Les zoonoses liées à la faune sauvage sont une menace croissante - La Semaine Vétérinaire n° 1361 du 22/05/2009
La Semaine Vétérinaire n° 1361 du 22/05/2009

Santé publique

Formation continue

FAUNE SAUVAGE ET NAC

Auteur(s) : Stéphanie Bourgeois

Leur prévention nécessite l’amélioration des outils de dépistage et le suivi épidémiologique d’espèces sauvages.

Les maladies infectieuses émergentes dans les populations humaines ont un retentissement important sur l’économie mondiale et la santé publique. L’analyse de plus de trois cents cas d’émergence d’agents pathogènes, survenus entre 1940 et 2004, a permis pour la première fois de comprendre l’évolution et la répartition mondiale des foyers de ces maladies(1). L’étude apporte la démonstration que la menace est réellement croissante et ne peut pas être imputable à la seule évolution des méthodes diagnostiques et des réseaux de surveillance. La majorité des maladies infectieuses émergentes sont des zoonoses (60,3 %), les agents pathogènes provenant de la faune sauvage dans plus de 70 % des cas. En outre, la contamination à partir de cette dernière est en constante augmentation. Les souches résistantes aux médicaments et les agents à transmission vectorielle sont les deux autres responsables majeurs de ces affections (respectivement 20,9 et 22,8 % des cas). L’étude montre en effet que les bactéries, qui produisent fréquemment des souches antibiorésistantes, sont les agents pathogènes à l’origine de plus de la moitié des maladies infectieuses émergentes.

Les recherches antérieures, qui incriminaient surtout les virus en raison de leur grande capacité de mutation, sous-estimaient la menace liée à l’antibiorésistance pour la santé publique. La multiplication des maladies vectorielles dans les années 90 a accompagné le changement climatique qui favorise le développement des arthropodes vecteurs.

L’émergence de souches résistantes dépend surtout de facteurs socio-économiques

L’étude de la répartition mondiale des cas de maladies infectieuses émergentes montre qu’elle est le résultat de déterminants socio-économiques (densité de population humaine, activités humaines), environnementaux (latitude, précipitations) et écologiques (richesse spécifique) dont l’importance varie selon l’origine de l’agent pathogène. Les cas de zoonoses provenant de la faune sauvage, qui représentent 52 % des événements de maladies infectieuses émergentes depuis 1990, sont corrélés au gradient latitudinal de biodiversité vers l’équateur. En revanche, la répartition des maladies infectieuses émergentes causées par des souches antibiorésistantes est surtout déterminée par des facteurs socio-économiques.

Le modèle prédit ainsi que l’Afrique tropicale, l’Amérique latine et l’Asie sont les “points chauds” pour l’apparition de maladies émergentes issues de la faune sauvage. Le risque significatif et croissant de l’émergence de maladies infectieuses zoonotiques liées à la faune sauvage est ainsi renforcé par une répartition inégale des réseaux de surveillance.

La recherche et la vigilance à l’égard de ces affections sont concentrées dans les pays développés d’Europe, d’Amérique du Nord, d’Australie et, dans une moindre mesure, d’Asie, tandis que les prochaines maladies infectieuses émergentes seront plus probablement originaires des pays du Sud.

Les changements de la planète influent sur le développement des agents pathogènes

Il est donc crucial de redistribuer la surveillance et de développer des programmes de monitoring de la santé des populations d’animaux sauvages, afin d’identifier de nouveaux agents pathogènes potentiellement zoonotiques. La prévision de ces dangers nécessite l’étude de la faune sauvage comme facteur de risque pour la santé de l’homme et de l’animal. Elle constitue un réservoir possible d’agents pathogènes, dont le risque d’émergence est accru par les changements globaux de la planète.

La détection précoce de maladies émergentes est difficile en raison des contraintes d’observation et de prélèvement des animaux sauvages. Une meilleure prévision et une prévention plus efficace des zoonoses émergentes passent donc par l’amélioration des outils de dépistage et par un développement du suivi épidémiologique d’espèces sauvages, certaines comme véritables facteurs de risque, d’autres comme espèces indicatrices.

Ces résultats montrent également l’importance de tenir compte de l’augmentation des contacts entre l’homme et la faune sauvage dans la prédiction des maladies infectieuses émergentes. Ils suggèrent aussi que la création d’aires protégées, en réduisant les activités humaines, a aidé à réduire le risque d’apparition de maladies infectieuses émergentes zoonotiques.

  • (1) K.E. Jones, N.G. Patel, M.A. Levy, A. Storeygard, D. Balk, J.L. Gittleman, P. Daszak : « Global trends in emerging infectious diseases », Nature, 21/2/2008, vol. 451, pp. 990-994.

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