Le déclin des grands prédateurs marins déséquilibre la chaîne alimentaire - La Semaine Vétérinaire n° 1345 du 30/01/2009
La Semaine Vétérinaire n° 1345 du 30/01/2009

Cascades trophiques

Formation continue

FAUNE SAUVAGE ET NAC

Auteur(s) : Alain Zecchini

La notion d’effet de risque généré sur les proies commence à être reconnue.

Les requins sont des super-prédateurs. Au sommet de leur pyramide alimentaire, ils se nourrissent de proies plus petites. Mais ils ne sont pas les seuls à occuper cette position. Il en est de même pour de nombreux poissons de grande taille et mammifères marins. Les proies s’alimentent à leur tour avec d’autres espèces, l’ensemble de la chaîne alimentaire étant initiée par le plancton. Quand des changements affectent l’abondance d’un prédateur, des effets en cascade se produisent dans l’ensemble de la communauté écologique qui est la sienne. Ces « cascades trophiques » résultent de deux fonctions propres au prédateur : sa prédation en tant que telle et « l’effet de risque », qui a été souligné chez les espèces marines par des chercheurs américains et canadiens(1).

Les super-prédateurs sont des espèces clés dans leur environnement

L’effet de risque est le comportement d’évitement généré par le prédateur sur les proies. Celles-ci réduisent leurs périodes d’alimentation dans leurs zones habituelles, où le prédateur est actif. Elles peuvent aussi se déplacer vers des zones plus sûres, mais moins riches en ressources, où le prédateur est absent. Dans les deux cas, cette stratégie est coûteuse pour la proie, puisque ses gains énergétiques, résultant de ses prises alimentaires, sont réduits. Mais cela n’empêche pas le fonctionnement de la chaîne alimentaire, car un certain équilibre s’instaure entre toutes les espèces.

Ainsi, les jeunes huîtres de l’espèce Crassostrea virginica sont relativement à l’abri d’un crabe, Panopens herbstii, qui s’en nourrit, car ce crabe est chassé par le poisson-crapaud Opsanus tau, donc l’évite. Jusqu’à 90 % de la survie de ces jeunes huîtres sont liés à cet effet de dissuasion, selon les estimations. Et quand l’évitement est impossible, l’effet de cascade trophique joue pleinement. L’otarie à fourrure de Nouvelle-Zélande, Arctocephalus forsteri, chasse le poisson de récif Cheilodactulus nigripes, ce qui réduit sa pression sur des espèces d’algues. Mais comme il est inféodé à son habitat et ne peut migrer, son déficit alimentaire réduit son taux de croissance, ce qui l’expose davantage à la prédation des otaries. Les facteurs de risque sont influencés par plusieurs paramètres variables. Le premier est l’état énergétique des espèces proies, caractérisé surtout par les réserves de graisse. Les espèces chez qui elles ne sont pas satisfaisantes sont plus susceptibles de succomber au prédateur, en raison d’une moindre vitalité. Leurs populations sont aussi affectées, car le taux de fécondité et/ou la survie des juvéniles sont diminués. A l’inverse, les espèces dont l’état énergétique est favorable peuvent mieux résister au prédateur. Les caractéristiques de vie jouent également un rôle. Les animaux qui ont une longue durée de vie (les tortues, notamment, qui sont des proies pour les requins) investissent plus sur des comportements antiprédateurs que ceux dont la vie est courte. Les différences en termes d’habitats sont parfois déterminantes. Quand des refuges existent, permettant d’échapper momentanément au prédateur, l’effet de risque est moins prononcé. Les espèces peuvent donc exercer plus de pression sur leurs ressources habituelles.

La régulation par la prédation empêche la prolifération des espèces

Ces divers mécanismes sont essentiels pour estimer le rôle des super-prédateurs. Or ces derniers sont largement sur le déclin. La plus récente étude de l’Union mondiale pour la nature (IUCN), en mai 2008, montre que sur vingt-six espèces de requins et de grandes raies pélagiques, onze sont menacées d’extinction. Par ailleurs, la réduction des populations de requins a atteint jusqu’à 90 % dans certaines régions océaniques. Certains pourraient penser qu’il faut se réjouir pour les proies. Mais le constat n’est pas si satisfaisant au regard du fonctionnement global des chaînes alimentaires. Ainsi, l’effondrement des stocks de morues (dû à la surpêche) dans les eaux canadiennes au début des années 90 a permis un accroissement exceptionnel des populations de harengs, de crevettes et de crabes. Mais celles d’autres crustacés et de phytoplancton ont été altérées. Au final, la chaîne alimentaire a été bouleversée, de manière artificielle.

Les menaces qui pèsent sur les grands prédateurs sont largement d’origine humaine. Sur terre, les effets de cascade trophique sont depuis longtemps documentés. Par exemple, les interactions entre les loups, les wapitis et des espèces végétales en Amérique du Nord sont connues. Si les loups disparaissent, les wapitis prolifèrent et les végétaux qu’ils consomment se raréfient, au détriment de l’équilibre écologique. En Afrique, les effets de risque induits par les lions sont aussi étudiés. Mais dans le monde marin, jusqu’à présent, les espèces proies ont été considérées comme “inertes”, tout juste bonnes à se laisser (éventuellement) dévorer par leurs prédateurs. Alors que la période est assez critique pour la biodiversité mondiale, une meilleure compréhension du rôle de tous les super-prédateurs marins serait nécessaire.

  • (1) M. Heithaus et coll. : « Predicting ecological consequences of marine top predator declines », Trends in ecology and evolution, vol. 23, n° 4, 4/3/2008.

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