Un test totalement fiable pour les cas précoces de maladie de Cusching n'existe pas - La Semaine Vétérinaire n° 1360 du 15/05/2009
La Semaine Vétérinaire n° 1360 du 15/05/2009

Endocrinologie

Formation continue

ÉQUIDÉS

Auteur(s) : Isabelle Desjardins

Les chevaux atteints du dyfonctionnement de la pars intermedia de l'hypophyse sont généralement âgés de sept à quarante ans, avec une moyenne de vingt ans. Les poneys sont plus souvent touchés.

La maladie de Cushing, ou dysfonctionnement du lobe intermédiaire de l'hypophyse, est l'une des affections les plus fréquentes chez le cheval âgé, avec une incidence de 0,0075 à 1,5 %. Il n'existe pas de prédisposition de sexe ni de race, bien que la prévalence soit supérieure chez les poneys.

Les signes cliniques résultent d'une combinaison de l'augmentation des peptides circulants dérivés de la proopiomélanocortine (POMC) et de la perte de fonction neuro-endocrinienne des tissus adjacents (voir encadrés).

Outre la détection de symptômes caractéristiques, le diagnostic repose sur la mise en évidence d'anomalies endocriniennes. Mais il n'est pas si simple qu'il y paraît. Depuis dix ans, l'utilité diagnostique de certains tests est remise en cause et d'autres sont proposés.

Lors d'hirsutisme avéré, le recours aux tests endocriniens est rarement utile pour l'aspect diagnostique en tant que tel. L'utilité réside plutôt dans une mesure objective de la réponse au traitement pharmacologique institué, pour l'ajustement de la posologie.

De la difficulté d'établir un diagnostic précocement

La problématique diagnostique se pose essentiellement pour les chevaux dont la maladie est précoce, chez lesquels les signes cliniques sont limités à absents, peuvent être confondus avec les signes naturels du vieillissement, ou encore avec une autre affection (syndrome métabolique, par exemple). Un test à la fois sensible et spécifique est donc souhaitable.

Le test ante-mortem de suppression à la dexaméthasone (TSD) reste le plus validé par divers travaux de recherche. Pendant plus de vingt ans, il a été considéré comme le test de référence pour cette maladie. Toutefois, sa sensibilité et sa spécificité de 100 % ne sont valables que lors de maladie avancée (signes cliniques avérés). Or d'après des études récentes, les résultats faux négatifs semblent fréquents en début d'évolution de la maladie, parfois même quand l'hirsutisme est présent.

La saison doit être prise en compte pour l'interprétation de ce test. En effet, des faux positifs se produisent dans environ 40 % des cas lorsqu'il est entrepris en automne. La période exacte n'est pas déterminée, mais dépendrait de la longueur du jour. Ainsi, le TSD est déconseillé à partir du mois d'août. A l'inverse, un cheval qui présente un résultat négatif à ce test en automne a peu de chances d'être atteint d'un dysfonctionnement de la pars intermedia de l'hypophyse.

En pratique, le TSD présente l'inconvénient de nécessiter deux déplacements : un pour prélever du sang pour le dosage du cortisol basal et administrer la dexaméthasone, et un autre dix-neuf à vingt-quatre heures plus tard pour un prélèvement sanguin. En outre, certains praticiens sont réticents vis-à-vis de ce test en raison des risques d'aggravation ou d'apparition de fourbure à la suite de l'administration de corticostéroïdes. Ce risque serait faible à nul, d'après plusieurs expérimentations conduites chez plus de cent cinquante chevaux atteints de dysfonctionnement de la pars intermedia de l'hypophyse et de fourbure pour lesquels aucune exacerbation n'a été enregistrée.

La saison influence le test de dosage à l'ACTH plasmatique

Le deuxième test le plus employé en pratique est le dosage de l'adrenocorticotrophin hormone (ACTH) plasmatique. Il présente l'avantage de nécessiter un seul prélèvement, sans injection de substance à l'animal.

Pourtant, il a été récemment montré que, en début d'évolution du dysfonctionnement de la pars intermedia de l'hypophyse, le dosage de l'ACTH plasmatique est peu sensible. De nombreux résultats faussement négatifs sont répertoriés. Dans une étude sur quatre-vingt-quinze chevaux avec des signes cliniques évocateurs et dont le test de suppression à la dexaméthasone était positif, 76 % d'entre eux accusent une hausse de la concentration sanguine en ACTH.

Parfois, le dosage de l'ACTH est positif, alors que le test TSD est négatif, ce qui suggère qu'occasionnellement, ce dosage peut mettre en évidence des cas non diagnostiqués par le test de suppression à la dexaméthasone.

Contrairement aux autres espèces, l'ACTH équine est relativement stable et la concentration du prélèvement n'est pas altérée dès lors que le plasma est séparé dans les huit heures qui suivent le prélèvement. Les tubes en verre n'altèrent pas non plus les résultats. Lorsque l'anticoagulant est l'acide éthylène diamine tetra-acétique (EDTA), la concentration en ACTH n'est pas modifiée avant douze heures, entre le prélèvement et la séparation du plasma, lorsque le tube est réfrigéré. Il est généralement préférable de congeler le plasma jusqu'à l'analyse au laboratoire.

La saison à laquelle le prélèvement est réalisé influence aussi les résultats du dosage. En septembre, le taux de faux positifs chez des chevaux et poneys américains dépassait les 90 % ! Il est recommandé d'effectuer le test entre fin novembre et mi-juin. A l'inverse, si un cas suspect de dysfonctionnement de la pars intermedia de l'hypophyse présente une concentration plasmatique normale en ACTH entre août et novembre, cette maladie peut être exclue à toutes fins pratiques.

Le test de stimulation à la TRH a également des limites

Le test de stimulation à la thyrotropin-releasing hormone (TRH) est dynamique et ne nécessite qu'un seul déplacement. Une augmentation de 30 % du cortisol sanguin trente minutes après l'injection intraveineuse de 1 mg de TRH est considérée comme diagnostique pour le dysfonctionnement de la pars intermedia de l'hypophyse. Toutefois, ce test n'a été validé que sur un petit nombre de chevaux. De plus, une étude chez des chevaux sains a montré une réponse faussement positive à ce test effectué entre mi-novembre et mi-juin. L'ajustement statistique des valeurs seuils de positivité sur un plus grand effectif est nécessaire.

En outre, l'inconvénient majeur est la difficulté de se procurer la TRH en pratique courante.

Déterminer le rythme circadien de sécrétion du cortisol est proposé

La détermination du rythme circadien de sécrétion du cortisol pourrait être utile dans le diagnostic du dysfonctionnement de la pars intermedia de l'hypophyse. Chez des chevaux sains, le respect de ce rythme suggère que la cortisolémie matinale (huit heures) serait 30 % plus élevée que la cortisolémie de l'après-midi (seize heures). Toutefois, cette donnée n'a pas été vérifiée par une étude chez des chevaux cliniquement normaux, avec des prélèvements sanguins pour doser le cortisol effectués toutes les quatre heures pendant vingt-quatre heures.

La mesure de l'insuline basale après une période de jeûne n'est pas non plus un test diagnostique fiable, bien que de 25 à 75 % des cas présentent une insulino-résistance. En effet, plusieurs autres maladies peuvent engendrer une augmentation de l'insulinémie basale, dont le syndrome métabolique équin. Ce dosage est plutôt conseillé dans un cadre pronostique, car une concentration basale normale est associée à un meilleur taux de survie.

Les chevaux atteints du dysfonctionnement de la pars intermedia de l'hypophyse sécrètent des quantités anormalement élevées de peptides POMC. Il est suggéré que le dosage d'α-MSH pourrait être corrélé à la présence de cette affection. Toutefois, ce dosage chez des chevaux sains montre des variations saisonnières significatives, rendant son exploitation difficile. En effet, une concentration plus élevée qu'au printemps est présente physiologiquement en septembre chez les poneys et les chevaux. De plus, des variations de l'α-MSH sont rapportées selon l'indice corporel (état d'embonpoint). En outre, ce test n'est pas commercialement disponible.

Un essai récent de test à la dompéridone reste à valider

Le test à la dompéridone, un antagoniste dopa-minergique administrable per os, vient d'être exploré. Chez les chevaux sains, son administration ne modifie pas la concentration en ACTH plasmatique. En revanche, chez ceux atteints de dysfonctionnement de la pars intermedia de l'hypophyse, la concentration en ACTH augmente. Mais la sensibilité et la spécificité de ce test, sur un grand nombre de chevaux sains et malades, n'ont pas encore fait l'objet d'une publication.? Il reste de même à explorer l'influence potentielle des saisons.

Il n'existe donc pas encore de test complètement fiable pour détecter les cas précoces de dysfonctionnement de la pars intermedia de l'hypophyse chez le cheval. Le praticien doit connaître les qualités et les limites des tests, l'impact de la saison sur les paramètres endocriniens, sans hésiter à répéter ou à combiner plusieurs techniques pour préciser son diagnostic en l'absence d'éléments cliniques suffisants.

  • Sources : D. MacFarlane : « Diagnosing equine pituitary pars intermedia dysfunction in ambulatory practice » et N.T. Messer, P.J. Johnson, V.K. Ganjam : « Diagnosis of pituitary pars intermedia dysfunction : a review of 1999 versus 2008 », proceedings du 54e congrès de l'AEEP, décembre 2008, San Diego, Californie (Etats-Unis).

Le mécanisme endocrinien

Le dysfonctionnement de la pars intermedia de l'hypophyse consiste en une hyperplasie qui résulte de la perte du contrôle inhibiteur dopaminergique de l'hypothalamus sur l'hypophyse.

C'est la conséquence de la destruction par un processus de stress oxydatif des neurones dopaminergiques. La pars intermedia demeure active et sécrète de grandes quantités de peptides POMC (proopiomélanocortine), soit la MSH (melanocyte stimulating hormone), le CLIP (corticotrophin like intermediate lobe peptide) et les Β-endorphines, ainsi qu'une petite quantité d'ACTH (adrénocorticotropine), dans la circulation périphérique. Les chevaux atteints montrent une concentration plasmatique augmentée en ACTH par rapport aux témoins et ne répondent pas au rétrocontrôle négatif des glucocorticoïdes sur la sécrétion d'ACTH. La MSH et les Β-endorphines sont capables de multiplier par six les propriétés stéroïdogènes de l'ACTH. Par conséquent, une petite hausse de l'ACTH couplée à une grande quantité de peptides potentialisateurs de l'ACTH stimulent la stéroïdogenèse surrénalienne, entraînant une augmentation de la production de cortisol et la perte du rythme circadien de sécrétion de celui-ci.

I. D.

Les signes cliniques

Le dysfonctionnement du lobe intermédiaire de l'hypophyse chez le cheval est une maladie lente et progressive qui est classiquement caractérisée par l'apparition d'un pelage excessivement long et bouclé (hirsutisme). Toutefois, la présentation clinique est très variable. Si l'hirsutisme est assez spécifique de cette affection, il n'est pas toujours présent ou détectable (cheval tondu l'hiver).

Les autres signes sont frustes ou non spécifiques, et pas systématiques (hyperhydrose, fourbure chronique, amaigrissement, amyotrophie généralisée, abdomen ballonné, docilité, polyphagie, polyuro-polydyspie, infections chroniques, retard à la cicatrisation des plaies, etc.). En outre, des cas de la maladie (diagnostic post-mortem) sont rapportés chez des chevaux d'âge moyen qui ne présentaient aucun signe clinique évident.

I. D.

À LIRE DANS Pratique vétérinaire équine

• X. d'Ablon : « Le diagnostic biologique du dysfonctionnement du lobe intermédiaire de l'hypophyse », PVE n° 151, 2006.

• I. Desjardins et coll. : « Les maladies systémiques à expression dermatologique chez le cheval », PVE n° 159, 2008.

• C. Robert et coll. : « Un cas d'adénome surrénalien chez un cheval », PVE n° 152, 2006.

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