L’implantation intra-abdominale d’émetteurs radio est tentée chez la loutre marine - La Semaine Vétérinaire n° 1353 du 27/03/2009
La Semaine Vétérinaire n° 1353 du 27/03/2009

Suivi télémétrique au Chili

Formation continue

FAUNE SAUVAGE ET NAC

Auteur(s) : Marie Sigaud

Cette technique peut sembler invasive, mais elle se justifie pour assurer le suivi d’espèces sauvages dont l’observation est particulièrement délicate.

La loutre marine (Lontra felina) vit le long de la côte Pacifique de l’Amérique du Sud, depuis le nord du Pérou jusqu’au Cap Horn, au Chili. Aussi appelée “chat de mer”, il s’agit de la plus petite représentante de son genre. Son poids est en effet compris entre 3 et 5 kg. Il convient de ne pas la confondre avec la loutre de mer (Enhydra lutris), localisée dans le Pacifique nord, beaucoup plus massive (certains mâles peuvent dépasser 40 kg). La loutre marine est classée en danger d’extinction sur la liste rouge des espèces menacées de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN). Le nombre exact d’individus en liberté est inconnu, mais certainement voisin de quelques milliers seulement. Selon les estimations fondées sur le taux de déclin actuel, cette population risque de diminuer de moitié d’ici à trente ans si aucune mesure de conservation concrète n’est instaurée pour contrecarrer les menaces qui pèsent sur l’espèce. La destruction de son habitat, la pollution et le braconnage sont les dangers majeurs. La loutre marine a déjà quasiment disparu de certaines régions. Les connaissances sur sa reproduction, l’utilisation de son habitat et son régime alimentaire sont partielles et insuffisantes. Or ce type d’informations est essentiel pour la mise en place d’un plan de conservation efficace. Mais l’observation directe de ces animaux marins est difficile. Ils évoluent rarement au sol et s’abritent dans des terriers rocheux bien enfouis (les loutres peuvent passer près de 80 % de leur temps à l’abri dans leur refuge). La différenciation des mâles et des femelles est par ailleurs malaisée, car le dimorphisme sexuel est presque inexistant dans cette espèce.

Un abord par la ligne blanche, cranialement à l’ombilic, permet d’insérer les émetteurs

La pose de harnais munis d’émetteurs, ainsi que l’implantation sous-cutanée d’émetteurs a été utilisée dans le passé pour le suivi de certaines espèces. Mais le corps fuselé des loutres et leur propension à se faufiler dans des espaces étroits ont conduit à abandonner ces techniques potentiellement dangereuses (blessures, noyade par accrochage du harnais, etc.).

Une équipe de l’université Andrès Bello de Santiago, au Chili, a expérimenté le suivi télémétrique chez la loutre marine, en implantant directement les émetteurs dans la cavité abdominale. Cette technique a déjà été employée à plusieurs reprises chez les loutres, mais également chez d’autres espèces. Dans un premier temps, les scientifiques ont eu recours à de petits émetteurs rectangulaires et plats de 15,3 g. Cela représente une surcharge inférieure à 0,5 % du poids total de la loutre marine, un taux en accord avec les recommandations usuelles. En effet, d’après ces dernières, le poids supplémentaire imposé à un individu ne doit pas excéder 5 % de sa masse totale.

Entre mai et juillet 2004, l’équipe a capturé six adultes à l’aide de pièges, avant de les anesthésier avec une association de kétamine et de médétomidine. Chacune des loutres est conduite au centre de recherche Marine Quintay de l’université Andrès Bello et maintenue en captivité pendant deux semaines, afin de s’assurer de sa bonne santé et d’une adaptation correcte à son environnement provisoire. A l’issue de ce délai, les loutres sont préparées pour l’intervention chirurgicale. Les auteurs utilisent un abord par la ligne blanche, cranialement à l’ombilic, dans le but d’éviter au maximum tout traumatisme de la plaie, contrairement à un abord par le flanc décrit dans la littérature. Une incision relativement petite de 4 cm est pratiquée pour insérer l’émetteur dans la cavité abominable, cranialement à l’incision. Avant leur implantation, les appareils sont mis à tremper pendant quarante minutes dans une solution de chlorexidine à 2 %, puis rincés abondamment avec une solution de NaCl à 0,9 %.

Après la mise en place de l’émetteur, les loutres sont maintenues en captivité jusqu’à la cicatrisation complète de la plaie d’incision. Celle-ci est rincée quotidiennement avec de la povidone iodée. Une couverture antibiotique est, en outre, instaurée par voie orale pendant le séjour en captivité. Les loutres reçoivent également un antiparasitaire externe pour éviter la dissémination éventuelle de parasites rencontrés en captivité. A l’issue d’une dizaine de jours, quand la cicatrisation est complète, elles sont relâchées sur leur lieu de capture.

Une fois les loutres de retour dans la nature, un suivi régulier par télémétrie a lieu sur des distances de 100 m à plus de 1 km, soit un total de quelque trois mille cinq cents radiolocalisations avant que les transmetteurs cessent d’émettre. Pendant ce suivi, aucune modification de comportement ne semble indiquer une gêne causée par les émetteurs. En revanche, ces derniers arrêtent de fonctionner bien avant le temps indiqué par le constructeur. L’émission dure de soixante-trois à cent quarante-deux jours au lieu des deux cent quarante garantis par le fabricant.

Au final, même si le recours à l’implantation intra-abdominale d’émetteurs radio peut paraître particulièrement invasif, cette méthode est justifiée pour le suivi de certaines espèces délicates à observer et dont la préservation exige la collecte d’informations sur leur mode de vie.

Les loutres et leurs spécialistes

Les loutres composent la sous-famille des Lutrinea, qui appartient à la famille des Mustélidés, de même que les blaireaux, les furets ou encore les belettes. Il existe treize espèces de loutres. Toutes vivent en eaux douces, à l’exception de deux d’entre elles (la loutre marine et la loutre de mer).

Les loutres ont un métabolisme élevé et doivent s’alimenter en quantité et régulièrement pour maintenir leur température corporelle dans l’eau froide. La plupart sont menacées, voire en danger, d’après les critères de l’UICN.

En outre, elles sont particulièrement sensibles aux dégradations de l’environnement comme la pollution.

Depuis 1974, un groupe de spécialistes dédié aux loutres existe au sein de la commission de sauvegarde des espèces de l’UICN. L’un de ses objectifs est de constituer un point central pour la conservation de l’ensemble des espèces de loutres, en garantissant la validité et la mise à jour des informations relatives à leur statut et à leurs besoins.

M. S.

POUR EN SAVOIR PLUS

• C. Soto-Azat, F. Boher, M. Fabry, P. Pascual, G. Medina-Vogel : « Surgical implantation of intra-abdominal radiotransmitters in marine otters (Lontra felina) in Central Chile », Journal of Wildlife Diseases, 2008, vol. 44, n° 4, pp. 979-982.

• www.iucnredlist.org

• www.otterspecialistgroup.org

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