L’hyperthyroïdie est la dysendocrinie la plus fréquente chez le chat âgé - La Semaine Vétérinaire n° 1371 du 11/09/2009
La Semaine Vétérinaire n° 1371 du 11/09/2009

Endocrinologie

Formation continue

ANIMAUX DE COMPAGNIE

Auteur(s) : François Jacquet

Une conférence sur cette maladie, animée par Dan Rosenberg, a permis d’établir un échange entre notre confrère et les praticiens, à partir de cas concrets rencontrés par ces derniers en clientèle.

L’hyperthyroïdie féline est une maladie récente, diagnostiquée pour la première fois aux Etats-Unis à la fin des années 70. Depuis, le nombre de cas recensés n’a cessé d’augmenter. Cette tendance ne serait pas seulement due à une prise de conscience de la part des praticiens ni à une amélioration des techniques de diagnostic. Des études nécropsiques montrent en effet une augmentation brutale des cas d’adénomes thyroïdiens à partir des années 80. Aucune cause à ce phénomène n’est identifiée à ce jour. L’hyperthyroïdie est la dysendocrinie la plus fréquente chez le chat âgé, avec une prévalence estimée entre 0,25 et 1 %. Il est évident que cette affection est encore sous-diagnostiquée en France.

1 Suspecter une hyperthyroïdie chez le chat

Le recueil d’une anamnèse précise et complète est une première étape essentielle de la démarche diagnostique et apporte le plus souvent au praticien une forte orientation.

L’hyperthyroïdie est une maladie du chat âgé, extrêmement rare chez le jeune animal. Les deux principaux motifs de consultation sont l’amaigrissement ou une agitation excessive. Chez le chat, l’hyperthyroïdie s’accompagne presque systématiquement de la triade “goitre-amaigrissement-hyperactivité”. La mise en évidence de ces trois symptômes permet un diagnostic de quasi-certitude. A l’opposé, une hyperthyroïdie est peu probable chez un animal qui ne présente aucun de ces trois signes cliniques.

L’amaigrissement, qui touche plus de 90 % des chats hyperthyroïdiens, tranche avec la polyphagie rencontrée dans un cas sur deux. Chez un même animal, une phase d’anorexie peut succéder à une phase de polyphagie.

Les troubles du comportement en général (agitation, agressivité) sont observés dans 70 à 90 % des cas. D’autres manifestations comportementales plus rares sont notées, comme des troubles du sommeil, de la malpropreté ou des vocalises chez un animal jusque-là silencieux.

Dans 30 à 60 % des cas, d’autres symptômes sont présents, dont une polyuro-polydipsie, des signes cardio-vasculaires (tachycardie, galop cardiaque, souffle systolique, hypertension artérielle), digestifs (vomissements, diarrhée nauséabonde avec selles en bouse) ou cutanés (alopécie traumatique).

Certains désordres biologiques peuvent en outre constituer des signes d’appel . 90 % des chats hyperthyroïdiens présentent ainsi une augmentation de l’activité sérique des phosphatases alcalines (PAL), des alanine-aminotransférases (ALT) ou des aspartate-aminotransférases (AST). Cette affection peut également s’accompagner d’une baisse des fructosamines (voir encadré).

2 La recherche d’un goitre, une étape obligée chez le chat de plus de huit ans

Un goitre est présent chez 90 % des chats hyperthyroïdiens. Les thyroïdes se situent normalement à l’aplomb de la vertèbre C3. Lors du développement d’une tumeur (adénome dans 98 à 99 % des cas), celles-ci descendent par gravité jusqu’à l’entrée du thorax. La tête de l’animal doit être maintenue en hyperextension et la trachée palpée sur toute sa longueur avec deux doigts. Une autre technique permet de détecter les goitres de plus petite taille. La tête doit être tournée à 45° vers le haut et le côté. La gouttière jugulaire est ensuite palpée à l’aide d’un seul doigt qui “ripe” lorsqu’il passe au niveau du goitre.

Lorsqu’il est présent, l’adénome est multiple et bilatéral dans 70 % des cas, unilatéral dans 25 % des cas. Il est parfois en position ectopique (5 % des cas).

3 Hyperthyroïdie et complications cardio-vasculaires

Des modifications cardio-vasculaires sont souvent notées chez le chat atteint d’hyperthyroïdie. Cependant, la plupart persistent après la mise en place du traitement. L’une d’elles est l’hypertension artérielle. La mesure de la pression artérielle systolique met souvent en évidence une valeur moyenne de 190 mmHg, supérieure aux normes usuelles. Néanmoins, dans nombre de cas, elle est trop basse pour entraîner l’apparition des symptômes classiques liés à cette affection. Ainsi, toute hypertension majeure, toute affection cardiaque grave ou toute décompensation doit être considérée comme potentiellement indépendante de l’hyperthyroïdie. Un traitement complémentaire spécifique est alors à proposer le plus souvent.

4 Hyperthyroïdie et insuffisance rénale

Etant donné la forte incidence de l’insuffisance rénale chez le chat âgé, il n’est pas rare que certains sujets hyperthyroïdiens soient également atteints par cette affection (10 % des cas). L’hyperthyroïdie peut cependant masquer une insuffisance rénale, à la fois sur le plan clinique et biologique. Un retour à l’euthyroïdie peut donc révéler cette affection. Les mécanismes en sont encore inconnus. Il est impossible de prévoir le développement d’une insuffisance rénale sous traitement. Aucune mesure (densité urinaire, créatininémie et urémie plasmatiques) n’apporte une information pronostique fiable. Des taux un peu élevés par rapport aux valeurs usuelles et une tendance à l’isosthénurie doivent cependant amener le praticien à suivre l’animal avec davantage de prudence et à réaliser un suivi plus attentif de la fonction rénale, celui-ci devant de toute manière être systématique dans ce contexte.

Quel que soit le traitement choisi, la résolution d’une hyperthyroïdie s’accompagne chez la plupart des individus d’une élévation significative de l’urémie et de la créatininémie.

5 Choix thérapeutique en présence d’hyperthyroïdie

Les différentes options thérapeutiques présentent des avantages et des inconvénients (voir tableau).

6 Traitement médical de l’hyperthyroïdie féline

Les antithyroïdiens apparaissent incontournables en traitement d’attaque, en raison de leur réversibilité. Suspendre le traitement aboutit en effet à un retour à l’hyperthyroïdie dans les quarante-huit heures. Ils permettent de tester l’intérêt pour l’animal de soigner l’hyperthyroïdie, ce qui est particulièrement important lorsqu’une insuffisance rénale, jusqu’alors muette, est susceptible d’être démasquée après l’atteinte de l’euthyroïdie.

Seul le méthimazole (Félimazole®) possède une autorisation de mise sur le marché vétérinaire en France pour le traitement de l’hyperthyroïdie. Une formulation à 5 mg est commercialisée depuis janvier 2005 par le laboratoire Janssen et sera reprise par le laboratoire Dechra en octobre prochain. Ce dernier met à la disposition des vétérinaires, depuis juin 2009, une formulation à 2,5 mg qui présente plusieurs avantages. Une dose d’attaque de 2,5 mg matin et soir permet en effet d’atteindre l’euthyroïdie en deux semaines dans 90 % des cas (tout comme une dose d’attaque à 5 mg matin et soir), alors qu’une posologie de 5 mg par jour en une prise unique ne permet un équilibrage que dans la moitié des cas après deux semaines et 70 % des cas après quatre semaines. Lors de thérapie à long terme, le traitement médical doit être mis en balance avec un traitement curatif, chirurgical (après dénombrement des nodules sécrétants par scintigraphie) ou par radiothérapie métabolique. Un équilibre est obtenu chez de nombreux chats avec l’administration de 2,5 à 5 mg de méthimazole matin et soir. Assez fréquemment, des chats sont équilibrés par l’administration quotidienne de 5 mg de méthimazole. Exceptionnellement, l’équilibre est maintenu avec des doses plus extrêmes : 2,5 mg par jour ou au contraire 5 mg toutes les huit heures.

Les effets secondaires des antithyroïdiens sont rares. Les vomissements en font partie. Cependant, différencier un effet secondaire d’un symptôme de la maladie est parfois difficile dans ce contexte. Un prurit facial spectaculaire est observé dans 3 à 7 % des cas. Il est réversible à l’arrêt du traitement.

Si ce dernier est indiscutable et permet à l’animal de “revivre” dans la majorité des cas, la question de la pertinence ou non de la mise en place d’un traitement doit être posée ponctuellement. Tel est le cas des chats atteints d’insuffisance rénale concomitante. En effet, hyperthyroïdie signifie appétit, activité et prise de boisson et l’animal peut se sentir mieux sans traitement qu’avec. La réversibilité des antithyroïdiens constitue alors un atout qui permet une vérification graduelle de l’indication thérapeutique.

7 Suivi du chat hyperthyroïdien.

Un contrôle du chat hyperthyroïdien doit être effectué une à trois semaines après la mise en place ou la modulation du traitement, selon le protocole employé, puis tous les trois mois. La thyroxinémie est alors mesurée et la fonction rénale explorée. La normalisation des enzymes hépatiques doit également être vérifiée. En cas d’hypothyroxinémie chez un animal dont l’état clinique est satisfaisant, il n’y a aucune raison de diminuer la dose d’antithyroïdiens, contrairement au cas d’un animal qui montre une baisse d’activité. Afin d’éviter les effets secondaires, la posologie doit correspondre à la dose minimale efficace. La médiane de survie sous traitement est de deux à six ans, selon les études.

Diagnostic chez le chat âgé

Voici quelques cas concrets pour lesquels l’hyperthyroïdie entre dans le diagnostic différentiel chez le chat senior :

– vomissements ;

– vocalises ;

– polyuro-polydipsie (suspecter en premier lieu une insuffisance rénale chronique) ;

– augmentation de l’activité sérique des enzymes hépatiques ;

– chat diabétique avec des taux de fructosamines conformes ou inférieurs aux valeurs usuelles ;

– essoufflement non lié à l’effort.

F. J.

CONFÉRENCIER

Dan Rosenberg, unité de médecine de l’école d’Alfort.

Article rédigé d’après la conférence présentée le 25 juin à l’ENVA.

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