Etes-vous favorable à la création d’une filière privée d’enseignement vétérinaire ?

C’est totalement injuste…

… et va à l’encontre des grands principes démocratiques de liberté, d’égalité et de fraternité. Comment revendiquer l’égalité quand la sélection reposera uniquement sur un rapport pécuniaire, donc inégalitaire ? Jusqu’à présent, à l’exception de la Belgique, nous avions un concours commun pour tous les vétérinaires. Avec une filière privée, il y aura ceux qui travaillent dur et ceux qui achètent leur concours. Si je n’ai pas d’opposition de principe sur un enseignement privé, je me demande, en revanche, qui seront les enseignants et quel sera le contenu des programmes.

Cette décision est-elle motivée par un manque de vétérinaires ? Dans ce cas, pourquoi ne pas augmenter le numerus clausus ? Je suis sorti de l’école il y a dix-sept ans, mais j’ai tout de même l’impression que des changements fréquents sont intervenus, comme la limite d’âge ou le fait que les candidats peuvent présenter le concours plus de deux fois. S’il faut se féliciter de l’intégration de l’anglais ou de l’informatique dans l’enseignement, il y aura toujours une masse de connaissances basiques à ingurgiter. Je n’ai aucun reproche sur la formation actuelle en médecine et en chirurgie. En revanche, j’ajouterais volontiers dans le cursus une partie de gestion économique et financière des cabinets, de droit, de législation sur les médicaments, etc.

Je ne pense pas non plus que la création de cette nouvelle filière contribue à dynamiser le secteur rural. La formation de vétérinaire est, par essence, mixte. Un enseignement différencié me semble peu opportun.

Un handicap pour les étudiants du public

La sélection sera faussée. Permettre à l’Institut de Beauvais d’assurer les quatre premières années d’études vétérinaires va simplement ouvrir des places à ceux qui ont les moyens de payer un cursus onéreux, au détriment des autres. Cette nouvelle filière soulève beaucoup de questions : comment les élèves seront-ils intégrés dans les ENV pour les trois années suivantes, alors que, déjà, beaucoup manquent de pratique ? Seront-ils aussi bien formés ? Leur arrivée risque-t-elle de constituer un handicap pour les étudiants des établissements publics ? Il faudra plus encore se partager les microscopes ! Je crains que le concours d’accès à l’Institut soit plus facile que l’actuel concours d’entrée aux ENV.

Cela dit, ce projet de formation pourrait permettre d’ouvrir le débat sur la réforme du cursus de l’enseignement vétérinaire. En France, la faiblesse de la formation clinique rurale des étudiants pose problème. Il leur faudrait davantage de stages, et d’une durée plus longue. Il serait bon aussi d’intégrer la relation clientèle, la gestion d’un cabinet et l’apprentissage des langues étrangères dans l’enseignement. L’anglais se révèle précieux pour prendre connaissance des publications scientifiques, mais aussi dans la vie courante. J’avais envisagé d’exercer en Grande-Bretagne, mais la langue a été l’un des freins à ce projet.

On va sélectionner des têtes qui ont les moyens

Je crains que la sélection passe uniquement par l’argent. Cela dit, il me semble que les classes préparatoires d’entrée aux écoles publiques sont souvent privées et représentent un coût non négligeable que les élèves, ou leurs parents, doivent “assumer” pendant deux ans.

Pour moi qui ai suivi mes études en Belgique, le système de formation hexagonal ne me semble pas bon. J’ai toujours trouvé l’idée d’un concours d’entrée absurde. En Belgique, beaucoup de fils d’agriculteurs ont intégré la filière vétérinaire, ce qui est rare en France. La sélection est trop axée sur les maths et la physique, pas suffisamment sur la vocation. Les stagiaires que je reçois n’ont pas une vision de la réalité de la profession. Pour avoir passé un an à la “catho” de Lille, j’ai bien vu que les enseignements étaient différents de ceux du public. Quel sera le niveau des élèves à la sortie ? Sera-t-il homogène avec celui des écoles nationales ? En Belgique, ceux qui sortaient des universités de Liège, de Namur, de Louvain ou de Bruxelles n’étaient pas sur un pied d’égalité. Les étudiants de Namur (la plus chère) étaient les mieux préparés.

La création de cette nouvelle voie d’accès engagera peut-être une réforme du cursus. Il en a besoin. L’intégration des langues étrangères, de l’anglais scientifique notamment, est intéressante. Il serait aussi capital d’avoir des bases de gestion d’entreprise quand beaucoup d’entre nous s’installent et ouvrent un cabinet.