La taille du cœur chez le cheval athlète serait corrélée à la performance - La Semaine Vétérinaire n° 1364 du 12/06/2009
La Semaine Vétérinaire n° 1364 du 12/06/2009

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ÉQUIDÉS

Auteur(s) : Isabelle Desjardins

Le “vieillissement” et l’entraînement augmentent l’épaisseur myocardique et le diamètre interne du ventricule gauche.

L’entraînement de haut niveau à long terme des “athlètes” humains ou animaux induit une hypertrophie cardiaque. L’importance d’un “gros cœur”, à l’origine de performances supérieures, est pressentie dès 1789 avec l’autopsie du légendaire cheval de course Eclipse, dont le cœur pesait plus de deux fois le poids moyen de celui de ses congénères.

Après plusieurs études anatomiques post-mortem, la capacité de déterminer la taille du cœur ante mortem est devenue un pôle de recherches. En effet, connaître la taille du cœur et sa morphologie chez un cheval en particulier pouvait laisser présager d’une possibilité pour les éleveurs, les acheteurs et les entraîneurs de sélectionner les athlètes les plus talentueux, dès le plus jeune âge.

Des études électrocardiographiques appliquées à la compétition ont fait leur apparition dans les années 70. Les chercheurs ont conclu à de meilleures performances pour les chevaux possédant un cœur plus gros par rapport à ceux au cœur plus petit.

Des modifications cardiaques chez les pur-sang et les trotteurs à l’entraînement

De nos jours, la taille et la morphologie cardiaques sont évaluées par l’échographie, une procédure non invasive. Le recours à cet examen est fréquent chez les chevaux destinés à la course, dès leur première année, pour vérifier l’absence de malformation congénitale ou de situation pathologique, lors de ventes par exemple. Chez les chevaux à l’entraînement, l’effet de l’exercice sur le cœur peut être évalué. Il est même suggéré que l’échocardiographie serait une technique utile pour la sélection des chevaux de courses d’obstacles, pour lesquels la corrélation entre taille cardiaque et performance en course est bien établie.

Chez l’homme, un entraînement à long terme induit deux sortes d’adaptations myocardiques. Pour ce qui est des sports d’endurance (course, cyclisme), l’accroissement prolongé du débit cardiaque engendre un développement du volume ventriculaire gauche, accompagné d’une augmentation proportionnelle de l’épaisseur du muscle myocardique. A l’échocardiographie, une hypertrophie excentrique du ventricule gauche est présente, sans changement du rapport entre l’épaisseur de la paroi et le diamètre du ventricule gauche. En revanche, le travail de force (sprint, haltères) induit une surcharge de pression ventriculaire et une pression artérielle élevée. A l’échographie, une hypertrophie ventriculaire gauche concentrique est notée et l’épaisseur de la paroi myocardique est accrue. Les modifications cardiaques des pur-sang et des trotteurs à l’entraînement sont à la fois une augmentation de l’épaisseur myocardique et du diamètre interne ventriculaire gauche. Il s’agit donc plutôt d’un effet d’endurance par comparaison au modèle humain.

Des conséquences physiologiques selon la taille du cœur

L’importance d’un cœur de grosse taille chez le cheval sportif est directement reliée à la capacité de production énergétique aérobie. L’apport d’oxygène aux tissus pendant l’effort dépend du débit cardiaque, de la pression partielle artérielle en oxygène et d’autres facteurs.

Le débit cardiaque maximal est déterminé par la fréquence cardiaque maximale multipliée par le débit systolique. La fréquence cardiaque maximale ne change pas chez un athlète pendant l’entraînement, mais le débit systolique augmente avec l’intensité de l’effort. Le débit systolique dépend lui-même des dimensions cardiaques et de la performance du myocarde, et conditionne la capacité aérobie maximale.

Il est démontré que l’absorption maximale d’oxygène (VO2 max) est fortement corrélée à la taille du cœur et à la performance sportive chez les pur-sang de course.

En général, les chevaux ont une capacité aérobie supérieure à celle des hommes.

La taille du cœur est influencée par l’âge, l’entraînement et le type d’activité

Plusieurs études se sont penchées sur la taille du ventricule gauche chez de nombreux pur-sang et trotteurs. Malgré une méthodologie bien différente (équipement, opérateur, etc.), les conclusions sont semblables : le “vieillissement” et l’entraînement augmentent la taille du ventricule gauche. L’apport de l’entraînement seul est difficile à délimiter en raison de l’absence de groupes témoins non exercés dans ces études.

Quatre examens échocardiographiques réalisés chez des trotteurs de deux à trois ans et demi montrent une augmentation de plus de 40 % de la taille du ventricule gauche. Entre trois ans et demi et cinq ans et demi, un accroissement de 16 % est noté dans la même population de chevaux. Chez des pur-sang de deux ans, une extension de la taille du ventricule gauche de 33 % est observée sur dix-huit semaines. Le type d’activité influence aussi la taille ventriculaire gauche : le cœur des pur-sang est en général plus gros que celui des trotteurs et, parmi les pur-sang, le cœur est plus petit chez ceux qui font des courses de plat par rapport aux courses de steeple.

La forte corrélation entre la taille du cœur et le poids corporel est bien connue chez l’homme et le cheval. Il est obligatoire de peser le cheval et de tenir compte de son poids vif lors de l’évaluation de la taille du ventricule gauche. Cela induit un biais dans la mesure où il n’est pas tenu compte de la composition corporelle (musculature versus tissu adipeux). Les athlètes humains ont tendance à avoir un poids total plus bas, mais une masse “maigre” (protéines, eau, minéraux) plus élevée par rapport à des sujets non entraînés. Un sportif bien entraîné aura donc un rapport masse cardiaque/masse corporelle plus élevé qu’un individu non exercé, de même poids vif.

Le genre est aussi à prendre en compte dans l’évaluation de la taille du cœur. Chez plusieurs espèces, la taille du ventricule gauche est inférieure chez les femelles sportives par rapport aux mâles. Cela résulte probablement d’une concentration sanguine en hormones anabolisantes plus élevée chez le mâle, qui favorise la masse musculaire squelettique et cardiaque.

Ainsi, la comparaison des tailles cardiaques dans une population de chevaux nécessite, pour être exploitable, une large base de comparaison.

Une corrélation existe entre les performances en course et la taille cardiaque

A la fois chez les pur-sang et les trotteurs, il existe une corrélation significative entre la taille du ventricule gauche et la performance, évaluée par le biais des gains moyens par départ de course chez les premiers ou par la somme totale des gains et la meilleure réduction kilométrique chez les seconds.

Dans une étude longitudinale portant sur des pur-sang de deux ans non entraînés, le coefficient de corrélation entre la taille du ventricule gauche et les performances en course subséquentes est estimé de 0,27 à 0,32. Pour ce même groupe de chevaux, à l’âge de trois ans et demi, le coefficient passe de 0,35 à 0,44. Cela signifie que de 12 à 19 % des variations de performance en course sont expliquées par la taille du ventricule gauche, ce qui semble élevé face à la nature multiple des facteurs de réussite en course ! De ce fait, nombreux sont les vétérinaires sollicités pour évaluer la taille du ventricule gauche chez les yearlings pur-sang, en vue de prédire leurs capacités futures. Les conclusions tirées sur ces jeunes animaux encore immatures et non soumis à un exercice sont toutefois à exploiter avec précaution…

Des risques de mort subite à l’effort chez les athlètes

La réponse du muscle cardiaque à l’effort constitue une adaptation physiologique bénéfique à l’organisme. Toutefois, des études chez l’homme montrent que l’hypertrophie cardiaque induite par l’exercice est associée à plusieurs situations pathologiques comme des valvulopathies, des arythmies et une ischémie du muscle cardiaque. Cela augmente le risque de mort subite à l’effort chez des athlètes pourtant en bonne santé.

Les collapsus cardio-vasculaires (ou morts subites) sont rapportés chez les chevaux de compétition et de course pendant un exercice d’intensité maximale. Les modifications pathophysiologiques sous-jacentes sont mal connues. Chez des trotteurs, une corrélation statistique est établie entre l’hypertrophie cardiaque induite par l’exercice et des arythmies ventriculaires en course. Des arythmies ventriculaires sévères peuvent conduire à un arrêt cardiaque brutal.

Ainsi, si la corrélation entre performance et taille du cœur est exploitable chez le cheval, c’est en toute connaissance de cause concernant l’interprétation selon divers paramètres physiologiques et les limites de la technique.

La sélection génétique sur le critère de la taille du cœur pourrait constituer une aide pour les éleveurs de chevaux de performance, mais à l’heure actuelle, aucune étude sur l’hérédité de ce caractère n’est entreprise.

  • (1) Source : R. Buhl : « A review of structural features of the equine athlete’s heart : is a large heart an advantage for racing success ? », proceedings du 54e congrès de l’AEEP, décembre 2008, San Diego, Californie (Etats-Unis).

  • (2) DIVGd = diamètre interne du ventricule gauche en diastole. PLVG = paroi libre du ventricule gauche en diastole. SIVd = septum interventriculaire en diastole.

Calculs de la taille du ventricule gauche

Un examen échocardiographique complet demande un équipement spécialisé, notamment une sonde permettant une exploration à 30 cm. La taille (masse) du ventricule gauche est calculée à partir d’une coupe petit axe en mode M :

Masse VG (en grammes) = 1,04 x [(DIVGd(2) + PLVGd(2) + SIVd(2))3 - DIVGd3] - 13,6

D’autres paramètres, comme l’épaisseur pariétale absolue et relative et la fraction de raccourcissement, sont utilisés pour évaluer l’adaptation de l’athlète à l’entraînement.

La mesure de la taille cardiaque à l’échographie requiert une bonne expérience, de la rigueur et une standardisation de la procédure. Pour être applicable, l’échocardiographie dans le contexte de l’évaluation de la taille du cœur doit être une technique répétable. Elle permet de détecter de petites différences entre deux individus. Au moins cinq mesures en mode M par cheval sont nécessaires pour établir une précision suffisante. Lorsqu’une hypertrophie cardiaque est décelée à partir de l’examen échocardiographique, une corrélation avec l’examen clinique doit être effectuée systématiquement, dans la mesure où cette hypertrophie peut aussi bien être secondaire à un entraînement qu’à une lésion cardiaque (insuffisance valvulaire, par exemple).

I. D.

À LIRE DANS Pratique vétérinaire équine

• I. Desjardins : « Fiche technique : l’auscultation cardiaque chez le cheval », PVE, 2006, n° 150, vol. 36, pp. 69-71.

• H. Amory : « Sémiologie cardiaque dans l’espèce équine ; l’anamnèse et l’examen clinique », PVE, 2001, vol. 33, pp. 29-34.

• H. Amory : « Sémiologie cardiaque dans l’espèce équine ; l’auscultation », PVE, 2001, vol. 33, pp. 35-43.

• H. Amory, T. Art : « Affections cardiaques et intolérance à l’effort ; les troubles du rythme », PVE, 2000, vol. 32 (suppl), pp. 311-318.

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