Les thrombopénies sont surdiagnostiquées en raison d’erreurs analytiques ou préanalytiques - La Semaine Vétérinaire n° 1361 du 22/05/2009
La Semaine Vétérinaire n° 1361 du 22/05/2009

Hématologie féline

Formation continue

ANIMAUX DE COMPAGNIE

Auteur(s) : Lauren Figueres

Lors de numération plaquettaire, le frottis sanguin est indispensable pour vérifier les données de l’automate.

Les plaquettes sont des éléments sanguins anucléés formés par la fragmentation des mégacaryocytes. Elles interviennent dans l’hémostase primaire et, dans une moindre mesure, dans la coagulation plasmatique ou l’inflammation. Leur numération fait partie de l’hémogramme et la diminution de leur nombre (thrombopénie) ou, au contraire, leur augmentation (thrombocytose) peut fournir des indices importants dans le cadre de la démarche diagnostique.

La qualité du prélèvement conditionne le résultat

Pour réaliser un hémogramme représentatif de l’animal, le prélèvement doit être effectué dans de bonnes conditions. S’il est laborieux, le spécimen aura tendance à être hémolysé et à présenter des caillots. Les tubes EDTA sont les plus adaptés, ainsi que ceux qui contiennent des inhibiteurs plaquettaires dits CTAD (citrate, théophylline, adénosine et dipyridamole). Le site de prélèvement (veine jugulaire ou céphalique) ne semble pas influencer le résultat. Cependant, toute tranquillisation (y compris avec l’acépromazine) entraîne des modifications de l’hémogramme, en particulier les produits qui provoquent une splénomégalie. En outre, le temps entre le prélèvement et l’analyse doit être le plus court possible.

Les plaquettes du chat ont une morphologie particulière

Chez le chat, les plaquettes ont un temps de demi-vie de trente heures. Leur contour est “échevelé”. Elles sont théoriquement plus petites que les hématies. Leur taille est supérieure aux plaquettes du chien et avoisine donc celle des hématies. Elles ont tendance à s’agréger.

Ces deux particularités sont une source d’erreur d’interprétation par l’automate. Les appareils de type QBC (quantitative buffy coat) sont plus fiables que ceux à variation d’impédance pour estimer le nombre de plaquettes, car l’agrégation modifie peu le résultat. Les intervalles de référence sont difficiles à déterminer chez le chat (la littérature mentionne des valeurs différentes), même s’il est établi qu’ils sont souvent plus élevés que chez le chien, avec des valeurs qui vont de 200 000 à 800 000/mm3.

Les erreurs de diagnostic de thrombopénie par excès sont fréquentes

Une thrombopénie est évoquée chez le chat lorsque la numération plaquettaire est inférieure à 100 000/mm3, mais les signes cliniques apparaissent seulement en dessous de 30 000/mm3. Les fausses thrombopénies sont fréquentes et dues à des erreurs analytiques ou préanalytiques. La concordance entre la valeur affichée et le frottis sanguin doit donc toujours être vérifiée. Lors d’une thrombopénie marquée (inférieure à 30 000/mm3), des saignements spontanés peuvent être détectés, comme des pétéchies.

Une thrombopénie survient selon différents mécanismes. Elle peut être centrale, si elle résulte d’une baisse de la production médullaire, ou périphérique dans le cas d’une diminution du temps de demi-vie plaquettaire (consommation excessive par le système hémostatique, destruction mécanique ou immunitaire). La séquestration des plaquettes par la rate ou les vaisseaux périphériques constitue le troisième mécanisme qui conduit à une baisse de la concentration en plaquettes circulantes. Ces mécanismes peuvent coexister.

Les thrombopénies centrales sont souvent accompagnées de cytopénies

Les thrombopénies centrales s’accompagnent généralement d’anomalies des autres lignées médullaires (cytopénies ou anomalies morphologiques). La cause peut relever d’un phénomène infectieux : les virus de la leucose (FeLV) et de l’immunodéficience féline (FIV) sont le plus souvent cités, plus rarement le parvovirus de la panleucopénie. Parmi les causes toxiques, quelques médicaments sont réputés pour leur toxicité médullaire, en particulier les antimitotiques, ou encore la griséofulvine, qui sont à l’origine d’atteintes médullaires. Une réaction immunitaire peut être dirigée contre les mégacaryocytes eux-mêmes ou des antigènes présents à leur surface, entraînant une diminution de leur nombre. En outre, la cause peut être tumorale (moelle osseuse envahie par des cellules d’origine hématopoïétique ou, plus rarement, d’une autre origine).

Les thrombopénies périphériques sont en général dues à des maladies thrombosantes

Les thrombopénies périphériques du chat sont le plus souvent dues à une consommation accrue des plaquettes, qui peut se produire localement ou s’étendre à l’ensemble de l’organisme lors de coagulation intravasculaire disséminée (CIVD), de maladies thrombosantes (cardiopathies, péritonite infectieuse féline, hépatopathies, etc.). Les plaquettes peuvent aussi subir, mais beaucoup plus rarement que chez le chien, une destruction immunitaire auto-immune ou due à des néo-antigènes membranaires d’origine étrangère à l’organisme (médicaments, antigènes infectieux ou parasitaires).

Face à une thrombopénie chez un chat, le premier réflexe est donc de vérifier qu’il ne s’agit pas d’un artéfact. Si le frottis confirme le résultat obtenu à l’automate, il convient de regarder les autres paramètres de l’hémogramme, de rechercher la présence d’hémoparasites. Les commémoratifs et l’anamnèse peuvent orienter le diagnostic : le chat a-t-il été vacciné ou a-t-il reçu des médicaments durant les trois dernières semaines ? Quel est son statut FIV-FeLV ? Ensuite, l’absence d’hyperthermie, d’une masse, d’une splénomégalie est vérifiée. Les maladies infectieuses peuvent être recherchées. En outre, un bilan de coagulation et un myélogramme sont à entreprendre.

Une thrombocytose est observée dans 5 % des hémogrammes

Chez le chat, la thrombocytose, assez fréquente, est observée dans environ 5 % des hémogrammes effectués. Comme les thrombopénies, les thrombocytoses peuvent être artéfactuelles (par exemple, en cas de microcytose, des hématies sont parfois comptées comme des plaquettes par l’automate). Il convient donc, une nouvelle fois, de vérifier la concordance avec le frottis. Les vraies thrombocytoses sont plus fréquentes que les thrombopénies, mais sont rarement à l’origine de signes cliniques. Les thromboses et les hémorragies ne surviennent qu’en présence d’une concentration supérieure à un million de plaquettes par millimètre cube.

La thrombocytose est plus fréquente chez le chaton que chez l’adulte. Dans la plupart des cas, elle est liée à une affection sous-jacente (thrombocytose secondaire ou réactionnelle). Les causes rapportées sont inflammatoires, infectieuses et paranéoplasiques. Des cas de thrombocytose d’origine digestive, endocrinienne (hyperthyroïdie) ou iatrogène (azatioprine, doxorubicine) sont également observés. En outre, il existe un effet rebond consécutif à un épisode de thrombopénie (thrombocytose transitoire et modérée). Le déficit en fer, une cause fréquente de thrombocytose chez l’homme et le chien, ne semble pas affecter le chat.

Les thrombocytoses liées à une leucémie, qui atteint la lignée mégacaryocytaire, sont exceptionnelles. L’atteinte peut être aiguë (leucémie aiguë mégacaryocytaire ou LAM7) ou chronique (thrombocytose essentielle). En revanche, il est en effet possible d’observer des thrombocytoses lors de myélodysplasies ou d’hémopathies malignes dans lesquelles une stimulation importante réactionnelle des mégacaryocytes est notée.

Pour confirmer la thrombocytose sur le frottis, il faut compter plus de quarante plaquettes par champ au grossissement x 1000. Une fois la thrombocytose confirmée, l’importance clinique peut être évaluée par la prise en compte des autres anomalies de l’hémogramme, de l’anamnèse (animal stressé, administration récente de corticoïdes, traumatisme récent, etc.). Un bilan inflammatoire (protéines totales, albumine, électrophorèse), l’imagerie et un myélogramme peuvent être requis pour établir le diagnostic.

L’interprétation de la numération plaquettaire chez le chat est rendue difficile par la présence fréquente d’agrégats, c’est pourquoi un résultat en dehors de l’intervalle de référence doit être validé par un examen du frottis sanguin. S’il est confirmé, ce résultat est, le plus souvent, révélateur d’une affection sous-jacente qui peut être diagnostiquée à l’aide d’une démarche clinique rigoureuse. Néanmoins, les anomalies de la numération plaquettaire du chat sont moins importantes que chez le chien.

CONFÉRENCIÈRE

Cathy Trumel, maître de conférences en pathologie médicale à l’ENV de Toulouse.

Article tiré de la conférence « Thrombopénie, thrombocytose : conduite à tenir », présentée lors du congrès de médecine féline organisé par la section vétérinaire de la Société française de félinotechnie, en octobre 2008 à Lyon (Rhône).

À LIRE DANS Le Point Vétérinaire

• K. Savary-Bataille : « Conduite diagnostique face à une thrombopénie », PV n° 240, novembre 2003.

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