Il existe des facteurs de risque face à la myéloencéphalopathie à herpès virus - La Semaine Vétérinaire n° 1367 du 03/07/2009
La Semaine Vétérinaire n° 1367 du 03/07/2009

Réceptivité de l’hôte

Formation continue

ÉQUIDÉS

Auteur(s) : Isabelle Desjardins

La charge de virus circulant qui suit l’infection par l’EHV-1 est un facteur de risque majeur d’apparition de troubles neurologiques centraux. Les chevaux âgés sont significativement plus touchés.

Depuis plusieurs années, les épizooties de myéloencéphalopathie à herpès virus sont de plus en plus fréquentes en Europe et aux Etats-Unis. Cette maladie est liée à une infection par l’herpès virus de type 1 (EHV-1). Il s’agit d’un virus à ADN, à tropisme primaire pour l’épithélium respiratoire, susceptible d’engendrer des avortements, une mortinatalité ou un syndrome neurologique, selon l’immunité de l’hôte et la virulence de la souche. Les signes neurologiques résultent d’une infection secondaire des cellules endothéliales du système nerveux central, accompagnée de thrombo-embolies, d’ischémie, particulièrement de la moelle épinière.

Les foyers sporadiques se déclenchent souvent à la suite de l’introduction, au sein d’un effectif, d’un cheval ayant séjourné dans un autre lieu de résidence (ventes, compétition, etc.). Le taux de morbidité et de mortalité est assez élevé et peut affecter les individus de tous âges et de toutes races. Les chevaux vaccinés ne semblent pas résister à la maladie (voir encadré).

Des souches avec une capacité de réplication accrue

Des virus isolés lors d’épizooties naturelles ont révélé que la majorité des isolats sont des souches variantes du virus, qui possèdent une substitution (adénine au lieu de guanine) du gène codant pour l’ADN polymérase virale (ORF 30). Cette mutation unique dans la sous-unité catalytique du complexe de réplication virale doterait les souches d’une capacité de réplication accrue et augmenterait le nombre et la sévérité des lésions chez les chevaux infectés. Il est même probable que cette mutation, associée à une virulence naturelle plus importante, explique les taux de morbidité et de mortalité élevés parfois observés.

Les différentes études rétrospectives ont identifié quelques facteurs de risque en matière d’âge, de genre et de race parmi les effectifs touchés. Mais la virulence de la souche mise à part, puisqu’elle est la même dans un élevage, la réceptivité de l’hôte est un élément déterminant, mal cerné.

Une souche neuropathogène d’EHV-1 est inoculée à des juments

George Allen(1) a donc étudié les facteurs de risque de développement d’une myéloencéphalopathie à EHV-1 chez des chevaux auxquels le virus est inoculé expérimentalement. L’objectif de l’étude est aussi de préciser le mécanisme immunologique qui permet de contrôler l’amplitude de la virémie et de la vasculite du système nerveux central.

Trente-six juments pur-sang et croisées sont réparties en trois lots de douze. Les groupes A et B comportent seulement des chevaux âgés de plus de vingt ans et le groupe C des chevaux de moins de quinze ans.

Une souche neuropathogène d’EHV-1 (T953) est inoculée aux groupes A et C, et une souche non neuropathogène aux chevaux du groupe B (T262).

Un échantillon sanguin et pharyngé est prélevé avant l’inoculation virale pharyngée. Un examen clinique complet quotidien et un suivi de la température rectale sont réalisés. L’apparition de signes neurologiques est consignée et les symptômes sont classés en trois catégories : traîner de pince et diminution du tonus musculaire global et/ou de la queue ; atonie vésicale et/ou anomalie de la posture et de la démarche ; décubitus.

Des sécrétions pharyngées sont prélevées chaque jour pendant une semaine, et du sang à deux, quatre, six, huit, dix, douze et quatorze jours après l’inoculation. Les cellules mononucléaires sanguines en sont extraites et l’ADN est isolé. Une technique de rt-PCR (real time polymerase chain reaction) permet de détecter et de quantifier l’ADN viral au sein des cellules mononucléaires sanguines. La fréquence des lymphocytes T cytotoxiques, précurseurs spécifiques de l’EHV-1 dans le sang, est évaluée par une technique de limiting dilution microculture system. De plus, les titres en anticorps neutralisants anti-EHV-1 sont dosés dans le sang des chevaux par microneutralisation.

Une analyse statistique des différentes variables cliniques et expérimentales est effectuée afin de corréler entre eux les différents paramètres.

L’amplitude de la virémie est supérieure chez les juments âgées

Aucun signe neurologique n’est détecté chez les douze chevaux qui ont reçu la souche “abortive” T262. En revanche, neuf chevaux sur vingt-quatre ayant reçu la souche neuropathogène développent des signes neurologiques (37,5 %) de grade 2 (pour 33 % d’entre eux) et de grade 3 (pour 67 %).

La base virologique de la neuropathogénicité des souches est explorée en comparant l’amplitude de la virémie dans les deux groupes expérimentaux de chevaux ayant reçu soit la souche T262, soit la souche T953. La charge virale est significativement plus élevée chez les juments qui ont reçu la souche neuropathogène.

Une droite de régression linéaire est établie pour étudier la relation entre la charge virale postinfection et la fréquence des lymphocytes T cytotoxiques précurseurs spécifiques préinfection. Une combinaison de charge virale élevée et de faible fréquence en lymphocytes T cytotoxiques précurseurs spécifiques est retrouvée systématiquement pour les neuf chevaux qui ont développé des signes neurologiques à la suite de l’inoculation de la souche T953.

Parmi les vingt-quatre juments ayant reçu la souche neuropathogène, seulement une de moins de quinze ans développe une incoordination postérieure accompagnée d’incontinence urinaire, alors que des symptômes neurologiques sont apparus chez huit chevaux sur douze de plus de vingt ans (67 %). L’amplitude de la virémie est supérieure chez les juments âgées par rapport aux plus jeunes (multipliée par dix et jusqu’à deux cents !), quel que soit le moment du prélèvement. Cela montre bien que la charge de virus circulant qui suit l’infection par l’EHV-1 est un facteur de risque majeur concernant l’apparition de troubles neurologiques centraux. Les chevaux âgés sont significativement plus à risque face à la myéloencéphalopathie à EHV-1.

En revanche, la proportion de juments présentant des signes neurologiques n’est pas statistiquement différente selon la race (limitée à deux groupes, pur-sang et croisés).

Le contrôle immunologique de la virémie s’exerce via les lymphocytes T cytotoxiques

Aucune association entre les titres en anticorps avant l’exposition à l’EHV-1 et l’amplitude de la virémie après l’infection n’a pu être mise en évidence, ni entre les titres en anticorps préexposition et la résistance à la myéloencéphalopathie à herpès virus. La localisation intracellulaire de l’EHV-1 pendant la majorité de son cycle infectieux limite probablement l’efficacité des anticorps neutralisants pour le contrôle de la virémie.

Le fait que la fréquence de lymphocytes T cytotoxiques précurseurs spécifiques de l’EHV-1 soit fortement corrélée à l’ampleur de la virémie et à l’immunité protectrice contre les souches neuropathogènes du virus suggère que le contrôle immunologique de la virémie à EHV-1 s’exerce par le biais de l’action des lymphocytes T cytotoxiques. Cela est d’ailleurs démontré pour d’autres herpès virus. L’activation de lymphocytes T cytotoxiques mémoires en circulation au moment de l’infection par l’EHV-1 en cellules à activité cytolytique permet le contrôle de cette maladie neurologique. Pour une protection efficace contre la myéloencéphalopathie à herpès virus, les futurs vaccins devront être capables de stimuler une réponse immunitaire à médiation cellulaire avec la production de lymphocytes T effecteurs spécifiques.

  • (1) G.P. Allen : « Risk factors for development of neurologic disease after experimental exposure to equine herpesvirus-1 in horses », AJVR, 2008, vol. 69, n° 12, pp. 1 595-1 599.

Dissémination de l’herpès virus de type 1

Dans huit foyers sur neuf, le premier cas apparaît au retour d’un cheval de ventes, d’une compétition ou d’un entraînement à l’extérieur de son lieu de résidence. En général, au bout d’une semaine, d’autres cas sont notés dans l’élevage ou l’écurie. Dans trois foyers sur neuf, un seul cheval présente de la fièvre au départ. Dans cinq foyers sur neuf, de la fièvre accompagne des signes neurologiques et dans un foyer seulement, un cheval est paralysé, sans hyperthermie. Les signes neurologiques évoquent une myélopathie.

Il est impossible de prévoir quel cheval sera atteint lors d’une épidémie selon la localisation du malade au sein de l’élevage ou de l’écurie. Des épisodes aux Pays-Bas ont affecté un nombre restreint de chevaux à chaque fois et la transmission aux congénères par contact ne semble pas se faire facilement.

Il est suggéré que les avortements à EHV-1 favoriseraient la dissémination de l’infection, mais les foyers sont réguliers et la majorité des poulinages se produisent du milieu à la fin du printemps, ce qui ne permet pas d’étayer cette hypothèse.

La réactivation d’un virus demeuré à l’état latent puis sa dissémination dans un second temps seraient le mode de transmission principal des EHV-1 à l’intérieur d’une population sensible. Toutefois, toutes les souches d’EHV-1 n’engendrent pas de myéloencéphalopathie. Mise à part la virulence de la souche qui est la même sur un élevage, la dose infectante et la réceptivité de l’hôte sont des éléments déterminants. Dans l’étude de George Allen, des facteurs de risque en rapport avec l’apparition de signes neurologiques sont mis en évidence : âge supérieur à trois ans, femelles, trotteurs, chevaux lourds et hispaniques, présence de fièvre. Les juments, les chevaux âgés et qui ont présenté précédemment de la fièvre sont prédisposés à des signes neurologiques sévères.

I. D.
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