LES SANCTIONS DISCIPLINAIRES PASSÉES AU CRIBLE DE LA STATISTIQUE - La Semaine Vétérinaire n° 1346 du 06/02/2009
La Semaine Vétérinaire n° 1346 du 06/02/2009

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Auteur(s) : Nicolas Fontenelle

Avertissements, interdictions d’exercice… les sanctions disciplinaires alimentent régulièrement la chronique. On analyse à chaud et puis on oublie. Mais au final, à long terme, quelles sont les grandes tendances de la justice ordinale ? Qui porte plainte contre les praticiens ? Pour quel motif ? Les confrères sont-ils sanctionnés partout de façon identique ? Gros plan sur la statistique ordinale.

Les clients sont à l’origine de la majorité des poursuites disciplinaires contre les praticiens. Rien d’étonnant à cela : l’Ordre des vétérinaires a été la première instance ordinale d’une profession de santé à accepter, dès 1989, les plaintes d’où qu’elles viennent. Les autres ont attendu la loi Kouchner sur le droit des malades, en 2004. Les plaintes déposées par un confrère arrivent en deuxième position, devant celles des présidents des conseils ordinaux régionaux et des Directions des services vétérinaires (DSV). Mais « le taux de relaxe en cas de poursuites émanant de clients est plus élevé que lorsqu’elles proviennent d’un confrère ou du président d’un conseil ordinal régional », constate Cynthia Gauthier (T 04), auteur de la thèse d’exercice soutenue en 2007 à Toulouse qui sert de trame à ce dossier(1). Elle a été réalisée à partir des affaires jugées par les conseils régionaux entre 1998 et 2003, soit près de sept cents. Un vrai travail de fourmi qui donne une bonne vision de ce qu’est la justice ordinale. A ce jour, cette thèse est le seul travail statistique sur le sujet. Si Michel Baussier, vice-président de l’Ordre, en nuance certaines tendances (voir l’article en page 28), il confirme que les résultats qui s’en dégagent sont toujours d’actualité.

Soins inadaptés, défaut d’information et refus de soins au palmarès des plaintes des clients

Les usagers sont donc les premiers plaignants. Ils portent généralement plainte sur la base d’une infraction à l’article R.242-33/10 du Code de déontologie, estimant que les soins apportés à leurs animaux sont inadaptés ou insuffisants. L’examen détaillé de ces affaires révèle que beaucoup sont plutôt liées à une insuffisance de moyens mis en œuvre pour établir le diagnostic, voire à des erreurs diagnostiques. Or ces problèmes relèvent davantage de la responsabilité civile des praticiens que de la déontologie, raison pour laquelle, notamment, cinquante-neuf des cent six plaintes déposées pour ce motif ont abouti à une relaxe.

Le défaut d’information est le deuxième motif le plus souvent avancé par les clients (trente-cinq cas). Il faut alors distinguer l’insuffisance d’information dans la prise en charge de l’animal ou la mise en place du traitement, et le défaut ou le retard d’information lié au décès de l’animal. Dans ce dernier cas, beaucoup des poursuites pourraient être évitées, puisqu’il s’agit généralement d’un manque de communication entre les membres de la structure ou d’une absence des coordonnées du client. Une nouvelle fois, la majorité des plaintes aboutissent à une relaxe.

Le podium des plaintes les plus déposées par les usagers des cliniques est complété à égalité par le refus de soins (trente cas) et le défaut de continuité de soins (vingt-neuf). Dans le premier cas, la plainte fait généralement suite à un refus du praticien de se déplacer au domicile du propriétaire, justifié par une incompétence ou une indisponibilité liée à d’autres urgences, parfois à un éloignement trop important. Le vétérinaire ne pouvant intervenir que dans « la limite de ses possibilités et de sa compétence », environ 70 % de ces affaires aboutissent à des relaxes. Quant au défaut de continuité de soins, il est invoqué après une première intervention ou consultation (quinze cas), une défaillance dans le service de garde (onze cas) ou à la suite de la restitution d’un animal encore anesthésié à son propriétaire (trois cas).

La liste se complète de quelques plaintes pour honoraires excessifs (huit cas), défaut de consentement éclairé (treize) ou non-respect de l’animal (sept).

Le détournement de clientèle est rarement invoqué seul dans les plaintes entre confrères

Sans surprise, la tentative de détournement de clientèle est le principal motif de plainte entre vétérinaires (soixante-quatre cas). Mais il est rarement invoqué seul. Il est associé le plus souvent à une plainte pour publicité illégale (trente-neuf cas) et pour une infraction au Code de la santé publique (pharmacie, rédaction d’ordonnance, etc. : trente-sept cas). Les plaintes pour publicité font rarement l’objet d’une relaxe, car il s’agit essentiellement de publications dans des journaux ou des calendriers, à la demande plus ou moins explicite du vétérinaire. Mais il arrive parfois, même si le praticien a informé son interlocuteur de la nécessité de ne pas mentionner son lieu d’exercice, que cette information figure sur l’article incriminé. « L’infraction n’est alors pas intentionnelle, remarque Cynthia Gauthier. Dans ce cas, s’il existe un témoin, le vétérinaire est relaxé, mais si tel n’est pas le cas, il risque une sanction disciplinaire. Il en est de même lorsque le vétérinaire ne peut relire le contenu de l’article, et qu’il n’a donc aucune prise sur le contenu rédactionnel lui permettant de vérifier sa conformité par rapport au Code de déontologie. »

Au chapitre des plaintes entre confrères, viennent ensuite les requêtes pour non-confraternité (vingt-neuf cas), les infractions sur les enseignes non conformes (type, dimension, localisation, vingt-six cas), l’exercice illégal (vingt-cinq), les propos diffamatoires et la non-application de la clause de non-concurrence.

82 % des plaintes des présidents des conseils régionaux aboutissent à une sanction

L’action d’office du président d’un conseil régional de l’Ordre contre un praticien installé sur le territoire de son ressort implique plusieurs motifs mêlés et sérieux. Il s’agit le plus souvent d’infractions au Code de la santé publique (contenu rédactionnel des ordonnances, pharmacie, etc.) puis du détournement de clientèle, de compérage, d’ouverture d’un cabinet secondaire sans autorisation. Les actions entamées par les présidents des conseils régionaux aboutissent à une sanction dans 82 % des cas, dont une suspension temporaire du droit d’exercer dans 57 % des cas.

Les plaintes déposées par les DSV impliquent des motifs graves et des sanctions lourdes

Il est finalement assez rare qu’une DSV saisisse l’Ordre à propos des agissements d’un vétérinaire. Seulement vingt-cinq plaintes sont recensées sur la période de 1998 à 2003. Mais il s’agit toujours d’affaires graves, puisqu’elles impliquent généralement la santé publique. Les sanctions sont lourdes. Les principaux motifs de dépôt de plaintes sont les défauts de certification, avec onze cas (comptes rendus d’examens sérologiques, abattage d’urgence, carnets de vaccinations insuffisamment remplis, etc.), puis notamment des prophylaxies mal réalisées (huit cas), des infractions au Code de la santé publique (deux), une tromperie sur le nombre d’actes de prophylaxie réalisés (un) et un manque de correction envers l’autorité administrative (un).

  • (1) « Etude analytique et comparative des jugements rendus par les chambres de discipline », Cynthia Gauthier (T 04), thèse d’exercice soutenue à Toulouse en 2007.

Une fois condamné, faut-il faire appel ?

L’appel dépend, bien entendu, de la sanction de première instance et des chances que donne éventuellement l’avocat. Le taux de confirmation des décisions de première instance est de l’ordre de 40 % en moyenne, tout comme celui de décisions plus clémentes… La chambre supérieure de discipline de l’Ordre n’alourdit les décisions que dans 16 % des cas environ. Elle examine quelque vingt-quatre affaires chaque année, dont près de 40 % font suite à une plainte d’un vétérinaire, 30 % à une plainte du président d’un conseil régional ordinal et 25 % à une plainte d’un usager. Ce dernier chiffre est en constante augmentation.

N. F.
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