De nouveaux traitements de l’herpèsvirose sont décrits - La Semaine Vétérinaire n° 1348 du 20/02/2009
La Semaine Vétérinaire n° 1348 du 20/02/2009

Ophtalmologie féline

Formation continue

ANIMAUX DE COMPAGNIE

Auteur(s) : Sophie Renier

L’interféron oméga et la L-lysine font partie, avec les antiviraux, de l’arsenal thérapeutique pour traiter les récidives dues à l’infection par le FHV-1.

Le virus de la rhinotrachéite infectieuse, de la famille des Herpesviridae, est spécifique de l’espèce féline. Il exerce son action pathogène par un effet cytolytique sur les cellules infectées (épithélium conjonctival, muqueuses nasales, amygdales). L’expression clinique associée à une infection par l’herpèsvirus félin de type 1 (FHV-1) chez l’adulte est essentiellement oculaire, mais protéiforme. Des formes aiguës à guérison généralement spontanée (quinze jours) sont observées, ainsi que des formes chroniques associées à l’installation de maladies oculaires dont la prise en charge thérapeutique peut être complexe.

80 % des chats infectés durant leur jeune âge (moins de quelques mois) deviennent porteurs latents à vie. Des études épidémiologiques montrent que 50 à 97 % des chats présentent des résultats sérologiques positifs vis-à-vis de l’herpèsvirus.

La réactivation du virus chez l’adulte est possible à la suite d’un stress

La mère peut infecter sa portée en période postnatale immédiate et conduire à une forme grave d’herpèsvirose : l’ophtalmie néonatale. L’infection survient parfois avant même l’ouverture des paupières (dix à quinze jours) et est à l’origine d’un gonflement sous-palpébral avec l’apparition de fistules purulentes. Les complications sont alors importantes avec la survenue de remaniements épithéliaux et la formation d’adhérences (symblépharons) souvent associées à une fermeture partielle des paupières.

Chez un chaton de moins d’un mois, l’infection primaire est à l’origine d’une conjonctivite bilatérale sévère. Les surinfections bactériennes sont fréquentes. Une perforation de la cornée, voire une panophtalmie peuvent s’ajouter au tableau clinique. Lorsque l’infection survient chez des chatons d’un à six mois, une conjonctivite aiguë est observée après un temps d’incubation de deux à trois jours. Les symptômes sont généralement moins intenses et la guérison est spontanée après environ deux semaines. L’atteinte respiratoire (rhinite, trachéite), parfois rencontrée, peut être prédominante dans le tableau clinique et témoigne du tropisme du virus pour les différents épithéliums du tractus respiratoire. La réactivation du virus chez le chat adulte est possible à la suite d’un stress naturel (transport, déménagement) ou induit (corticothérapie). Selon les estimations, elle survient chez 40 % environ des animaux infectés de façon latente. Elle entraîne des signes cliniques identiques, mais moins sévères que l’infection primaire (conjonctivite, ulcérations cornéennes). Toutefois, par rapport au jeune, le tropisme du virus chez l’adulte est plus important envers la cornée, sans que la raison en soit connue. Les ulcérations cornéennes sont la conséquence de la cytolyse des cellules superficielles de la cornée par le virus : en début d’évolution, une forme caractéristique dendritique se distingue. L’extension du virus, rapide, conduit à une ulcération de la cornée dite “en carte de géographie”. Ce type d’ulcère superficiel peut évoluer vers une cicatrisation spontanée, mais également se transformer en ulcère indolent, malgré un traitement antiviral adapté.

Les corticoïdes peuvent potentialiser des formes de kératite associées au FHV-1

D’autres syndromes ophtalmologiques sont associés à une infection chronique par l’herpèsvirus. Leur mécanisme pathogénique est encore mal connu. C’est le cas de la kératite stromale, ou kératite métaherpétique stromale.

La persistance d’antigènes viraux serait à l’origine d’une inflammation chronique entretenue par un mécanisme auto-immun. L’utilisation de corticostéroïdes par voie locale ou sous-conjonctivale, chez un chat atteint d’un ulcère épithélial chronique associé à une phase d’excrétion virale prolongée, favoriserait son apparition. Il s’agit de la forme oculaire la moins fréquente, mais la plus grave chez le chat adulte. Elle associe la présence d’un œdème cornéen, d’une vascularisation stromale profonde et d’un infiltrat cellulaire à l’origine d’une opacification progressive de la cornée.

Les séquestres cornéens correspondent à des zones de nécrose stromale et peuvent se développer à la suite d’une ulcération cornéenne chronique. Une étude met en évidence une corrélation positive avec la détection du FHV-1 chez 55 % des chats qui présentent des séquestres cornéens. Ils affectent majoritairement les chats de races persan et british shorthair. En outre, une autre étude montre une corrélation positive de 76 % entre des chats atteints de kérato-conjonctivite éosinophilique et la détection positive du FHV-1.

Les antiviraux associés aux interférons seraient bénéfiques en cas de chronicité

De nombreux chats n’expriment l’infection par le FHV-1 que par une conjonctivite transitoire qui guérit spontanément en deux semaines. Cependant, lors d’infections récurrentes associées à des signes cliniques sévères, persistants, récidivants ou lors d’atteinte cornéenne, essentiellement ulcérative, l’utilisation d’antiviraux est judicieuse.

Les analogues des nucléosides sont des virostatiques : ils empêchent l’extension virale en agissant au niveau des ADN-polymérases virales. Ils ne peuvent donc pas éradiquer une infection latente par le FHV-1. Des études in vitro démontrent une sensibilité du FHV-1 vis-à-vis d’antiviraux, selon un ordre décroissant d’efficacité : trifluridine, ganciclovir, idoxuridine, vidarabine, bromovinyl-deoxyuridine, acyclovir. Ces traitements sont généralement administrés par voie topique plus que par voie systémique et exigent donc une observance particulière de la part des propriétaires : quatre à huit instillations par jour sont nécessaires, pendant deux à trois semaines.

Dans le cadre du traitement d’ulcères indolents associés au FHV-1, un débridement chirurgical des bords décollés de l’épithélium est conseillé, mais sans scarification du stroma de la cornée. L’association d’antiviraux avec des interférons semble jouer un rôle bénéfique dans le traitement des infections par le FHV-1. Le recombinant félin IFN-ω (Virbagen® Oméga) apporte une résistance au virus des cellules infectées par l’élévation de l’expression de la protéine Mx lors d’application topique. Dans des cas réfractaires et récidivants, l’utilisation de cette cytokine peut être envisagée sur le long terme.

La vaccination dans la prévention de l’infection par le FHV-1 est controversée

Une étude(1) montre que la vaccination ne réduit pas l’état de latence, la réactivation, ni même l’excrétion virale consécutive à une période de stress. Toutefois, chez un chat “naïf” vis-à-vis du virus, elle permet une diminution significative de l’intensité des signes cliniques, de façon durable, même après plusieurs réactivations virales (jusqu’à sept ans). Le début d’immunité après l’acte vaccinal est observé au bout de quatre jours. La voie muqueuse, en interférant moins avec l’immunité maternelle que la voie systémique, permettrait ainsi une vaccination plus précoce. Une étude plus récente(2) explore la possibilité d’utiliser la L-lysine dans la gestion de lésions récurrentes associées au FHV-1. Cet acide aminé agit par un effet antagoniste sur un autre acide aminé, l’arginine, essentiel à la réplication virale. In vitro, la L-lysine permet une réduction de la réplication du FHV-1 sur des cultures cellulaires. Il est montré que l’administration par voie orale (400 à 500 mg de lysine deux fois par jour) de L-lysine permet une réduction des signes de conjonctivite chez un chat infecté de façon primaire et une diminution de l’excrétion virale chez un chat infecté latent. Aucune toxicité n’est encore rapportée lors de ces études, mais l’utilisation de ce produit doit rester prudente compte tenu d’une possible carence secondaire en arginine. L’emploi de la lysine est à réserver aux cas réfractaires.

De multiples complications sont observées lors de l’utilisation des corticoïdes

Le recours aux corticoïdes dans le traitement d’une maladie oculaire associée à une infection au FHV-1 est contre-indiqué. Par voie systémique, ils favorisent la réactivation virale à partir d’un état de latence. Par voie topique, ils peuvent entraîner des phénomènes de réactivation, mais aussi des complications dans l’évolution des kératites herpétiques (creusement et retard de cicatrisation d’ulcères, œdème cornéen, kératite chronique, complication de séquestre cornéen félin), ainsi qu’une augmentation du taux d’excrétion virale. L’utilisation de corticoïdes par voie topique est donc proscrite lors d’infection primaire par le FHV-1.

Toutefois, pour certaines formes de kératite stromale, qui mettent sans doute en jeu un mécanisme à médiation immunitaire et où le virus joue probablement un rôle indirect, l’utilisation de corticoïdes par voie topique peut être indiquée en s’entourant de certaines précautions. Ainsi, l’association avec des antiviraux par voie topique est fortement recommandée. De la même façon, l’emploi de corticoïdes par voie topique en association avec des antiviraux représente une stratégie thérapeutique adaptée au traitement des kérato-conjonctivites éosinophiliques.

Le recours à des anti-inflammatoires non stéroïdiens et à des immunomodulateurs, tels que la cyclosporine, serait une autre solution thérapeutique à la gestion des kératites stromales pour lesquelles un mécanisme à médiation immunitaire est de plus en plus incriminé. Un effet antiviral est démontré in vitro pour le flurbiprofène. Les études sont actuellement insuffisantes pour explorer l’indication des anti-inflammatoires non stéroïdiens et des immunomodulateurs dans le cadre du traitement de l’infection par le FHV-1.

  • (1) F.M. Cocker, T.J. Newby, R.M. Gaskell, P.A. Evans, C.J. Gaskell, C.R. Stokes, D.A. Harbour, J.F. Bourne : « Responses of cats to nasal vaccination with a live, modified feline herpesvirus type 1 », Res. Vet. Sci., 1986, vol. 41, n° 3, pp. 323-330.

  • (2) J. Stiles, W.M. Townsend, Q.R. Rogers, S.G. Krohne : « Effect of oral administration of L-lysine on conjunctivitis caused by feline herpesvirus in cats », Am. J. Vet. Res., 2002, vol. 63, n° 1, pp. 99-103.

  • Voir les autres références bibliographiques sur le site WK-Vet.fr, rubrique “Semaine Vétérinaire” puis “Compléments d’articles”.

CONFÉRENCIER

Guillaume Payen, consultant à l’unité pédagogique d’ophtalmologie de l’ENVA et au CHV Frégis à Arcueil (Val-de-Marne).

Article tiré de la conférence « Actualité dans le traitement de l’herpèsvirose », présentée dans le cadre du congrès de médecine féline organisé par la section vétérinaire de la Société française de félinotechnie, le 18 octobre 2008 à Lyon.

A LIRE DANS Le Point Vétérinaire

Laurent Bouhanna : « Diagnostic et traitement de l’herpès oculaire chez le chat », PV n° 251, décembre 2004.

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