Pas de temps mort pour Bruno Le Maire

Six mois. Bruno Le Maire n’aura occupé son précédent poste ministériel que six petits mois. A peine le temps de prendre ses marques. Pourquoi celui dont la connaissance de l’Allemagne et la maîtrise de sa langue, tant vantées comme gage de ses qualités de secrétaire d’Etat aux Affaires européennes, a-t-il finalement été nommé ministre de l’Agriculture, matière à laquelle, a priori, rien ne le raccroche ? On peut d’abord y voir une promotion. Bruno Le Maire est jeune, brillant et villepiniste. Cela fait trois bonnes raisons pour Nicolas Sarkozy de le mettre en valeur. Il est possible aussi d’y voir la volonté présidentielle d’utiliser de nouveau sa germanophilie, puisqu’il aura à gérer rapidement le lourd dossier de la réforme de la politique agricole commune (PAC) prévue pour 2013, dans lequel la négociation avec les Allemands sera primordiale. L’europhilie du nouveau ministre n’est pas pour déplaire à Christian Rondeau, le président de l’Ordre des vétérinaires. « Je ne le connais pas, mais je lui trouve d’emblée deux qualités essentielles : il est jeune et il possède une vraie ouverture européenne, souligne-t-il. Or, aujourd’hui, les problématiques rencontrées par les vétérinaires se traitent au niveau européen. » Le réseau, la fine connaissance des procédures (et des arcanes) européennes du nouveau résidant de la rue de Varenne permettront-ils d’imposer les positions vétérinaires françaises dans ce qui restera à négocier de la directive “services” ? Espérons-le.

L’alimentation revient dans l’intitulé du ministère, c’est bon signe

En tout cas, Bruno Le Maire n’aura pas de période de transition. Des dossiers importants l’attendent. Côté agriculture, il devra apaiser les relations pour le moins tendues entre agriculteurs et grande distribution, mener la révision de la loi de modernisation agricole, préparer donc la réforme de la PAC et dénouer la crise laitière. C’est mal parti. En affirmant qu’il n’était « pas convaincu que les quotas laitiers soient la formule absolue », il a fait bondir les syndicats agricoles. « Il est surprenant que pour sa première intervention publique, Bruno Le Maire balaie d’un revers de main l’outil européen qui a permis la maîtrise de la production laitière depuis vingt-cinq ans », a estimé la Confédération paysanne. Premier couac.

Côté vétérinaire, il est principalement attendu sur l’acte vétérinaire, le mandat sanitaire et l’enseignement, « le dossier le plus immédiat à traiter », selon Christian Rondeau. « Heureusement, il y a une continuité de l’Etat, un nouveau ministre ne part pas de zéro. Le cabinet change mais la structure n’évolue pas, remarque Christophe Brard, président de la Société nationale des groupements techniques vétérinaires (SNGTV). Les dossiers en cours de négociation, lancés par Michel Barnier après la parution du rapport Guené en début d’année, seront repris en l’état par le ministre. Pour nous, l’urgence reste la gestion de la fièvre catarrhale ovine. La décision de poursuivre ou non la vaccination obligatoire doit être prise dans les deux semaines qui viennent. » Ce sera sans doute l’une des premières décisions politiques importantes du ministre dans le domaine vétérinaire, tant les positions entre les différents intervenants sont tranchées (voir aussi en page 16).

Dès le 30 juin, Bruno Le Maire a entendu parler des vétérinaires, précisément des vétérinaires inspecteurs. Ils manifestaient ce mardi-là dans les rues de Paris (voir en page 16) contre la baisse de leurs effectifs et les périls qu’engendre, selon eux, la mise en place de la réforme générale des politiques publiques (RGPP). « Le mot “alimentation” revient en première place dans l’intitulé du ministère, c’est un symbole fort pour les services vétérinaires et nous nous en réjouissons, explique Benoît Assemat, président du Syndicat national des inspecteurs en santé publique vétérinaire (SNISPV). Michel Barnier a souhaité que cette dénomination apparaisse. Mais nous ne sommes pas dupes : il a promis beaucoup, mais n’a pas fait grand-chose. Nous demandons au nouveau ministre de prendre des décisions d’urgence pour préserver notre avenir. »

Quant à l’inexpérience de Bruno Le Maire, elle n’est pas réellement une difficulté pour les représentants de la profession. « Son œil neuf est plutôt un avantage, concède Christian Rondeau. Ce qui compte, c’est la manière dont il analyse les dossiers, dont il communique, note Christophe Brard. J’espère qu’il prendra rendez-vous rapidement avec les organisations professionnelles. » Pour pallier son manque d’expérience, Bruno Le Maire a pris soin de bien s’entourer (voir encadré). Pour durer plus de six mois ?