Les antiparasitaires utilisés pour lutter contre la FCO sont suspectés d’intoxiquer les abeilles - La Semaine Vétérinaire n° 1349 du 27/02/2009
La Semaine Vétérinaire n° 1349 du 27/02/2009

Filière apicole. Surmortalité d’abeilles en Ariège

Actualité

Auteur(s) : Nicolas Vidal-Naquet

En Ariège, une trentaine de ruchers ont été décimés cet hiver. Les colonies d’abeilles ont été retrouvées mortes ou avec des populations très faibles. Les apiculteurs ont également signalé de nombreux problèmes de reines (mortalités, remérages infructueux, etc.). La similitude et les conditions d’apparition simultanées et aiguës des symptômes observés laissent envisager l’hypothèse d’une intoxication. En outre, la bonne conduite de ces cheptels et un historique révélant un suivi dans les meilleures conditions sanitaires appuient cette présomption. Des abeilles mortes ont été adressées au service central d’analyse du Centre national de recherche scientifique (CNRS). 5 g d’abeilles par rucher ont été analysés, soit cinquante individus. Les recherches de toxiques ont concerné la perméthrine, la cyperméthrine, la deltaméthrine, le fenvalérate et le phoxim.

Les résultats obtenus montrent que dans deux ruchers sur trois, les abeilles étaient contaminées par de la perméthrine(1), les recherches étant négatives pour les autres toxiques. Dans l’un des lots, le taux de perméthrine s’élevait à 50 ng/g d’abeille, soit 5 ng/abeille. Pour le deuxième lot positif, le taux était de 10,4 ng/g d’abeille, soit 1 ng/abeille. Le laboratoire d’analyses conclut que « la mortalité observée sur ces deux ruchers (positifs à la perméthrine) peut clairement être corrélée à ce pesticide et à des doses importantes ».

La dose retrouvée est inférieure à celle qui a intoxiqué les colonies

Selon une fiche technique du ministère du Développement durable québécois(1), la DL50 par contact de la perméthrine est de 29 ng/abeille, et la DL50 orale de 98 ng/abeille. Les valeurs obtenues dans le cas ariégeois sont en deçà. Cependant, la fiche ne fournit pas d’information sur la forme de perméthrine utilisée, or ses isomères cis et trans ont une toxicité différente, l’isomère cis étant plus toxique. En outre, les pyréthrinoïdes ont un coefficient de température négatif, ce qui signifie qu’ils sont plus toxiques à basse température, et les cas ariégeois ont été observés en hiver. D’autre part, la molécule de perméthrine n’est pas totalement stable et sa métabolisation, ainsi que sa dégradation, ont débuté dès l’intoxication de l’abeille. La dose retrouvée lors des analyses est donc forcément inférieure à celle qui a intoxiqué les colonies.

Malgré ce dernier point, la toxicité des pyréthrinoïdes potentialisée par le froid, la métabolisation et la dégradation du toxique, ainsi que les symptômes observés, semblent en faveur d’une intoxication à la perméthrine comme hypothèse principale pour expliquer la mort des colonies des deux ruchers diagnostiqués positifs. Des questions restent toutefois en suspens :

– pourquoi cette intoxication a-t-elle eu lieu en décembre-janvier, alors que les abeilles ne sortent pas l’hiver ? ;

– le coefficient de température négatif de la perméthrine explique-t-il ces symptômes hivernaux ? ;

– y a-t-il eu un effet retard ou subaigu de la perméthrine ? ;

– y a-t-il eu une accumulation des toxiques dans la grappe d’abeilles par contact et frottement des insectes entre eux ? ;

– comment connaître la dégradation de l’insecticide après l’intoxication de l’abeille et la dose initiale à laquelle ont été confrontées ces abeilles ?, etc.

La perméthrine a pu contaminer le milieu extérieur, donc les abeilles

La lutte contre la fièvre catarrhale ovine a imposé aux éleveurs la vaccination des animaux et la désinsectisation dans certaines zones, notamment en Ariège. Dans ce cadre, la perméthrine a pu être été utilisée, notamment dans les locaux de certains élevages ariégeois. Il n’est donc pas exclu qu’elle ait contaminé le milieu extérieur (ruissellement, etc.), entraînant l’intoxication des abeilles par voie orale ou par contact.

Les traitements insecticides, fortement conseillés, voire obligatoires dans un premier temps, ne semblent pas avoir eu l’effet escompté sur la diffusion du vecteur du virus de la fièvre catarrhale(2). Aucune campagne de désinsectisation ne devrait avoir lieu cette année, selon le rapport établi à la suite d’une réunion entre le Centre national du développement apicole (CNDA) et la Fédération nationale ovine. Cela laisse espérer que des cas probables d’intoxication seront évités, d’autant que la perméthrine ne semble pas s’accumuler dans le sol.

Quoi qu’il en soit, le débat sur les risques écologiques de l’utilisation d’insecticides en élevage est relancé.

  • (1) Fiche disponible sur www.mddep.gouv.qc.ca/pesticides/virus-nil/fiche-permethrine.pdf

  • (2) Jean-Luc Jobert : « Que peut-on attendre des traitements insecticides (pyréthrinoïdes) chez les ruminants dans la lutte contrela fièvre catarrhale ? », 2008. La bibliographie de cet article et des précisions sur la perméthrine sont disponibles sur WK-Vet.fr (rubrique “Semaine Vétérinaire”, puis “Compléments d’articles”).

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