Pas de vétérinaire à la tête des laboratoires humains - La Semaine Vétérinaire n° 1369 du 28/08/2009
La Semaine Vétérinaire n° 1369 du 28/08/2009

Réforme. Laboratoires de biologie médicale

Actualité

Auteur(s) : Nicolas Fontenelle

Une prochaine ordonnance gouvernementale devrait confirmer la mauvaise nouvelle. L’Ordre des vétérinaires souhaite la création d’un diplôme spécifique européen.

Les vétérinaires ne pourront plus devenir directeur ou directeur adjoint d’un laboratoire de biologie médicale humaine. Ce qui n’était qu’une éventualité évoquée dans le rapport de Michel Ballereau(1), conseiller général des établissements de santé, publié fin 2008, devrait devenir réalité dans les prochaines semaines. La loi portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires (JO du 22 juillet) réserve en effet la possibilité au gouvernement de prendre par ordonnance, dans un délai de six mois à compter de la publication de la loi, « toutes mesures réformant les conditions de création, d’organisation et de fonctionnement des laboratoires de biologie médicale ». Or la ministre de la Santé, Roselyne Bachelot, reprenant les propositions du rapport Ballereau, souhaite éloigner les vétérinaires de ces postes au motif de « remédicaliser » (sic) la filière.

L’ordonnance devrait tomber dans les semaines à venir. Les vétérinaires auront toujours la possibilité d’intégrer le DES de biologie médicale (en quatre années après le diplôme vétérinaire) et de travailler au sein d’un laboratoire de biologie médicale humaine, mais ils ne pourront ni valider, ni interpréter, ni signer des résultats d’examen. En clair, ils peuvent suivre les mêmes études que les médecins et les pharmaciens, mais sans être autorisés à accéder à des postes de responsabilité dans les laboratoires de biologie médicale humaine. Affligeant.

L’argument de la directive “services” est réfuté par l’Adilva

On comprend mal ce qui a poussé la ministre à suivre les recommandations du rapport Ballereau, d’autant que les vétérinaires sont loin d’être une concurrence pour les médecins et les pharmaciens (voir encadré). Au cours des débats au Parlement, Roselyne Bachelot a avancé plusieurs arguments. Premier d’entre eux : la directive “services”. « Le métier de vétérinaire n’étant pas une profession de santé pour le Code de la santé publique, le maintien de la situation actuelle justifierait l’inclusion de la biologie médicale dans la directive “services” », a-elle avancé au Sénat. « Si la raison cachée est la volonté de placer les laboratoires de biologie humaine hors du champ d’application de la directive “services”, il y a confusion entre la fonction (biologiste) et la structure (laboratoire de biologie humaine). C’est la nature de l’activité du laboratoire de biologie humaine qui déterminera le champ d’application de la directive “services”, et pas le cursus universitaire du biologiste », a justement répondu l’Association française des directeurs et cadres de laboratoires vétérinaires publics d’analyses (Adilva). « Un vétérinaire qui effectue le cursus universitaire pour devenir biologiste médical devient un biologiste à part entière, appartenant à une profession de santé au sens du Code de la santé publique, et ne doit plus être considéré comme vétérinaire dans le cas, bien entendu, où il exerce la profession de biologiste médical humain », estime Jean-Marie Ledoux, praticien à Lys-lez-Lannoy (Nord), lui-même biologiste médical, qui a fait un important travail d’alerte de la profession sur ce sujet. Rappelons que certains vétérinaires, également titulaires d’un diplôme de pharmacien, sont propriétaires d’une officine. Leurs pharmacies devraient-elles donc tomber sous le coup de la directive “services” ? Roselyne Bachelot, qui a soutenu les pharmaciens dans leur combat pour échapper à ce texte européen, devrait y regarder de plus près.

« Chacun son métier, les vaches seront bien gardées », avance Roselyne Bachelot

Second argument avancé par la ministre de la Santé : la méconnaissance de la pathologie humaine par les vétérinaires. « Le vétérinaire ne connaît pas la médecine humaine, le médecin ne soigne pas les animaux : chacun son métier, les vaches seront bien gardées, a finement remarqué Roselyne Bachelot. Il faut donc réserver le titre de biologiste médical aux docteurs en médecine et en pharmacie spécialisés ou aux personnes possédant des qualifications professionnelles reconnues équivalentes. La formation des vétérinaires est de très haut niveau, mais axée sur la prise en charge d’une grande variété d’espèces animales, à l’exception de l’homme. » C’est oublier que l’étude de la pathologie comparée est constante et quasi quotidienne lors du cursus vétérinaire. « L’inverse n’est pas vrai : les médecins et les pharmaciens ignorent en grande partie la pathologie vétérinaire, remarque Jean-Marie Ledoux. Pourtant, les pharmaciens vendent des médicaments vétérinaires et les laboratoires de biologie humaine effectuent, le cas échéant, des analyses médicales pour les animaux. Après quatre années à temps plein d’études validées de biologie médicale humaine, un biologiste est capable, par définition, d’analyser, d’interpréter, de discuter et d’approfondir un résultat. »

Autre incohérence : un décret du 29 juillet dernier autorise les ressortissants européens non médecins et non pharmaciens, après la vérification de leurs compétences, à exercer la biologie médicale humaine en France, alors que les vétérinaires biologistes français qui ont validé le cursus universitaire français de biologie médicale humaine en sont exclus ! On s’étrangle. Le lobby médical serait en fait à l’origine de cette cabale. L’objectif est de reprendre la main sur une matière qui lui échappe depuis longtemps. La dernière promotion du DES comprenait cent soixante pharmaciens pour soixante médecins. Après les vétérinaires, les pharmaciens devraient faire l’objet des mêmes tracas. L’argument avancé est l’impossibilité, pour ces professionnels, de réaliser la phase diagnostique en médecine humaine. Spécieux.

Empêcher médecins et pharmaciens d’empiéter sur les plates-bandes vétérinaires

L’Ordre des vétérinaires, qui n’avait pas été convié par Michel Ballereau lors de la préparation de son rapport, a été mis devant le fait accompli. Ses protestations n’ont pas trouvé d’écho. Mais Christian Rondeau, son président, veut prendre Roselyne Bachelot au mot. « Puisque chacun doit rester chez soi, alors sécurisons la biologie vétérinaire pour que ni les pharmaciens ni les médecins ne viennent sur nos plates-bandes dans les laboratoires d’analyses vétérinaires. » Le président de l’Ordre, qui vient de rencontrer Michel Ballereau, plaide donc pour la création d’un DESV européen de biologie vétérinaire et comparée. « Plutôt que de vouloir créer une cinquième école vétérinaire, je propose de créer ce diplôme en France », explique-t-il. Sera-t-il entendu ? « Je ne crois pas à cette solution, elle est trop onéreuse, estime Jean-Marie Ledoux. Qui voudra payer pour quelques vétérinaires ? Le ministère de la Santé ? Sûrement pas. Le ministère de l’Agriculture ? Il est totalement absent. Nous devons rester sur un tronc commun avec la médecine humaine. » Mais le mal est fait. Un coup de plus porté à la profession.

  • (1) Voir La Semaine Vétérinaire n° 1348 du 20/2/2009 en pages 12-13. Le rapport est disponible sur www.wk-vet.fr

Une filière mineure

La France compte environ 8 400 biologistes, d’une moyenne d’âge de cinquante ans. Environ 250 postes sont renouvelés tous les ans. Les trois quarts sont “trustés” par les pharmaciens, puis les médecins. La filière biologie médicale humaine ne concerne que 4 à 6 vétérinaires par an (aucun l’année dernière). La plupart des vétérinaires titulaires du DES s’orientent vers la recherche en pathologie comparée ou vers les laboratoires publics vétérinaires. Les vétérinaires encore en cours d’étude dans cette filière pourront prétendre aux postes de direction des laboratoires.

N. F.
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