Les maladies vectorielles font et vont encore faire mouche - La Semaine Vétérinaire n° 1355 du 10/04/2009
La Semaine Vétérinaire n° 1355 du 10/04/2009

Pathologie bovine et zoonoses. Journée d'actualités à l'ENV d'Alfort

Actualité

Auteur(s) : Nathalie Devos

Transmises par des moucherons, moustiques ou tiques, elles sont dans l'air du temps. Le réchauffement climatique et l'activité anthropique favorisent leur dissémination.

Animales ou humaines, les maladies vectorielles ont malheureusement le vent en poupe, comme l'a confirmé la journée d'actualités en pathologie bovine, organisée par Jeanne Brugère-Picoux et Karim Adjou à l'ENV d'Alfort, le 1er avril dernier. En cause, la perturbation des écosystèmes des vecteurs, qui a deux principales origines, selon Ali Bouattour (institut Pasteur de Tunis). En premier lieu, le réchauffement climatique va générer à la fois des sécheresses et des inondations. Or la raréfaction des pluies – qui entraîne l'apparition de petites collections d'eau lors de l'assèchement des rivières ou encore la multiplication des réservoirs de stockage par l'homme – augmente les gîtes pour des arthropodes vecteurs de maladies comme certains moustiques et moucherons. La hausse de température (vers un niveau optimal pour le vecteur) raccourcit leur cycle de développement et allonge leur période d'activité. Les inondations, elles, peuvent entraîner les larves de vecteurs vers d'autres biotopes. L'action anthropique (carburants fossiles, élevage, déforestation) crée un effet de serre additionnel. A cela s'ajoutent la mondialisation et l'augmentation des échanges qui multiplient les risques. Par exemple, les importations de pneus sont à l'origine de l'introduction aux Etats-Unis et en Europe, au début des années 90, du moustique Aedes albopictus, vecteur de la dengue en Asie du Sud. Il y a donc lieu, selon notre confrère, de développer les systèmes d'information géographique de surveillance des vecteurs et de les modéliser.

« La blue tongue est originaire d'Afrique… pour longtemps encore ! »

Du côté des maladies animales, Lazare Tano (Merial) a souligné qu'avant sa découverte en 1943 à Chypre, la fièvre catarrhale ovine, transmise par les moucherons du genre Culicoides, n'était connue qu'en Afrique. Elle y est endémique depuis plusieurs décennies. Sur les vingt-quatre sérotypes connus de la maladie, six circulent dans le nord du continent (1, 2, 4, 8, 9, 16) et vingt-deux (exceptés le 20 et 21) en Afrique subsaharienne. Les antilopes constituent aujourd'hui le principal réservoir et les espèces cibles sont surtout les races améliorées de moutons. Notre confrère a insisté sur le fait qu'en Afrique, le climat est particulièrement favorable au vecteur. En outre, les spécificités économiques et structurelles conduisent à rendre illusoire l'éradication de la fièvre catarrhale ovine. Selon Lazare Tano, l'Afrique restera donc, longtemps encore, le réservoir de la maladie pour d'autres pays. Les études épidémiologiques montrent en effet qu'elle s'est répandue de ce continent vers des latitudes de plus en plus hautes.

A ce sujet, Stephan Zientara (Afssa de Maisons-Alfort) a rappelé que jusqu'en 1998, la fièvre catarrhale ovine était considérée comme une maladie exotique. Depuis, huit sérotypes (1, 2, 4, 6, 9, 11, 16 et 8) circulent en Europe. L'introduction sur le sol européen, en août 2006, du sérotype 8, qui touche de façon inhabituelle cliniquement les bovins, reste non élucidée. Selon notre confrère, l'extension rayonnante de ce sérotype 8 à dix pays membres en deux ans traduit l'installation de la maladie en Europe. En outre, « il n'est pas impossible qu'une espèce de Culicoides permette une transmission verticale du virus de la fièvre catarrhale ovine. La question reste aussi posée de savoir si les différents sérotypes peuvent se réassortir ensemble et aboutir à un nouveau virus ».

Les aires de répartitions des tiques sont fortement corrélées au climat

Lénaïg Halos (ENV d'Alfort) a rappelé que chaque espèce de tique est inféodée à un biotope particulier (température, hygrométrie, couverture végétale) qui détermine sa distribution géographique. Il existe donc des zones à risque pour les maladies qu'elles peuvent transmettre. En France métropolitaine, cinq espèces de tiques dures parasitent les ruminants : Ixodes ricinus, Dermacentor marginatus, Dermacentor reticulatus, Rhipicephalus bursa et Haemaphysalis punctata. En France, les principales maladies transmises par les tiques aux ruminants sont les babésioses bovines à Babesia divergens et à B. major et les anaplasmoses à Anaplasma phagocytophilum et à A. marginale. Les tiques sont aussi le vecteur d'agents pathogènes pour l'homme (babésiose, anaplasmose maladie de Lyme, fièvre Q).

Sur l'île de La Réunion, une enquête réalisée au début de l'année a révélé une prévalence sérologique de 20 % pour A. marginale, de 32 % pour B. bigemina et de 28 % pour B. bovis (données 2004) chez les bovins, a indiqué, pour sa part, notre confrère Christophe Jammes. Selon une autre étude menée de 2000 à 2004, les hémoparasitoses étaient la première cause de mortalité chez les bovins sur l'île (16,5 %).

Le dépistage de l'anaplasmose bat de l'aile faute de financement

Guy Joncour, praticien à Callac-de-Bretagne, a insisté sur le fait que l'ehrlichiose granulocytaire bovine est sous-diagnostiquée en France. Cette affection est due à A. phagocytophilum, un agent zoonotique transmis principalement par les tiques du genre Ixodes. Une étude sur sept ans, initiée en 1999 par le Groupement technique vétérinaire des Côtes-d'Armor, a mis en évidence la présence d'A. phagocytophilum dans 79 départements métropolitains. 60 foyers bovins, 12 équins, 5 chez les ongulés sauvages et 2 cas humains étaient recensés au 1er décembre 2006. Aussi appelée maladie des gros paturons, fièvre des pâtures, fièvre à tiques, il s'agit d'un syndrome grippal estival pour lequel la vache pourrait servir de sentinelle pour la santé humaine, estime Guy Joncour.

Cette sous-diagnostication est principalement corrélée à un manque de financement pour le diagnostic de laboratoire. Même son de cloche du côté de la médecine humaine : « L'incidence des maladies vectorielles à tiques s'est accrue dans la Meuse depuis le milieu des années 90 », indique Jean-Claude George, médecin généraliste à Souilly. Depuis 1998, sur les 1 500 patients de son cabinet, 2 cas d'anaplasmose granulocytaire, 3 de coxiellose, 6 de bartonellose, 10 de rickettsiose et 60 cas de maladie de Lyme ont été diagnostiqués. Mais pour des raisons budgétaires, il n'a pas été possible de tester les porteurs asymptomatiques du syndrome grippal estival dû aux tiques. Ainsi, les maladies vectorielles à tiques chez l'homme sont largement sous-évaluées en France. Seule la maladie de Lyme fait l'objet d'une surveillance renforcée des autorités sanitaires. « Pourtant, il est probable que, dans les années à venir, de plus en plus de personnes seront exposées aux morsures de tiques, prévient Jean-Claude George. En outre, les médecins sont insuffisamment formés aux maladies vectorielles à tiques et, à ce titre, ont besoin des vétérinaires dans ce domaine. »

« L'introduction en Europe de la fièvre de la vallée du Rift est une question de temps »

La fièvre de la vallée du Rift, une arbovirose zoonotique, a également retenu l'attention. « Elle sévit dans une grande partie de l'Afrique subsaharienne, en Egypte et dans la péninsule arabique. En 2000, la première apparition de foyers à l'extérieur du continent africain, en Arabie Saoudite et au Yémen, a démontré la capacité de cette maladie à se propager vers d'autres continents, a expliqué Jean-Lou Marié (vétérinaire en chef, Marseille Armées). Une étape intermédiaire de l'introduction du virus en Europe, qui surviendra inéluctablement, pourrait être les îles de la Méditerranée ou le Maroc. » La transmission de la fièvre de la vallée du Rift chez les animaux (surtout les ovins, caprins, bovins et camélidés) est essentiellement vectorielle, par le biais de moustiques (Aedes, Culex, Mansonia, etc.), mais aussi via des Culicoides et des mouches hématophages. A cet égard, une étude montre que les Culex pupiens constituent des vecteurs compétents dans le sud de la France.

Chez les animaux, la maladie se traduit par de la fièvre, une hépatite et un taux d'avortements élevé. La mortalité peut atteindre 30 % chez les adultes et 100 % chez les jeunes. La transmission humaine de la fièvre de la vallée du Rift survient principalement par contact avec du sang, des sécrétions et des tissus d'animaux infectés, mais peut également résulter de piqûres de moustiques. La forme bénigne est un syndrome pseudo-grippal, les cas graves sont des atteintes oculaires et des méningo-encéphalites.

En fin de journée, Sébastien Buczinski et Anne-Marie Bélanger (faculté vétérinaire de Saint-Hyancinthe, Canada) ont présenté respectivement la démarche clinique pratique à adopter lors d'anémies bovines (dont l'une des causes peut être l'hémolyse provoquée par la babésiose, l'anaplasmose ou encore l'ehrlichiose) et la méthode de transfusion sanguine chez les bovins.

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