Les symptômes de l'aspergillose aviaire, non spécifiques, dépendent des organes atteints - La Semaine Vétérinaire n° 1362 du 29/05/2009
La Semaine Vétérinaire n° 1362 du 29/05/2009

Pathologie aviaire

Formation continue

FILIÈRES

Auteur(s) : Karim Adjou

L'observation des lésions macroscopiques à l'autopsie et un examen microscopique direct destiné à identifier le mycélium d'Aspergillus permettent de confirmer le diagnostic.

L'aspergillose aviaire est responsable d'une perte de production considérable chez le poulet et surtout chez la dinde. Elle est provoquée par le développement d'un champignon opportuniste du genre Aspergillus. Plusieurs organes peuvent être affectés et les signes cliniques sont donc différents. Ils peuvent être respiratoires, digestifs ou nerveux (Raines et coll., 1956 ; Veen, 1973). D'autres formes sont également observées telles que la méningo-encéphalite d'origine aspergillaire, l'aspergillose oculaire, la dermatite aspergillaire ou encore l'ostéomycose(1).

Le diagnostic clinique de l'aspergillose chez les jeunes volatiles s'appuie sur les mortalités importantes et les symptômes respiratoires, digestifs et nerveux. Les indicateurs cliniques chez les adultes sont classiquement un amaigrissement, une dégradation de l'indice de consommation et des performances zootechniques, ainsi que de faibles réponses immunitaires aux vaccins.

Toutefois, les symptômes observés lors d'aspergillose aviaire ne sont pas spécifiques et dépendent des organes atteints par les champignons. L'aspergillose pulmonaire doit souvent être différenciée des autres maladies respiratoires qui provoquent des lésions granulomateuses. En outre, la pneumonie et les aérosacculites exsudatives fibrineuses ou purulentes sont aussi rapportées dans d'autres maladies aviaires comme les mycoplasmoses, le choléra, les colibacilloses et la chlamydophilose (voir tableau).

A l'autopsie, des lésions exsudatives et nodulaires sont notées

Dans le cas de l'aspergillose, selon les tissus, deux types de lésions sont observées. D'une part, des lésions exsudatives sur les muqueuses (sacs aériens) et, d'autre part, des lésions nodulaires dans et sur les parenchymes (poumons, voir photo 1). Ces lésions peuvent s'étendre à d'autres organes (os, foie, cerveau), mais ces cas restent rares. Dans certaines formes graves, des nodules sur les sacs aériens (voir photo 2) sont retrouvés. Les toutes premières lésions provoquées par Aspergillus peuvent être observées dès la vingt-deuxième heure après la contamination à la loupe binoculaire. Les lésions macroscopiques sont visibles dès le deuxième jour et n'augmentent ni en taille ni en nombre avec le temps si la source de contamination disparaît (Hamet, 1992).

Chez le jeune poulet, les poumons sont généralement touchés et portent de multiples nodules jaunes dont la dimension varie entre une tête d'épingle et un grain de mil. Certains confluent pour former des taches largement étendues de couleur gris-jaunâtre, les mêmes nodules pouvant se rencontrer dans les sacs aériens et la cavité abdominale.

Chez l'adulte, de gros nodules peuvent bosseler les poumons, mais la lésion la plus courante est la présence de grosses masses de débris durs et jaunes dans les sacs aériens, souvent tapissés de moisissures denses et vertes ou veloutées et noires.

Des lésions au niveau de l'encéphale et du cervelet, sous la forme de foyers nécrotiques blanchâtres de 1 à 2 mm de diamètre, sont également rapportées.

Julian et Goryo ont décrit également des ascites comme des séquelles fréquentes de l'aspergillose pulmonaire.

En ce qui concerne la contamination de l’œil, deux types de lésions existent. Une atteinte superficielle de l'œil avec un œdème des paupières, des sécrétions séreuses à purulentes et une quasi-destruction de la cornée seraient dues à une invasion des spores présentes dans l'air ambiant, facilitées par des irritations préalables de l'œil. Une atteinte plus profonde, avec la présence de mycélium au niveau du cristallin, une rétinite et une iridocyclite, résulterait d'une contamination par des spores disséminées par voie hématogène à partir de lésions pulmonaires.

L'observation microscopique du mycélium confirme l'étiologie

La lésion microscopique pathognomonique, constituée par un granulome mycosique, est totalement établie à partir du troisième jour après l'exposition à des spores. Son apparition marque la focalisation de l'inflammation primaire diffuse du poumon. Les spores qui ont commencé à germer (dès la vingt-deuxième heure) sont prisonnières au sein d'une zone centrale nécrosée et cernée par des cellules géantes et une zone large d'infiltration macrophagique. Les granulomes mesurent de 1 mm à 1 cm de diamètre. Ils peuvent envahir jusqu'à 75 % du parenchyme pulmonaire.

Un examen microscopique direct permet l'observation de mycélium. Celui d'Aspergillus fumigatus est à différencier de ceux des Mucorales (filaments non septés et dont les ramifications ne sont pas dichotomiques), des Penicillium (dont les hyphes sont plus étroites et plus rapprochées que chez Aspergillus fumigatus) et des Candidas (pseudofilaments). Dans le cerveau, les mycéliums d'Aspergillus fumigatus peuvent être confondus avec ceux de Dactylaria gallopava, dont les hyphes ont un diamètre plus élevé. La présence de têtes aspergillaires typiques permet d'établir un diagnostic de certitude.

Si la méthode précédente n'aboutit pas à un diagnostic de certitude en raison de l'absence de têtes aspergillaires, la culture des prélèvements et la coloration spécifique des coupes histologiques se révèlent alors nécessaires. Des fragments d'organes lésés sont ensemencés sur un milieu de Sabouraud et mis à l'étuve quarante-huit heures à 37 C. Cette méthode permet de détecter la présence de mycéliums et de spores d'Aspergillus fumigatus.

Deux techniques histologiques de coloration sont utiles pour mettre en évidence les polysaccharides de la paroi des champignons. Avec la technique PAS (periodic acid-schiff), les hyphes apparaissent rouges sur un fond vert. L'imprégnation argentique de Gomori (Gomori's methenamine silver stains) fait apparaître les hyphes noirs sur un fond rose (éosine) ou vert (vert lumière).

La lutte contre l'aspergillose repose sur la prophylaxie sanitaire

Le pronostic de l'aspergillose est toujours mauvais. La mortalité peut être élevée, jusqu'à 50 % même chez des oiseaux adultes. En pratique, il n'existe aucune thérapie efficace en élevages avicoles. Aucun médicament n'a fait la démonstration de son efficacité vis-à-vis de l'aspergillose clinique. De plus, en l'absence de vaccins, la lutte contre cette mycose repose totalement sur la prophylaxie sanitaire. Cette dernière s'applique à l'environnement des animaux (bâtiments des reproducteurs et des descendants et les couvoirs). Une conception adaptée des locaux, ainsi que la maîtrise des facteurs d'ambiance, doivent contribuer à la suppression de la poussière le plus régulièrement possible.

De manière générale, pour prévenir efficacement l'aspergillose, il convient de nettoyer, de laver et de désinfecter avec un produit spécifique. En effet, la plupart des désinfectants aujourd'hui disponibles possèdent une activité médiocre contre les Aspergillus : – les ammoniums quaternaires présentent une activité variable contre les moisissures en général et contre Aspergillus spp. en particulier ;

– les glutaraldéhydes n'ont aucune efficacité contre Aspergillus spp. ;

– les composés phénoliques affichent une bonne activité contre Aspergillus spp., mais celle-ci est dépendante de la formulation et du composé choisi.

Une molécule antimycosique spécifique efficace est désormais disponible pour compléter le programme de désinfection habituellement appliqué : l'enilconazole. Il s'agit d'un dérivé des imidazoles dont l'activité antifongique repose sur une inhibition de la synthèse d'ergosterol, constituant majeur de la membrane cellulaire des levures et des champignons. A faibles doses, l'enilconazole modifie la perméabilité des membranes cellulaires. A des concentrations plus fortes, il devient fongicide et provoque une désagrégation des membranes cellulaires. L'enilconazole agit classiquement par diffusion, en étant en contact avec la spore après pulvérisation, mais aussi par phase gazeuse, ce qui permet à ce produit d'être actif sans nécessairement entrer en contact direct avec le champignon.

L'enilconazole est disponible sous deux types de présentation : en solution et en générateur de fumée. Ces composés sont indiqués dans le traitement des bâtiments d'élevage. Compte tenu d'une spécificité d'action sur Aspergillus fumigatus, ils sont particulièrement indiqués, seuls ou associés, pour traiter des surfaces en prévention de l'infestation aspergillaire et de l'aspergillose clinique chez les volailles.

  • (1) Voir La Semaine Vétérinaire n° 1361 du 22/5/2009 en page 46. La bibliographie de cet article ainsi que « la conduite à tenir en cas d'aspergillose clinique » sont consultables sur le site WK-Vet.fr

Formations e-Learning

Nouveau : Découvrez le premier module
e-Learning du PointVétérinaire.fr sur le thème « L’Épanchement thoracique dans tous ses états »

En savoir plus

Boutique

L’ouvrage ECG du chien et du chat - Diagnostic des arythmies s’engage à fournir à l’étudiant débutant ou au spécialiste en cardiologie une approche pratique du diagnostic électrocardiographique, ainsi que des connaissances approfondies, afin de leur permettre un réel apprentissage dans ce domaine qui a intrigué les praticiens pendant plus d’un siècle. L’association des différentes expériences des auteurs donne de la consistance à l’abord de l’interprétation des tracés ECG effectués chez le chien et le chat.

En savoir plus sur cette nouveauté
Découvrir la boutique du Point Vétérinaire

Agenda des formations

Calendrier des formations pour les vétérinaires et auxiliaires vétérinaires

Retrouvez les différentes formations, évènements, congrès qui seront organisés dans les mois à venir. Vous pouvez cibler votre recherche par date, domaine d'activité, ou situation géographique.

En savoir plus


Inscrivez-vous gratuitement à nos Newsletters

Recevez tous les jours nos actualités, comme plus de 170 000 acteurs du monde vétérinaire.

Vidéo : Comment s'inscrire aux lettres d'informations du Point Vétérinaire

Retrouvez-nous sur
Abonné à La Semaine Vétérinaire, retrouvez
votre revue dans l'application Le Point Vétérinaire.fr