LES MALADIES INFECTIEUSES ÉQUINES À L’HEURE MONDIALE - La Semaine Vétérinaire n° 1369 du 28/08/2009
La Semaine Vétérinaire n° 1369 du 28/08/2009

À la une

Auteur(s) : Marine Neveux

En France, la filière équine s’est progressivement structurée au cours des dernières années. Face au nouveau contexte de mondialisation des échanges de chevaux et de modification du climat, la gestion de certaines maladies évolue. Le Respe, qui démontre une efficacité réelle, reste un modèle unique en Europe. Or, il est aujourd’hui nécessaire d’agir à un niveau international pour assurer la santé du cheval, mais aussi la viabilité économique de la filière. Standardisation et harmonisation des méthodes de diagnostic et de prévention des maladies infectieuses équines constituent ainsi un enjeu mondial majeur.

Pour éviter une propagation rapide des affections, il est capital de prendre en compte le commerce et les échanges internationaux », a martelé Gideon Brückner (Organisation mondiale de la santé animale, OIE) lors du séminaire organisé par Fort-Dodge sur les maladies équines dans un environnement international changeant, qui s’est tenu à Padoue (Italie) en juin dernier(1).

Pour l’auditoire – composé de praticiens, d’universitaires, d’enseignants, de laboratoires, d’organisations, etc. – la grippe équine représente d’ailleurs une menace sérieuse. Les conséquences financières de cette affection ne sont en effet pas négligeables. L’incidence de la grippe est multiple : contagiosité, annulation de manifestations hippiques, mutation du virus et dérive antigénique. « La plupart des laboratoires utilisent la polymerase chain reaction (PCR) pour sa détection, a expliqué Ann Cullinane (Irish Equine Center, Irlande). Nous demandons davantage d’harmonisation des tests, car avec cette technique, très sensible, nous pouvons détecter le virus bien après qu’un cheval a fini d’excréter. » Deux lignages se sont adaptés aux chevaux : H7N7 et H3N8. Le second est la cause la plus importante de maladie respiratoire chez le cheval.

Dans une population naïve de chevaux – comme en témoigne le dernier épisode de grippe en Australie –, le virus respiratoire, dont la période d’incubation est courte (vingt-quatre heures chez les individus naïfs), et les quintes de toux favorisent une forte propagation du virus.

Le Royaume-Uni a opté pour une politique de vaccination imposée. Au Japon, à la suite de l’épisode de grippe de 2007, elle est aussi devenue obligatoire. « A l’avenir, en termes de diagnostic, il est essentiel pour l’exportation des chevaux et les manifestations hippiques d’aboutir à une harmonisation des diagnostics, a affirmé Ann Cullinane. Nous avons besoin de tests discriminatoires (stratégie Diva) pour différencier les sujets vaccinés de ceux cliniquement atteints. » Notre consœur a souligné également l’importance d’une coordination entre les sociétés de courses et les Etats, car « actuellement, tout est flou et compliqué ! ».

A propos de la prévention internationale, Ann Cullinane a pointé la difficulté de l’harmoniser, car dans des pays la grippe est endémique, dans d’autres non, certains vaccinent, mais pas d’autres. Au regard des mouvements globaux et des risques de propagation de la maladie, « il y a une forte nécessité de standardiser les tests diagnostiques et les recommandations de vaccination ».

Selon les conclusions du groupe de travail lors du congrès, il faudrait diffuser une meilleure information sur le bénéfice du vaccin, encourager la vaccination obligatoire pour les ventes de chevaux, actualiser les recommandations avec les données scientifiques existantes, harmoniser les intervalles recommandés entre les doses. « En l’absence de standardisation, il est souhaitable que les exigences soient facilement accessibles. »

Autant de situations différentes que de pays pour la rhinopneumonie

Kees van Maanen (université d’Utrecht, Pays-Bas) a montré l’importance de la latence pour l’herpès virus équin (EHV). « Un cheval latent peut réactiver et entraîner des décharges nasales, susceptibles d’infecter les jeunes chevaux et les juments gestantes. » « La vaccination réduit l’excrétion virale et les signes cliniques. Lorsqu’elle est systématique, elle contribue à une bonne protection. » Plusieurs points méritent toutefois d’être approfondis : la compréhension de la pathogenèse, la latence, les facteurs de réactivation. Si la vaccination peut réduire les symptômes et l’excrétion virale, la protection via l’immunité cellulaire n’est pas atteinte.

Les échanges avec l’auditoire ont révélé des situations variables selon les pays, notamment concernant les mesures de vaccination. En Belgique, 70 à 80 % des juments d’élevage sont vaccinées et gardées en petits groupes. Les chevaux de compétition doivent être vaccinés deux fois par an. Des avortements sont survenus dans le pays cette année, mais les cas neurologiques dus à l’EHV sont rares.

Aux Etats-Unis, les champs de course exigent la vaccination avant d’autoriser les chevaux à concourir sur les terrains. En revanche, elle n’est pas requise pour l’exportation ou l’importation de chevaux.

Les Emirats arabes unis font face à de nombreux troubles respiratoires, car ils voient affluer en compétition des chevaux du monde entier dont la plupart ne sont pas vaccinés. Certaines écuries du pays vaccinent leur cheptel tous les six mois.

En Italie, le diagnostic n’est effectué que par des laboratoires privés. Il n’existe pas de données officielles, mais la majorité des chevaux sont vaccinés dans les écuries d’élevage.

En Australie, la vaccination est réalisée en priorité chez les juments d’élevage, et ne concerne pas tous les chevaux de course.

En France, la vaccination n’est pas une obligation légale. Les juments d’élevage sont généralement vaccinées. La surveillance est effectuée par des laboratoires officiels qui observent l’incidence des épisodes neurologiques, respiratoires et des avortements. Les tests sont pris en charge et gratuits pour les propriétaires dans le cadre du programme de surveillance. Ce modèle français a été cité par le groupe de travail pour permettre de recueillir plus d’informations dans les différents pays sur les épisodes d’EHV. Ces données pourraient être portées à la connaissance des vétérinaires pour les aider à informer leurs clients. Des questions restent toutefois en suspens : faut-il détecter les infections latentes, faire un screening ? Le groupe a insisté sur la nécessité d’une surveillance internationale de la prévalence d’EHV-1 et d’EHV-4, des corrélations vis-à-vis de la maladie et des caractéristiques des souches.

L’artérite virale nécessite une gestion consolidée

« Pendant plus de trente ans, l’artérite virale équine n’a préoccupé que peu de monde », a constaté Peter Timoney (université du Kentucky, Etats-Unis). La maladie est décrite pour la première fois en 1953. En 1984, une poussée généralisée touche plus d’une quarantaine d’élevages de pur-sang dans le Kentucky et fait prendre conscience des conséquences économiques dramatiques de l’affection. « Le virus peut se répandre avec la même facilité que celui de la grippe, a précisé Peter Timoney. Aujourd’hui, nous assistons à une meilleure sensibilisation à la signalisation de la maladie. Mais il faut encore harmoniser et moderniser les tests de diagnostic. » Cela est particulièrement important dans le cadre du screening des chevaux et de la semence pour le commerce international, ainsi que pour la certification des animaux.

« Le portage est probablement le réservoir principal du virus entre les poussées de la maladie. Certains étalons seront porteurs pendant cinq ans, voire dix ans. » Les conséquences économiques sont multiples : avortements, marchés d’exportation refusés aux étalons porteurs, annulations de courses en cas de poussées sur les hippodromes, etc.

Un vaccin inactivé est utilisé en Europe. « Il convient d’isoler les nouvelles juments, de dépister les semences pour détecter le virus dans le cas d’une insémination artificielle, d’observer des mesures de gestion très sûres. » Lors d’utilisation intensive de juments, Peter Timoney conseille fortement de vacciner tous les animaux à risque.

Les conclusions du groupe de travail appuient la nécessité de considérer la vaccination comme un composant intégral des programmes de prévention de l’artérite virale équine. Celle des étalons et des jeunes mâles entre six et douze mois est estimée comme la voie la plus efficace pour réduire le réservoir naturel du virus et sa dissémination dans les populations d’élevage. « Actuellement, cette ambition est freinée par le refus de plusieurs pays d’approuver l’utilisation des vaccins existants. »

L’accent est aussi mis sur la formation des intervenants de la filière. L’identification des animaux est en outre essentielle dans le contexte de tout programme national de prévention contre cette affection.

Mieux identifier les agents responsables de la gourme

La gourme est l’une des maladies équines contagieuses parmi les plus fréquentes dans le monde. Un screening efficace et une quarantaine peuvent minimiser sa diffusion. Andrew Waller (Animal Health Trust) a souligné l’importance du dépistage, d’une procédure de quarantaine, d’une bonne hygiène, d’une détection appropriée afin de permettre un isolement rapide des chevaux infectés.

L’éradication de la gourme se révèle difficile dans les lieux où un réservoir persiste. « Il est important de collecter les souches à travers le monde afin d’approfondir les connaissances. » Actuellement, il n’y a pas de restriction de mouvements d’animaux entre les pays pour cette maladie. Une évaluation du risque et une certification pour le transport international seraient-elles envisageables objectivement (et légalement) ? Le groupe de travail estime que non, mais qu’il devrait y avoir davantage de régulations. L’idée est émise d’une institution centrale ou d’un laboratoire où les cas seraient recensés, avec des procédures standard. En effet, dans certains pays, le nombre de cas n’est même pas connu précisément.

L’anémie infectieuse équine est un ennemi caché

« La fièvre et la trombocytopénie sont les anomalies les plus communes qui accompagnent l’anémie infectieuse équine », a expliqué Gian Luca Autorino (Instituto Zooprofilattico Sperimentale). Souvent, les anticorps ne sont pas détectables. La phase chronique suit, avec une longue période de recyclage de poussée d’anémie, accompagnée par des œdèmes. Après un an, une forme inapparente s’installe. Certaines conditions peuvent s’inverser et le cheval présenter de nouveau des épisodes aigus. Il peut ainsi passer de la forme asymptomatique à la forme mortelle. « Les signes cliniques suivent toujours une charge virale élevée. » La période d’incubation peut aller de deux semaines à quatre-vingts jours selon la dose d’inoculum et la souche.

Peu de pays sont exempts de cette maladie. Aucune vaccination n’est disponible, ainsi la seule protection est la prévention. « Avant, cette affection était surtout décrite dans les régions de marécages. Aujourd’hui, seuls les chevaux de course sont surveillés et les systèmes de signalisation de la maladie ne sont pas toujours mis à jour et actualisés. » Une importante menace a touché l’Italie en 2006 à la suite de l’utilisation illégale de plasmas infectés. Il a été décidé d’effectuer des contrôles et des tests annuels chez les chevaux âgés de plus de six mois. « Plus de deux cent cinquante mille équidés ont été testés, montrant des régions indemnes et d’autres où la prévalence était de plus de 3 % », a rappelé Gian Luca Autorino. Les échantillons les plus positifs sont venus de la population des mulets (plus de 20 % dans certains cas). En Italie, l’incidence ne semble pas diminuer, mais selon l’intervenant, il existe un biais pour 2008, car les tests utilisés étaient plus sensibles. « Nous avons décidé que les analyses sérologiques étaient les plus intéressantes pour détecter la maladie. Le test Elisa est réalisé en premier, car il est plus sensible et objectif, puis nous confirmons le résultat par la technique Agid, plus spécifique, et nous utilisons l’immunoblot lors de résultat divergent. »

En France, où aucun cas positif n’est recensé (sauf lors d’un épisode particulier comme au printemps dernier dans le Var), l’euthanasie est notamment obligatoire pour garantir le maintien du statut indemne en l’absence de vaccination.

Le test de Coggins est majoritairement souhaité pour le diagnostic de l’anémie infectieuse équine, intégré avec les autres méthodes sérologiques. Il s’agit d’une recommandation de l’OIE.

La difficulté majeure face à cette maladie est le risque de portage inapparent, car l’infection d’autres chevaux peut être imprévisible. La seule protection est alors la prévention, il peut même être conseillé d’augmenter la fréquence des contrôles dans les situations à haut risque.

Une question demeure cependant : est-il nécessaire de tester tous les chevaux ou seulement les effectifs qui sont l’objet de mouvements ? Là aussi, la nécessité d’un protocole standard de diagnostic et de contrôle est évoquée.

La peste équine africaine constitue une menace aux portes de l’Europe

La peste équine est due à un orbivirus transmis par des culicoides. Des épizooties sont susceptibles de survenir en raison de l’extension de la maladie hors des zones endémiques.

La peste africaine est l’affection la plus mortelle, comme en a témoigné Alan Guthrie (université de Pretoria, Afrique du Sud). La mortalité concerne 70 à 95 % des chevaux naïfs. A l’opposé, « les zèbres et les ânes africains peuvent être atteints sans présenter de signes cliniques ». Les zèbres du sud de l’Afrique jouent certainement un rôle de réservoir important. L’african horse sickness (AHS) n’est pas contagieuse, elle est transmise par des insectes piqueurs. C’est à la fin de l’été et au début de l’hiver que les cas se multiplient. Une épizootie a touché l’Europe en 1987, notamment l’Espagne, à la suite de mouvements d’animaux entre les pays. « L’AHS est la première maladie concernée par la régionalisation de l’OIE, a expliqué Alan Guthrie. Cette épizootie est la seule enregistrée après des mouvements d’animaux légaux. »

Les vétérinaires doivent pouvoir reconnaître les signes cliniques, proches de ceux d’une maladie exotique. Dans les zones endémiques, des vaccins polyvalents sont utilisés en prévention. Cette dernière passe aussi par la protection contre les vecteurs. Sur la question de l’euthanasie dans tous les cas, Alan Guthrie est resté prudent, estimant que cette menace peut inciter les propriétaires de chevaux de valeur à se déplacer. En outre, « l’euthanasie des cas suspects pose problème, car de toute façon, s’il y a quelques animaux naïfs atteints, ils mourront en vingt-quatre heures ».

Les épisodes de peste africaine devraient se multiplier à l’avenir. L’épidémiologie évoluera peut-être, associée au changement climatique. Mais les pays possèdent-ils les plans d’urgence appropriés pour gérer une épizootie de peste ? Des vaccins adaptés et disponibles ? Une nouvelle génération de vaccins semble en effet requise rapidement.

Le réchauffement profite au virus West-Nile

Rocky Bigbie (Fort-Dodge) a présenté la maladie de West-Nile comme une menace liée aux conditions des modifications climatiques : « Il existe un risque accru de dissémination du virus par les vecteurs en raison du changement de climat. » L’affection est maintenant endémique en Italie. La situation aux Etats-Unis a de quoi alarmer l’Europe.

La gestion des maladies infectieuses équines soulève encore de multiples interrogations. Les réponses varient selon les pays. La prévention pour empêcher l’introduction d’un virus pose aussi le problème de la maîtrise du facteur humain dans les possibilités de voie de transmission (influenza). En outre, les agents pathogènes en cause peuvent présenter des particularités selon les régions du monde. Et qui doit payer dans les schémas de prévention, celui qui exporte ou celui qui importe ? Faut-il mettre en place une autorégulation ?

  • (1) Voir aussi La Semaine Vétérinaire n° 1324 du 29/8/2008 en pages 28 à 31.

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