La survie du lamantin des Antilles est difficile en captivité

Le lamantin des Antilles (Trichechus manatus manatus) est un mammifère marin qui appartient à l’ordre des Siréniens. Il est classé “en danger” par l’Union internationale pour la conservation de la nature (IUCN). Le Belize, petit pays d’Amérique centrale, abrite une population de neuf cents à mille lamantins des Antilles, soit le plus grand nombre d’individus de cette sous-espèce. Il revêt ainsi une importance particulière dans le maintien des populations viables de ce mammifère marin.

Un sanctuaire au Belize est dédié au lamantin

Six sites sont identifiés comme prioritaires pour la conservation du lamantin au Belize. Cette identification repose sur une haute probabilité de présence des animaux, associée à un habitat favorable. Parmi ces sites se trouve le sanctuaire de la baie de Corozal. Au sein de ce dernier, le village de pêcheurs de Sarteneja a été choisi par Wildtracks, une organisation qui œuvre pour la conservation des espèces au Belize, pour gérer un centre de réhabilitation pour lamantins sous la responsabilité du réseau Echouage des mammifères marins du Belize. Paul et Zoe Walker, biologistes spécialisés dans la conservation des espèces et membres de Wildtracks, ont créé ce centre il y a cinq ans. Ils ont depuis réhabilité trois jeunes lamantins orphelins grâce à leur travail et à celui des nombreux bénévoles.

Les lamantins souffrent des activités humaines

Les principales causes de mortalité chez les lamantins sont la chasse, les traumatismes chez les adultes (essentiellement dus aux bateaux à moteur) et la séparation maternelle prématurée chez les jeunes. Si une femelle est retrouvée morte, le réseau d’Echouage du Belize intervient, détermine si elle est en lactation et, si tel est le cas, lance une recherche de son petit. Cette opération a eu lieu au mois de juillet dernier dans le nord du Guatemala pour venir en aide à une jeune femelle âgée d’un mois. Surnommée Guatecita, elle a été transférée au centre de réhabilitation de Sarteneja le 2 août par avion.

Les orphelins sont soignés pendant dix-huit mois dans le centre

Ces animaux allaitent leur petit pendant dix-huit mois. C’est aussi le temps que passeront les jeunes dans le centre de réhabilitation avant de retourner dans leur milieu de vie, la mangrove. Ils y reçoivent une aide alimentaire, mais aussi une “éducation” et ont besoin d’une présence quasi permanente d’un “individu à sang chaud” à leurs côtés. Dans la nature, ils restent en contact proche avec leur mère pendant trois à quatre mois et s’éloignent ensuite peu à peu. Ce contact étroit est recherché par les jeunes orphelins et ils le trouvent auprès des volontaires. Après le traditionnel repas de lait donné au biberon toutes les deux heures et demie, les bénévoles restent auprès du jeune pendant trente minutes environ. Le bébé explore alors les jambes, les pieds ou les doigts de ces derniers pendant tout ce temps.

Le lamantin est peu à peu réhabitué à la mangrove avant d’être relâché

Côté environnement, le jeune orphelin vit dans une eau propre (non souillée par les matières fécales et le lait, donc renouvelée tous les deux ou trois biberons) à 27 °C au minimum. Pour cela, le centre de Sarteneja s’est équipé depuis peu d’un bassin chauffé de 2,5 m de diamètre. Une autre piscine, alimentée par l’eau non chauffée du lagon, ne sert que lorsque la température de l’eau de ce dernier est suffisamment élevée : le jeune peut alors bouger, donc se muscler. Cet exercice doit être encouragé par le volontaire, comme il l’est par la mère dans son environnement naturel.

Après quelques mois de présence, le jeune lamantin est “réhabitué” à son environnement naturel : la mangrove. Chaque jour, l’animal passe quelques heures dans un enclos, toujours accompagné par un bénévole. Dans ces mêmes conditions, il reçoit son biberon. Il explore chaque jour un peu plus son enclos, qui est agrandi à intervalles réguliers. Des plantes aquatiques (jacinthes d’eau, etc.), source de nourriture majeure pour les lamantins, sont proposées à l’animal.

Hypoglycémie et constipation sont les deux principales affections à surveiller

L’alimentation est le problème majeur rencontré par ceux qui détiennent des lamantins en captivité. Ce sont des mammifères marins herbivores, mais peu de données existent. Après l’hypoglycémie, la constipation est le principal souci à gérer par ceux qui s’occupent plus particulièrement de jeunes lamantins orphelins. De nombreux facteurs entrent en jeu : le stress lié à la captivité, la déshydratation, la composition probablement inadéquate du lait, etc. Les données sur l’alimentation des lamantins orphelins sont encore trop rares. Le lait est reconstitué à partir de poudre de lait classiquement donnée aux jeunes mammifères dans les zoos, et amélioré selon les expériences de chacun. Ainsi, dans le centre de réhabilitation de Sarteneja, du jus de pruneaux, de la compote “banane” ou “pomme-banane” (un goût que de précédents pensionnaires ont apprécié) sont ajoutés, ainsi que de l’huile de canola (pour leur faire prendre du poids quand le gain est insuffisant). A chaque repas, Guatecita prend ainsi entre 250 et 1 000 ml de lait, soit 500 ml en moyenne, une quantité insuffisante d’un point de vue calorique et au niveau de l’hydratation. Des biberons d’eau lui sont proposés de façon systématique, mais ils sont irrégulièrement acceptés. Malgré les soins apportés, le jeune lamantin souffre de constipation chronique. Des douleurs abdominales lui font adopter une posture facilement repérable. Un traitement médical est instauré et ajusté selon les besoins : huile de paraffine (une fois par jour pendant des périodes de deux jours) et métoclopramide (trois fois par jour jusqu’à l’amélioration des symptômes) principalement. Des progrès sont notés, mais de manière trop irrégulière.

La pesée, qui doit être effectuée chaque semaine, indique une bonne prise de poids pendant les quatre premiers mois, puis une stagnation. Au bout de cinq mois de “captivité”, la jeune orpheline meurt.

Le lamantin des Antilles est devenu une espèce symbolique au Belize

Une question se pose alors : pourquoi tous ces efforts ? Le lamantin est une espèce en danger. Tout individu a donc son importance, et une femelle en a d’autant plus. Par ailleurs, ce “sauvetage” permet de faire connaître cet animal à l’ensemble des populations, notamment locales. Le centre de réhabilitation communique ainsi beaucoup avec les associations et les habitants, dont certains sont fortement impliqués bénévolement. Le lamantin des Antilles est ainsi devenu une espèce symbolique pour ce petit pays d’Amérique centrale. Paul et Zoe Walker participent activement à sa sauvegarde depuis de nombreuses années, en travaillant avec les associations et le gouvernement sur des actions de conservation de la faune et de la flore béliziennes. Ils sont aidés par quelques chercheurs et de nombreux bénévoles béliziens ou venus du monde entier, pour lesquels cette expérience restera unique.