Une analgésie multimodale avec les nouvelles molécules - La Semaine Vétérinaire n° 1346 du 06/02/2009
La Semaine Vétérinaire n° 1346 du 06/02/2009

Ovariectomie chez la chatte

Formation continue

ANIMAUX DE COMPAGNIE

Auteur(s) : Stephan Mahler

Fonctions : consultant en chirurgie à Acigné (Ille-et-Vilaine)

Associée à une anesthésie “balancée”, une analgésie soignée permet d’opérer dans de bonnes conditions et d’offrir à l’animal un temps postopératoire confortable.

L’ovariectomie est l’une des interventions chirurgicales les plus fréquentes dans une activité vétérinaire omnipraticienne. Rapide et techniquement simple, elle nécessite cependant une anesthésie générale associant une narcose, une bonne myorelaxation, une excellente analgésie et un haut niveau de sécurité pour l’animal. Une induction, ainsi qu’un réveil rapide et calme sont également des critères appréciables. L’association de plusieurs médicaments est indispensable pour garantir la qualité d’une anesthésie. De nouvelles molécules viennent d’être mises sur le marché. Top départ d’une opération avec ces nouveaux composés.

Description de la prise en charge de l’animal et coût vétérinaire

• 8 h 48 : la prise en charge débute par un entretien avec le propriétaire et un examen clinique (incluant la prise de température, la mesure des fréquences cardiaque et respiratoire) afin de s’assurer du bon état général de l’animal. Le chat est pesé pour adapter les volumes des médicaments injectés et le débit de perfusion. La prémédication est réalisée par l’injection dans les muscles des lombes d’un mélange de dexmédétomidine à 5 µg/kg (0,01 ml/kg de Dexdomitor®) et de butorphanol à 0,2 mg/kg (0,02 ml/kg de Torbugésic®). Le coût vétérinaire s’élève à 0,85 €.

• 9 h 05 : la sédation est satisfaisante et la pose du cathéter est réalisée dans la veine céphalique. L’animal est ensuite tondu (voir photo 1). Le coût d’un cathéter est de 0,73 €.

• 9 h 10 : l’induction est effectuée par une injection intraveineuse d’alfaxalone (Alfaxan®) à la dose de 3 mg/kg. L’injection est réalisée à la demande, jusqu’à l’effet recherché : la disparition du réflexe palpébral, du réflexe cornéen, la bascule ventrale du globe oculaire, la disparition du tonus musculaire de la mâchoire. Le chat repose pendant toute la durée de l’intervention sur un matelas chauffant pour limiter l’hypothermie induite pas l’anesthésie. L’intubation trachéale est réalisée en décubitus dorsal à l’aide d’un laryngoscope et d’une lame droite. De la lidocaïne (Xylocaïne spray®) est pulvérisée sur les cartilages aryténoïdes pour prévenir le spasme de la glotte (voir photo 2). L’extrémité de la sonde trachéale, d’un diamètre de 3,5 mm, est enduite d’un gel de lidocaïne (Xylocaïne visqueuse®) pour limiter l’irritation trachéale et l’inconfort induits par l’intubation. L’étanchéité de l’occlusion trachéale est vérifiée à l’aide d’un insufflateur Flexobag® pédiatrique. Une perfusion de Ringer lactate est mise en place, à un débit de 10 ml/kg/h. Une injection d’acide tolfénamique à la dose de 4 mg/kg (Tolfédine®) et de marbofloxacine (Marbocyl®) à 2 mg/kg est réalisée par voie intraveineuse. Un gel lubrifiant (Ocrygel®) est déposé sur les cornées pour prévenir la déshydratation et l’apparition d’éventuels ulcères. Le circuit anesthésique utilisé est un circuit de Bain ouvert avec un débit d’oxygène compris entre 1,5 et 2 l/min, adapté selon les valeurs de la fraction inspirée en CO2 (FiCO2). Le monitoring opératoire comprend un oxymètre de pouls branché sur la langue, qui indique la fréquence cardiaque et la saturation en oxygène, ainsi qu’un capnographe qui affiche la fréquence respiratoire, la fraction inspirée en CO2 et la concentration en CO2 en fin d’expiration, ou Et CO2 (voir photo 3). Le coût vétérinaire s’élève à 3,39 €.

• 9 h 19 : la désinfection du site opératoire est réalisée. Le chirurgien se prépare pour l’intervention. Les instruments de chirurgie et les consommables sont ouverts et le chat est drapé.

• 9 h 33 : l’intervention chirurgicale est réalisée classiquement par une voie d’abord médiane, sous-ombilicale. Au cours de l’opération, environ 1 mg/kg de lidocaïne à 2 % (Xylovet®) est déposé sur chaque ligament suspenseur de l’ovaire au moment de son extériorisation. La concentration de l’isoflurane est diminuée de 2 % à 1 % après le retrait du deuxième ovaire. Toutes les ligatures et les sutures sont réalisées avec le même fil (Monocryl® décimale 1,5). La suture cutanée (voir photo 4) est faite au moyen d’un surjet intradermique et complétée par quelques gouttes de colle chirurgicale (Vetbond®). Aucun pansement n’est appliqué sur la peau. Le coût vétérinaire est de 4,79 € pour le fil de suture et de 0,43 € pour les anesthésiques et analgésiques.

• 9 h 49 : à la fin de l’intervention, l’isoflurane est stoppé et le chat est maintenu sous oxygène pendant quelques minutes. La sonde trachéale est ensuite déconnectée de l’arrivée d’oxygène. Une fois la sonde enlevée, il convient de s’assurer que le chat continue bien à s’oxygéner en respirant l’air ambiant (Sp02 supérieur à 95 %). L’extubation a lieu après le retour du réflexe de déglutition.

• 9 h 55 : de retour dans la cage d’hospitalisation, des bouillottes sont prévues pour limiter les pertes de chaleur et des contrôles réguliers du pouls, de la fréquence respiratoire et du temps de recoloration sont mis en place.

• 10 h 45 : le réveil est calme. Le chat se met en décubitus sternal (voir photo 5 en page 34).

• 12 h 45 : un repas est proposé au chat quatre heures après la prémédication et trois heures après la fin de la chirurgie/anesthésie. Il mange spontanément et de bon appétit (voir photo 6 en page 34).

• Le chat est rendu à ses propriétaires dans l’après-midi. Un contrôle est proposé entre trois et cinq jours après l’intervention. Aucun antibiotique ou antalgique n’est délivré.

Environ une heure s’est déroulée entre le moment de la prémédication et le retour en cage d’hospitalisation, avec environ quinze minutes de “temps vétérinaire” et quarante-cinq minutes de “temps auxiliaire” pour un coût total de 3,47 € en médicaments et de 6,72 € en consommables, en incluant 4,79 € de fils de suture.

Les protocoles sont à modifier sans hésitation selon les nouvelles molécules disponibles

Les spécialités citées sont des exemples. Elles peuvent parfois être remplacées par d’autres, avec les mêmes propriétés.

Les connaissances et les pratiques d’anesthésie ont beaucoup progressé ces dernières années. Or l’anesthésie est un acte sensible, dans lequel les habitudes sont, à l’inverse, difficiles à changer. En l’absence de problèmes, pourquoi les modifier ? Pourtant, les nouvelles molécules apportent des avantages indéniables. Mais leur utilisation s’accompagne également d’effets indésirables, qu’il faut savoir anticiper. Le coût des injectables et des consommables, ainsi que le temps passé sont souvent des arguments avancés pour expliquer la réticence à modifier un protocole ou des habitudes de travail. Par ailleurs, les opérations de convenance, comme l’ovariectomie, nécessitent des anesthésies de courte durée qui minimisent les risques métaboliques, cardio-vasculaires et respiratoires. Ainsi, les complications sont exceptionnelles, mais elles existent néanmoins. Elles surviennent généralement lors d’intervention plus longue, plus invasive ou lorsque le risque anesthésique (lié à l’animal et à sa maladie) est plus important. Dans ces conditions, le choix du protocole, la préparation du matériel et de l’équipement nécessaires à la prévention ou à la détection précoce des complications sont capitaux. L’application systématique de ces bonnes pratiques, en particulier lors d’anesthésie “peu risquée”, permet de les maîtriser parfaitement, sans qu’elles deviennent un obstacle majeur en termes de coût ou de temps passé. Ce contrôle sera alors mis à profit, lors d’anesthésies plus complexes, où il prendra toute sa valeur.

Tous les animaux doivent bénéficier d’un système de réchauffement

La pose d’une voie veineuse et d’une perfusion est indispensable pour limiter les risques d’hypotension induite par l’anesthésie (ou par une éventuelle hémorragie), et pour administrer rapidement des médicaments en cas d’urgence. En l’absence de contrôle de la pression artérielle, un débit de 10 ml/kg/h est considéré comme acceptable.

Tous les animaux, en particulier ceux de petite taille, doivent bénéficier d’un système de réchauffement, quelle que soit la durée de l’anesthésie. Plusieurs techniques sont disponibles et doivent idéalement être associées (matelas à circulation d’air chaud ou d’eau chaude, matelas électrique chauffant, bouillotte, couverture de survie, alèse, etc.). Cette précaution permet de limiter l’hypothermie induite pas l’anesthésie. Lors d’intervention longue, la pose d’un thermomètre œsophagien est vivement recommandée pour objectiver la température corporelle centrale. L’hypothermie postopératoire diminue le métabolisme, donc retarde le réveil. De plus, quand ce dernier survient, les tremblements musculaires induits sont particulièrement consommateurs de glucose et d’oxygène, ce qui peut être à l’origine d’hypoglycémie et d’hypoxie (en particulier cardiaque).

Associer un α2-agoniste et un opioïde en prémédication

Chez le chat, l’association de la dexmédétomidine à 5 µg/kg (ou médétomidine à 10 µg/kg) et du butorphanol à 0,2 mg/kg procure habituellement une sédation et une myorelaxation de bonne qualité, autorisant la réalisation de gestes techniques simples, comme une radiographie ou la pose d’un cathéter. En revanche, le chat est souvent capable de mouvements volontaires (relever la tête, retrait de la patte ou parfois tentatives de fuites), en particulier s’il est sollicité de manière trop intense. Le calme et l’absence de bruit sont donc propices à une bonne prémédication. A ces doses et dans ces conditions, la vasoconstriction périphérique induite par la dexmédétomidine n’est jamais un problème pour la pose du cathéter. L’association des deux molécules permet de potentialiser leurs effets analgésiques, ce qui conduit à une analgésie de bonne qualité tout en limitant les doses et les effets indésirables des molécules.

Alfaxan® est une solution hydrosoluble d’alfaxalone, une molécule stéroïdienne dont la structure est proche de la progestérone. L’alfaxalone est un GABA mimétique direct : elle se lie aux récepteurs GABA et modifie ainsi le transport des ions chlorure, ce qui augmente l’effet inhibiteur du système nerveux central. Ses principales propriétés pharmacocinétiques sont une demi-vie courte, une action et une élimination rapides (hépatique et rénale), ainsi qu’une quasi-absence d’accumulation. La marge de sécurité est grande, jusqu’à cinq fois la dose recommandée chez le chat. Le produit garantit une bonne stabilité cardiovasculaire et respiratoire. Des apnées sont possibles au moment de l’injection, mais elles sont en général prévenues par une injection lente. Selon les chats et la qualité de la prémédication, les doses varient de 2 à 4 mg/kg (sans prémédication, elles sont plus proches de 5 mg/kg).

Pour les interventions de moins de vingt minutes chez les chats, l’entretien d’une anesthésie générale à l’isoflurane au moyen d’un masque est acceptable (à condition d’avoir à portée de main le matériel nécessaire pour pouvoir intuber l’animal en cas de besoin). En revanche, comme pour la voie veineuse, la sonde trachéale permet d’être réactif lors de complication.

Capnographe et oxymètre préviendraient 93 % des risques

La surveillance clinique d’un animal anesthésié est indispensable. L’utilisation d’un appareil de monitoring respiratoire et cardiaque complète cette surveillance et met en évidence de façon précoce les problèmes. Ainsi, l’emploi conjoint de la capnographie et de l’oxymétrie en anesthésie permettrait de prévenir 93 % des risques prévisibles(1).

L’électrocardiogramme et la pression sanguine non invasive ne se justifient pas toujours pour des interventions de courte durée chez des animaux en bonne santé.

L’antibioprévention préopératoire suffit pour prévenir les risques d’infection

L’analgésie est un point majeur de tout acte chirurgical et ne doit pas être négligée, en particulier pour les interventions de convenance. Il est incontestable que la traction sur les ligaments suspenseurs de l’ovaire est le geste le plus douloureux d’une ovariectomie. D’après notre expérience, l’utilisation du protocole d’anesthésie décrit plus haut conduit à une augmentation systématique de la fréquence cardiaque de 20 à 50 % au moment de la traction des ligaments suspenseurs de l’ovaire, suggérant que la manipulation est à l’origine d’un message nociceptif. Lorsque le praticien prend la précaution d’instiller un anesthésique local, la fréquence cardiaque ne s’accroît pas ou redescend immédiatement à sa valeur initiale, confirmant l’efficacité du bloc. Une autre option serait d’augmenter les doses de dexmédétomidine et/ou de butorphanol au moment de la prémédication. Dans le cas décrit ici, une approche multimodale de la douleur a été choisie. L’association des molécules et des techniques permet de diminuer les doses et les toxicités individuelles et de ne pas retarder le moment du réveil. La douleur induite par une ovariectomie est souvent considérée comme modérée à sévère. En revanche, cette douleur ne persiste pas plus de vingt-quatre à quarante-huit heures. L’acide tolfénamique administré en injectable a un effet anti-inflammatoire et antalgique de quarante-huit heures, couvrant ainsi la période périopératoire.

L’antibiothérapie postopératoire ne semble pas indiquée pour ce type d’intervention. L’antibioprévention, débutée avant l’incision par voie intraveineuse, assure une concentration plasmatique suffisante pour prévenir les risques d’infection.

Dans ce protocole, le coût des consommables et des injectables est estimé à 5,4 €

En l’absence de contre-indication, un repas est systématiquement proposé aux animaux opérés. Outre les autres critères d’évaluation de la douleur (fréquence cardiaque, douleur à la palpation de la plaie, comportement dans la cage, etc.), l’appétit est un facteur supplémentaire qui permet d’apprécier le bien-être des animaux. Le coût du protocole d’anesthésie décrit dans cet article pour un chat de 4 kg, incluant les injectables (anesthésiques, analgésiques, antibiotiques), les seringues/aiguilles, le cathéter, la tubulure et le soluté de perfusion (prix d’achat hors taxes, hors remise, hors coût des salariés et de l’amortissement des équipements) est estimé à 5,4 €. Pour le même chat, le coût d’une injection unique de Zolétil® est estimé à 2,2 €. La différence est infime (environ 3 % sur la facture totale), pour une sécurité et un confort de travail considérablement améliorés. Par ailleurs, s’il est incontestable que la durée totale de la prise en charge d’un animal selon le protocole décrit est plus longue qu’avec l’administration d’un bolus par voie intramusculaire, l’organisation du travail et la répartition des tâches entre vétérinaire et auxiliaire permettent d’optimiser ce temps précieux.

  • (1) Tinker et coll., Anesthesiology, 1989, n° 71, pp. 541-546.

BIBLIOGRAPHIE

  • • P.A. Flecknell, A. Waterman-Pearson : Pain management in animals, WB Saunders, London, 2000.
  • • A.J. Tranquilli, J.C. Thurmon, K.A. Grimm : Lumb et Jones’ veterinary anesthesia and analgesia, 4e édition, Blackwell Publishing, Oxford, 2007.
  • • J.S. Gaynor, W.W. Muir III : Handbook of veterinary pain management, 2e édition, Mosby Elsevier, St Louis, 2009.

Exemple de protocole d’anesthésie lors d’une ovariectomie de chatte

• Prémédication : dexmédétomidine à la dose de 5 µg/kg par voie intramusculaire (ou médétomidine à 10 µg/kg) et butorphanol à raison de 0,2 mg/kg par voie intramusculaire.

• Induction : alfaxalone à la dose de 3 mg/kg à la demande, par voie intraveineuse.

• Antibioprophylaxie : marbofloxacine à raison de 2 mg/kg par voie intraveineuse.

• Entretien : intubation trachéale et isoflurane à 1 ou 2 %.

• Perfusion : Ringer lactate à la posologie de 10 ml/kg/h.

• Analgésie périopératoire : acide tolfénamique à la dose de 4 mg/kg par voie intraveineuse et anesthésie locale à l’aide de lidocaïne à 2 % à raison de 1 mg/kg.

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