« Le diagnostic de la leptospirose varie selon le médecin » - La Semaine Vétérinaire n° 1370 du 04/09/2009
La Semaine Vétérinaire n° 1370 du 04/09/2009

Témoignage de Denis Veillith, praticien à Communay (Rhône)

À la une

Auteur(s) : Valentine Chamard

La Semaine Vétérinaire : Vous avez contracté une leptospirose en 2003. Comment s’est-elle manifestée ?

Denis Veillith (L 91) : Les premiers symptômes ont été une fièvre en plateau à 39°C, accompagnée de céphalées, malgré la prise de paracétamol et d’ibuprofène. Après six jours, mon médecin m’a prescrit des examens échographiques, biologiques et radiographiques. Les résultats ont montré une élévation des GGT, des GPT et des PAL. Le lendemain, il m’a conseillé d’aller consulter au Service des maladies infectieuses de Lyon. Malheureusement, celui-ci était fermé ce jour-là et je suis donc allé aux urgences. A la vue des examens, le médecin a suspecté une sinusite. Puis ses questions ont porté sur le nombre de verres de vin ingérés par jour ! Je lui ai répondu deux, mais il m’a rétorqué qu’il ne servait à rien de mentir, que je devais simplement faire abstinence d’alcool et que tout irait mieux ! A partir de ce moment-là et jusqu’à mon hospitalisation (dans un autre hôpital) le lendemain soir, mon état s’est aggravé avec l’apparition d’une anurie. Dans mes délires liés à la fièvre, j’ai émis l’hypothèse d’une leptospirose et j’ai contrôlé dans un dictionnaire médical les manifestations chez l’homme. J’y ai trouvé l’ensemble de mes symptômes.

S. V. : Vous émettez donc le premier l’hypothèse d’une leptospirose. Quelle est alors l’attitude des médecins ?

D. V. : J’ai appelé mon médecin traitant, qui s’est débrouillé pour accélérer mon admission et commencer le traitement (amoxicilline et perfusions). Le contrôle des fonctions hépatiques et rénales a montré une insuffisance rénale aiguë et une aggravation hépatique depuis la veille. Après quarante-huit heures de traitement, les céphalées et les myalgies sont devenues insupportables au point que j’ai souhaité l’arrêt de telles souffrances. Un interne qui voyait mon envie d’abandonner la lutte eut la bonne idée de conseiller au chef de service de m’administrer de la morphine. L’amélioration de mon état a alors commencé et une semaine plus tard, je sortais de l’hôpital. Sur la prescription du chef de service, j’ai arrêté la doxycycline. Une semaine après, j’ai rechuté… Et pour cause, le traitement nécessite un minimum de quinze jours de doxycycline. J’ai donc dû reprendre un second traitement pendant la bonne durée pour voir mon état s’améliorer définitivement.

S. V. : Avez-vous gardé des séquelles ?

D. V. : Depuis cette date, mon état général est bon, les facteurs hépatiques et rénaux sont normaux. Pourtant, je constate au quotidien une incapacité pour mon organisme d’accepter tout excès, qu’il soit alimentaire ou de boisson.

S. V. : Comment jugez-vous a posteriori votre prise en charge médicale ?

D. V. : La mise en évidence de la leptospirose à partir des symptômes est très variable selon les médecins. De plus, certains d’entre eux, malgré des postes à responsabilités, n’hésitent pas à s’affranchir de l’ensemble de la connaissance médicale sur cette maladie en affirmant que l’administration d’antibiotiques est un luxe.

S. V. : L’origine de votre infection est-elle établie ?

D. V. : Mon mode de contamination demeure inconnu. A l’époque, je ne prenais aucune précaution lors des sondages urinaires des chiens. L’un d’eux a pu me contaminer. D’ailleurs, mes analyses sérologiques montrent une nette élévation pour les sérovars Canicola et Grippothyphosa.

S. V. : En avez-vous tiré des leçons dans votre pratique ?

D. V. : Je soupçonne plus régulièrement des cas de leptospirose dans ma clientèle canine (j’en observe au moins une fois par mois).

En outre, j’ai mis en place une politique de prévention, avec le port de gants pour les actes supposés contaminants (sondage urinaire, prise de sang). Mes salariés sont informés, via une affiche sur la cage, du caractère contaminant de l’animal et de l’obligation de porter des gants pour le manipuler. Je leur recommande fortement la vaccination, en accord avec le médecin du travail, bien qu’elle ne soit pas suffisante pour protéger efficacement.

Concernant la vaccination canine, je choisis mes fournisseurs non plus simplement sur leurs conditions commerciales, mais aussi sur la sécurité que leur vaccin apporte. Deux vaccins mentionnent la réduction de l’excrétion urinaire de leptospires chez les chiens vaccinés. Dans un contexte épidémiologique à risque zoonotique, il est légitime de craindre des poursuites de la part des salariés si la notice des vaccins employés ne comporte pas une telle mention.

S. V. : Etes-vous un cas isolé vis-à-vis de la contamination par les leptospires ?

D. V. : Mon actuelle ALD, Laëtitia Venel, est tombée malade en 2008. Elle a présenté une fièvre en plateau durant quatre jours, qui ne rétrocédait pas avec le paracétamol. Un diagnostic de grippe a été posé, avec une prescription d’ibuprofène. Quarante-huit heures plus tard, aucune amélioration n’était constatée. Un examen biologique a mis en évidence une augmentation des GGT, PAL, GPT et de la créatinine. Elle a alors été hospitalisée, une semaine après les premiers symptômes. De nombreux examens ont été réalisés (scanner, ponction lombaire, etc.), sans résultat. Le traitement instauré a consisté en une perfusion et en l’administration d’anti-inflammatoires non stéroïdiens. Trois jours plus tard, en raison de l’augmentation des troubles (insuffisance rénale, photophobie, uvéite, fièvre récurrente), elle a été transférée dans un hôpital qui disposait d’un service de maladies infectieuses. Au vu des résultats, des symptômes et de la profession, le médecin a conclu à une leptospirose et enclenché un traitement d’amoxycilline et de morphiniques. Vingt-quatre heures plus tard, l’amélioration est apparue.

A ce jour, s’il n’y a plus aucun signe mesurable au niveau biochimique, Laëtitia reconnaît comme moi ne plus pouvoir supporter le moindre écart. La cause de contamination suspectée serait la prise en charge d’un rongeur, qui s’est révélé n’être qu’un simple rat d’égout.

S. V. : La leptospirose est-elle sous-estimée en tant que maladie professionnelle chez les vétérinaires ?

D. V. : Ces deux exemples montrent que la leptospirose n’est pas encore associée à une maladie professionnelle pour les vétérinaires, au contraire des égoutiers. D’ailleurs, le certificat médical de déclaration de maladie professionnelle me fut retourné par l’assurance-maladie, car je n’étais pas salarié. Cela implique l’absence de toute trace statistique de leptospirose professionnelle pour mon cas.

Depuis quelques années, pourtant, une prise de conscience semble émerger. Je lis plus souvent des articles sur la leptospirose et sur l’augmentation du nombre de cas cliniques chez les chiens. Mais les cas augmentent-ils vraiment ou les vétérinaires suspectent-ils plus souvent cette maladie ?

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