L’eau est un aliment simple, mais surtout un facteur de réussite dans l’élevage des veaux

Dans les étables, les veaux ont souvent un accès insuffisant à l’eau. L’abreuvoir peut être absent, condamné, inaccessible ou inadapté. L’eau est pourtant essentielle au développement du veau, dès les premiers jours de vie. L’étude d’A.F. Kertz⁽¹⁾ est sans appel : un veau qui ne dispose pas d’eau dans le premier mois de vie voit son gain moyen quotidien (GMQ) diminuer de 38 % et sa consommation de concentré baisser de 31 %.

Dès la première semaine, le lait ne couvre pas les besoins en eau du veau. Proportionnels à la quantité de matière sèche (MS) ingérée, ces derniers passent de 6,5 l/kg de MS les quatre premières semaines à 3,33 l/ kg de MS dès la sixième semaine. Une génisse laitière boit plus d’eau que de lait dès la huitième semaine (^{voir graphique}). Le comité permanent du Conseil de l’Europe a ainsi adopté des dispositions spéciales pour les veaux, le 8 juin 1993. Il prévoit, dès l’âge de deux semaines, un accès à l’eau en quantité suffisante et d’une qualité adéquate.

Les veaux ont des besoins qualitatifs différents de ceux des adultes

En termes bactériologiques, les exigences des veaux sont supérieures à celles des adultes. Si une vache tolère une eau souillée par quinze à cinquante bactéries coliformes totales et dix bactéries coliformes fécales pour 100 ml, la contamination ne peut dépasser une bactérie de chaque type pour un veau. Même si cela semble peu réalisable, Isabelle Veissier, de l’Institut national de la recherche agronomique, considère qu’il faut atteindre zéro bactérie (coliformes totales, coliformes fécales, streptocoques, staphylocoques, salmonelles) et moins d’une spore de Clostridium pour 20 ml d’eau⁽²⁾.

Pour la qualité chimique, alors que l’adulte peut supporter 1 000 mg/l de sulfates, le veau demande des concentrations inférieures à 600 mg/l. Tout excès de sulfates perturbe le métabolisme des oligo-éléments et entraîne des carences secondaires en cuivre, en fer, en zinc, en manganèse et en sélénium. Les concentrations de sulfates supérieures de 1 000 mg/l peuvent également causer des carences en thiamine (polio-encéphalomalacie). Chez l’homme, une teneur comprise entre 0 et 250 mg de sulfates par litre d’eau est recommandée.

Les bactéries du rumen transforment les nitrates en nitrites, réduisant les capacités de transport de l’oxygène sanguin. Pour le veau, il ne faut pas dépasser 20 mg d’azote et 130 mg de nitrates par litre. Tout excès provoque de la diarrhée, des coliques et des difficultés respiratoires.

Pour la matière totale dissoute (MTD), qui exprime la quantité de minéraux dans l’eau (chlorure de calcium, calcium, bicarbonates, sulfate, magnésium), le seuil maximal est de 5 000 mg/l chez le veau et les vaches gravides et de 7 000 mg/l chez les vaches vides. Un excès provoque des diarrhées.

L’eau participe à la mise en place de la flore ruminale et à la régulation du pH sanguin

Comme le lait ne couvre pas les besoins en eau du veau, il a soif en l’absence de système d’abreuvement correct. Sa consommation de lait se trouve modifiée. L’ingestion se fait de façon précipitée et dépasse les capacités de fermeture de la gouttière œsophagienne. Sans eau, les veaux risquent des troubles digestifs, à cause du lait qui tombe dans le rumen.

Le développement ruminal des veaux est lié à la consommation de concentré et de foin. Le milieu ruminal nécessite une hydratation minimale pour le développement de la microflore qui ne peut être assurée par l’allaitement, car le lait va directement dans la caillette. Ainsi, l’eau participe à la mise en place de la flore ruminale.

Avant quatre mois, le veau est incapable de réguler l’acidose ruminale avec une production de salive adéquate. L’eau est essentielle pour la régulation du pH sanguin. De même, lors d’entérite, l’acidose associée est d’autant mieux régulée que l’animal a accès à l’eau. Elle permet également de minimiser les effets de la déshydratation. L’une des premières causes de mortalité des veaux souffrant de diarrhée est l’insuffisance cardiaque consécutive à la déshydratation.

Un excès de sel est souvent observé chez les veaux nourris avec des sous-produits de laiterie. L’eau leur permet alors de réguler leur natrémie.

L’accès à l’eau ne doit pas être permis dans la demi-heure qui suit l’allaitement. Si les adultes préfèrent un bac à niveau constant ou des abreuvoirs à palette, un abreuvoir à poussoir est recommandé pour les veaux. L’usage des tétines est à proscrire, afin d’éviter une arrivée d’eau directement dans la caillette, ce qui entraînerait alors des reflux vers le rumen. La hauteur de l’abreuvoir ne doit jamais dépasser 50 cm et la fréquence de nettoyage sera quotidienne.

• (1) A.F. Kertz, L.F. Ruettzel et J.H. Mahoney : « Ad libitum water intake by neonatal calves and its relationship to calf starter intake, weight gain, feces score and season », J. Dairy Science, 1984, n° 67, pp. 2964-2969.

• (2) Le veau de boucherie : concilier bien-être animal et production, paru aux éditions de l’Inra.