Les ruminants sélectionnent un régime qui répond à leurs besoins nutritionnels

En élevage d’herbivores, la qualité des produits, le bien-être animal, la préservation de l’environnement et le coût des matières premières sont autant de points à concilier avec l’efficacité des productions. Dans ce sens, « l’augmentation de la part de l’herbe dans l’alimentation animale et la valorisation de l’herbe pâturée constituent des pistes privilégiées », a souligné Cécile Ginane, de l’Institut national de la recherche agronomique de Saint-Genès-Champanelle (Puy-de-Dôme).

Le comportement alimentaire des herbivores au pâturage permet de déterminer les quantités et la nature des végétaux ingérés, ce qui affecte directement leurs performances, ainsi que la composition et la structure des prairies. L’éthologie, c’est-à-dire l’étude du comportement animal, « offre des leviers d’action aux éleveurs pour orienter le comportement alimentaire des animaux en regard de leurs attentes ».

Une offre alimentaire diversifiée stimule l’ingestion

Les animaux sélectionnent les végétaux selon leurs préférences, mais aussi leur accessibilité. La consommation varie durant la journée et les ruminants manifestent une préférence accrue vis-à-vis de l’espèce végétale qu’ils n’ont pas pâturée depuis quelques semaines. Ils augmentent également leur ingestion lorsqu’ils ont le choix entre au moins deux variétés de fourrage au lieu d’une seule. Ainsi, une offre alimentaire diversifiée dans le temps et dans l’espace stimule l’ingestion, que ce soit à l’auge ou en changeant les animaux de zone de pâturage.

La préférence pour les zones d’herbe végétative, par rapport aux zones d’herbe épiée de plus faible digestibilité, est plus marquée chez les femelles en lactation que chez les femelles taries. Les animaux sélectionnent un régime qui répond à leurs besoins nutritionnels. Ils perçoivent « les conséquences de nature énergétique, protéique ou liées à l’encombrement physique des aliments et modifient leurs choix alimentaires en conséquence ». Une étude⁽¹⁾ montre ainsi que les agneaux qui ont le choix entre plusieurs aliments préfèrent celui qui est riche en orge quand leur régime de base est riche en protéines et vice versa.

La mémorisation chez les herbivores pourrait éviter les intoxications alimentaires

Chez les ruminants, « les expériences alimentaires durant le jeune âge influencent les choix alimentaires à l’âge adulte ». Ils sont donc capables d’apprendre la valeur des aliments, même si cette capacité d’apprentissage est perturbée dans des milieux diversifiés, où les herbivores consomment parfois plusieurs végétaux dans une même bouchée, ce qui limite la possibilité d’associer le végétal ingéré aux conséquences. En effet, l’apprentissage de la valeur toxique de certaines plantes est effectif quand l’animal en ressent les effets rapidement après l’ingestion. Mais lorsque les délais sont plus longs ou lors de trop grande diversité alimentaire, il lui est plus difficile d’associer un malaise à la plante qui en est responsable, ce qui explique les cas d’intoxication alimentaire, qui peuvent mener à la mort de l’animal. Les capacités de mémorisation pourraient alors être utilisées en santé animale pour conditionner artificiellement les animaux à éviter, par exemple, certaines plantes toxiques ou à consommer des végétaux à « effets antiparasitaires, fongiques ou bactériens, qui les rendent potentiellement intéressants pour réduire l’usage systématique d’anthelminthiques et les risques de résistance associés ».

• (1) J. Wang, F.D. Provenza : « Food preference and acceptance of novel foods by lambs depend on the composition of the basal diet », J. Anim. Sci, 1996, vol. 74, n° 10, pp. 2 349-2 354.