Les économistes annoncent une pénurie mondiale de viande

Un discours amer. C’est ainsi que Daniel Picart, éleveur de porcs à Plouigneau (Finistère) et président de Cochon de Bretagne⁽¹⁾, a introduit la première conférence des rencontres de l’Institut du porc (Ifip), organisées en septembre dernier dans le cadre du Space. A cette date, les éleveurs de porcs comptabilisaient deux mois de trésorerie positive sur les dix-huit derniers écoulés. « Cette crise est la plus difficile depuis vingt ans. La production bretonne a tenu grâce aux avances de trésorerie des groupements de producteurs et des industriels de l’alimentation animale. Les abatteurs préfèrent acheter moins cher que de vendre plus cher, a dépeint Daniel Picart. Nous avons un sentiment de ressort cassé, nous n’avons plus l’envie, plus le goût. Les éleveurs ne peuvent plus être des variables d’ajustement. Toutes les avancées en matière de compétitivité ont profité à l’aval de la filière. » Dix minutes plus tard, les exposés prospectifs étaient résolument optimistes. Les ingénieurs de l’Ifip prévoient que le prix du porc s’établira à 2 €/kg l’été prochain. De son côté, Pascal Mainsant, chercheur à l’Inra d’Yvry-sur-Seine, annonce une pénurie mondiale des viandes pour bientôt, malgré dix-sept années de croissance dynamique. Grande gagnante de cette croissance, la viande de monogastriques représente actuellement les trois quarts de l’augmentation, avec + 96 millions de tonnes équivalent carcasse (tec). « L’accroissement de la consommation de viande va s’accentuer dans les années à venir », a démontré l’économiste. Car non seulement la population mondiale est en hausse (9 milliards d’habitants sont attendus à l’horizon 2050), mais le niveau de consommation de viande s’accroît aussi avec les revenus des personnes (^{voir graphiques}). Au fur et à mesure de leur enrichissement, les hommes remplacent les protéines végétales par les protéines animales, une évolution renforcée par l’augmentation récente du prix des céréales.

Le modèle mondial à promouvoir est la production porcine

La recherche des nouveaux marchés s’oriente vers les pays émergents, particulièrement en Extrême-Orient. La Chine, Hong-Kong, la Corée du Sud, l’Indonésie, Taïwan, la Thaïlande, Singapour et la Malaisie comptabilisent 1,7 milliard d’habitants et enregistrent une croissance supérieure ou égale à 7 % depuis vingt-cinq ans. Le développement du marché chinois et de sa production porcine est représentatif des perspectives d’évolution de la consommation des viandes. Sur 1,35 milliard d’habitants, 50 millions possèdent un niveau de vie occidental (autant qu’en France), 400 millions sont sortis de la pauvreté et 900 millions sont encore pauvres. Depuis 1978, la production chinoise de porcs a été multipliée par cinq. Avec 37 kg de carcasse par habitant et par an, la viande porcine représente les deux tiers des viandes consommées par les Chinois, une proportion identique à la France. « L’offre animale enregistre une croissance dynamique, avec + 140 % entre 1990 et 2004, souligne Pascal Mainsant. Entre 2006 et 2007, le prix du porc a augmenté de 50 %. » La Chine produit 50 millions de tec de porc, soit presque la moitié de l’offre mondiale. 5 % des 108 millions d’élevages porcins chinois fournissent 30 % du volume national.

La consommation de viande continuera à progresser en Chine, mais ce marché, fermé à la mondialisation, ne profitera pas aux grandes régions européennes exportatrices. Pour faire face à la croissance de sa production, le pays devra augmenter ses importations de soja, de céréales et d’oléagineux. L’United States Department of Agriculture prévoit, pour 2015, des importations chinoises de céréales d’environ 60 millions de tonnes. Actuellement, 400 millions de tonnes de céréales sont produites dans le monde ! « Les trois quarts des habitants pauvres de la planète sont des paysans. La hausse du prix des céréales leur permet de s’enrichir, donc de consommer plus de viande. Si les 4 milliards de pauvres s’enrichissent, nous assisterons à un nouveau décollage du développement agricole. » Toutefois, la disponibilité en terres arables est faible et, depuis 1984, l’accroissement de l’offre mondiale en céréales provient de la hausse des rendements, pas des surfaces. Or il ne peut y avoir une augmentation de la production de viande avec en parallèle une pénurie de céréales, « d’où une situation de pénurie mondiale de viande ».

• (1) www.lecochondebretagne.com Retrouver sur WK-vet un tableau sur la démographie et la croissance du PIB des pays émergents (rubriques “Semaine Vétérinaire” puis “Compléments d’articles”).