelle la DGCCRF, « l’existence d’un Code de déontologie n’exonère pas les vétérinaires du respect du Code du commerce, notamment des parties relatives à la concurrence et à la liberté des prix ».

L’enquête 2008 de la DGCCRF portait uniquement sur l’affichage des prix. Les pratiques commerciales seront peut-être au menu des prochains contrôles…

Les missions de la DGCCRF

• Le libre jeu de la concurrence

La DGCCRF fait la chasse aux ententes illicites et autres abus de position dominante qui pourraient fausser le bon fonctionnement du marché. Elle traque les pratiques déloyales : prix imposés par un fournisseur, discrimination, revente à perte, etc. Elle lutte contre les contrefaçons de marque et veille à la transparence des procédures de marchés publics et de délégation de services publics. La DGCCRF partage désormais son action contre les pratiques anticoncurrentielles avec la nouvelle Autorité de la concurrence, créée par la loi de modernisation de l’économie en 2008. Celle-ci concentre son activité sur les dossiers les plus complexes qui impliquent les entreprises de taille importante, en enquêtant (grâce à une vingtaine d’agents de la DGCCRF passés à son service) sur les abus de position dominante ou les opérations de concentration.

• La sécurité des consommateurs

C’est à travers cette mission que l’organisme gouvernemental est le plus connu du grand public, notamment pour ses contrôles concernant la sécurité alimentaire, qui fait appel aux services vétérinaires. Elle définit les règles de composition, de dénomination des marchandises et d’étiquetage, vérifie la conformité du produit à ce dernier. Ses actions sont renforcées dans les domaines à risque, comme les résidus de pesticides dans les aliments d’origine végétale, les activités sportives et de loisirs, les accidents de la vie courante.

• La protection des intérêts économiques des consommateurs

La DGCCRF détecte et sanctionne les pratiques préjudiciables aux consommateurs (publicités mensongères, faux rabais, etc.) et vérifie la bonne application des règles de publicité des prix. Elle contrôle la loyauté des pratiques commerciales (démarchage à domicile, vente à distance, annonces de rabais, etc.).

N. F.

Les obligations d’affichage des prix pour le praticien

Il n’existe pas de réglementation spécifique à la profession vétérinaire. Plusieurs textes s’appliquent, notamment l’arrêté du 3 décembre 1987 et la circulaire ministérielle du 19 juillet 1988, qui stipulent que tous les professionnels sont tenus d’informer les consommateurs sur les prix pratiqués.

• Affichage des tarifs d’honoraires et des prestations : il peut s’agir d’un petit panneau dans la salle d’attente ou au guichet d’entrée. Il doit indiquer la liste et le tarif des principales prestations et signaler que l’ensemble des actes et leurs tarifications sont disponibles sur simple demande. Plusieurs praticiens, sanctionnés au motif qu’ils n’avaient pas affiché l’ensemble des prestations, ont été relaxés.

• Le marquage des prix : tous les produits vendus au détail et à la vue du public doivent comporter un prix de vente, soit par étiquetage, soit par une affichette (pour les produits en rayon par exemple), soit par un catalogue. Il en est de même pour les médicaments ou les produits non exposés au public, mais ces informations peuvent être délivrées au moment de la cession.

• La remise d’une note : cette pratique contraignante est le fruit d’un arrêté du 3 octobre 1983 (n° 8350/A) qui impose que toute prestation de service fasse l’objet, « dès qu’elle a été rendue et en tout état de cause avant paiement du prix, de la délivrance d’une note lorsque le prix de la prestation est supérieur ou égal à 15,24 € (TVA comprise). Pour les prestations de service dont le prix est inférieur à 15,24 € (TVA comprise), la délivrance d’une note est facultative, mais celle-ci doit être remise au client s’il le demande ». Cette note, facultative si un devis est établi, doit obligatoirement mentionner : la date, le nom et l’adresse du prestataire, le nom du client, la date et le lieu d’exécution de la prestation, le décompte détaillé (quantité et prix de chaque prestation et produit fourni ou vendu), la somme totale à payer hors taxes et toutes taxes comprises. « Les doubles de ces facturettes doivent être conservés par le praticien deux ans », dit également le texte. Depuis 1983, les cabinets sont largement informatisés et le double de cette note est systématiquement conservé informatiquement.

N. F.

Services vétérinaires et DGCCRF : même combat

Dans le cadre de la révision générale des politiques publiques (RGPP), au 1er janvier 2010, dans presque la moitié des départements (ceux de plus de 400 000 habitants), les services de la consommation et de la répression des fraudes seront fondus avec les services vétérinaires dans de nouvelles Directions de la protection des populations (DPP). Ailleurs, les préfets constitueront des Directions départementales de la cohésion sociale et de la protection des populations (DDCSPP). Dans ce cadre, les missions dans le domaine sanitaire et de protection des consommateurs se trouveront associées à celles de cohésion sociale (droit au logement, accueil des personnes handicapées, parité, égalité des chances, lutte contre la pauvreté, etc.). Comme les services vétérinaires en juin à Paris, les agents de la DGCCRF ont manifesté au mois de mars dernier pour protester contre cette réforme qui, selon eux, risque de démanteler la DGCCRF et la transformer « en un simple service local de contrôle chargé de mettre en œuvre les “arbitrages” des préfets ». Ils craignent de ne plus pouvoir mener à une échelle nationale des campagnes de contrôles ou des enquêtes de concurrence, seul moyen selon eux de protéger le consommateur sur la qualité des produits ou les ententes abusives.

N. F.

Les sanctions encourues

• Notification d’information réglementaire : information communiquée par l’administration à une entreprise sur la réglementation applicable, en cas d’infraction mineure.

• Rappel de réglementation : avertissement adressé par l’administration à une entreprise, en cas d’infraction peu grave, suivi d’un second contrôle.

• Infraction caractérisée : un procès-verbal de contravention ou de délit peut être dressé. Les amendes contraventionnelles sont de 1 500 € (3 000 € en cas de récidive). Les personnes morales déclarées pénalement responsables des infractions commises pour leur compte par leurs organes ou représentants sont passibles d’une amende contraventionnelle de 7 500 € (15 000 € en cas de récidive). Une citation à comparaître devant le tribunal de police, le tribunal correctionnel ou une juridiction civile suit généralement un procès-verbal de délit. Les amendes encourues sont alors beaucoup plus lourdes.

N. F.
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