38 % des élevages distribuent une eau non potable aux dindonneaux nouveau-nés - La Semaine Vétérinaire n° 1344 du 23/01/2009
La Semaine Vétérinaire n° 1344 du 23/01/2009

Enquêtes dans des élevages de dindes

Formation continue

FILIÈRES

Auteur(s) : Catherine Bertin-Cavarait

La disponibilité, la correction de la chimie de l’eau, le nettoyage et la désinfection réguliers des circuits d’eau jusqu’à la dernière pipette sont les garants de l’efficacité des traitements bactériologiques.

Les modifications réglementaires menées depuis 1999 (suppression des additifs antibiotiques et histomonostatiques, etc.) ont eu pour conséquence l’émergence de troubles digestifs chez les volailles. Ces problèmes sanitaires ont entraîné une remise au goût du jour des fondamentaux de l’élevage, notamment la qualité de l’eau de boisson. A ce titre, les enquêtes menées dans les Pays-de-la-Loire au cours des années 2004 et 2005 mettent l’eau de boisson en bonne place dans la liste des facteurs qui expliquent les entérites non spécifiques des dindes.

Une étude réalisée en 2006 dans cinquante bâtiments d’engraissement de dindes du grand Ouest et du centre de la France révèle un taux de pollution bactériologique de l’eau surprenant, quel que soit le niveau d’exigence des seuils retenus, et malgré la réalisation d’une analyse annuelle de l’eau par 90 % des éleveurs inclus dans l’enquête.

Au moment de la mise en place des dindonneaux, 64 % des analyses dépassent la référence « germes totaux » utilisée en médecine humaine et 54 % celle relative à la flore indicatrice (voir tableaux). Toutefois, dans la pratique vétérinaire quotidienne, un taux de 5 germes/100 ml est toléré pour les coliformes totaux, les coliformes fécaux et les streptocoques fécaux. L’application de ces références moins strictes aboutit tout de même à un constat déconcertant : presque 40 % des élevages distribuent une eau bactériologiquement non conforme aux dindonneaux nouveau-nés. La même observation est consignée à trente jours d’élevage.

La chimie de l’eau influe sur l’efficacité des traitements

Cependant, « l’analyse de l’eau de boisson n’est pas suffisante pour juger de sa qualité, a indiqué notre confrère Didier Cleva, du groupe Chêne Vert, lors de la Journée nationale des professionnels de la dinde, organisée à Rennes en juin dernier. Il faut réaliser un audit complet depuis le puits jusqu’à la dernière pipette ou au dernier abreuvoir. » Les sources de pollution doivent être traquées tout au long du circuit d’eau, depuis le forage, le puits, le captage ou l’arrivée d’eau du réseau jusqu’au dernier abreuvoir (voir figure). La première étape de la maîtrise de la qualité de l’eau consiste à limiter l’entrée de particules dans le circuit, c’est-à-dire à protéger les puits (voir photo 1) et les têtes de forage. L’installation d’une vanne de vidange sous la réserve d’eau permet la purge des dépôts de fond de cuve une à deux fois par semaine. La rétention des matières organiques et minérales de l’eau nécessite l’installation, le nettoyage et la désinfection de filtres spécifiques. En outre, il est indispensable de tenir compte de la composition chimique de l’eau, car elle influe sur l’efficacité des traitements bactériologiques. L’étude menée en 2006 met en évidence une eau trop basique favorable au développement bactérien dans la moitié des élevages, et une eau présentant une dureté excessive dans 80 % des cas. L’interaction entre le chlore et le manganèse peut expliquer l’inefficacité d’un traitement de chloration. Dès que la teneur en manganèse dépasse 0,2 à 0,3 mg/l, une démanganisation de l’eau est recommandée. Pour le fer, un taux maximal de 0,5 à 1 mg/l est retenu. La correction de l’équilibre physico-chimique de l’eau garantit l’efficacité des traitements bactériologiques de l’eau, mais également la protection du matériel.

« La chloration est une méthode de traitement économique, simple à contrôler, facile à mettre en œuvre, précise Didier Cleva. La chloration permanente permet de réduire significativement le développement du biofilm, c’est-à-dire la flore totale, et de détruire la totalité des germes en bout de ligne au 30e jour d’élevage, à deux conditions. La première est la présence d’une cuve tampon, la seconde le respect du temps de contact de vingt minutes entre l’eau et le chlore avant la consommation par les animaux. »

La chloration et la peroxydation sont des valeurs sûres

Autre traitement bactériologique permanent, la peroxydation a pour intérêt d’avoir une activité indépendante du pH et de la dureté de l’eau. Son action décapante permet de décoller les biofilms des parois. Toutefois, cet avantage est pondéré par son caractère corrosif vis-à-vis des pièces métalliques. L’analyse de l’efficacité de la chloration et de la peroxydation, faciles à mettre en œuvre en élevage, témoigne de la parfaite corrélation entre la présence de chlore ou de peroxyde résiduel en bout de ligne et la bonne qualité bactériologique de l’eau.

Parmi les autres traitements disponibles, notre confrère retient celui par le dioxyde de chlore (ClO2). Particulièrement efficace, il détruit les biofilms, n’a pas d’odeur, pas de goût rémanent, n’induit pas la formation de composés halogénés, est actif en pH alcalin et est autorisé(1). Toutefois, l’installation d’une station de production de ClO2 implique la manipulation de produits toxiques, dangereux, aux propriétés déflagrantes. En raison de son coût, ce traitement est actuellement utilisé par les élevages dont la consommation d’eau est importante.

Contrairement au traitement par le dioxyde de chlore, le sel de biguanide, efficace en présence de matière organique, n’a pas encore de statut réglementaire clairement défini. Il en est de même pour l’iode, classiquement employée en tant qu’algicide. Par ailleurs, « les spécialistes recommandent de ne pas utiliser les ammoniums quaternaires pour traiter l’eau de boisson, précise Didier Cleva. Un recul de quatre à cinq ans est nécessaire pour évaluer le matériel de traitement de l’eau. » C’est le cas des stations de traitement de l’eau par la production, via l’électrolyse du chlorure de sodium, d’un biocide composé de plusieurs molécules (acide hypochloreux, dioxyde chlore, etc.). Les avantages annoncés de l’électrolyse sont la désinfection, la destruction dubiofilm, lamodificationdu potentiel redox et la possibilité de mesurer le chlore libre.

Les traitements chimiques et bactériologiques de l’eau de boisson doivent impérativement s’accompagner du nettoyage et de la désinfection des circuits d’eau. Réalisés au cours du vide sanitaire, le nettoyage et la désinfection des canalisations, de même que le nettoyage du bac et des abreuvoirs, diminuent significativement la contamination bactériologique de l’eau lors de la mise en place des dindonneaux. Comme pour la désinfection de l’eau, l’efficacité du nettoyage et de la désinfection dépend du respect des doses et du temps d’action des bases, des acides et des désinfectants. « De même, les éleveurs qui nettoient régulièrement les abreuvoirs en cours de lot diminuent le risque de contamination » (voir photo 2).

Les contrôles semestriels ou annuels imposés ne sont pas toujours suffisants

Comme tout aliment, l’eau de boisson des dindonneaux doit aussi répondre aux critères de disponibilité et d’accessibilité. Dès la mise en place, il faut prévoir un grand nombre d’abreuvoirs, visibles et facilement disponibles (voir photo 3). En effet, « jusqu’à quinze jours d’âge, le dindonneau est néophile, c’est-à-dire attiré par la nouveauté, en l’occurrence les abreuvoirs. Après, il devient plutôt néophobe », souligne Didier Cleva. La formation des cryptes intestinales, la maturation des entérocytes, le poids du tube digestif et l’intensité des sécrétions pancréatiques sont étroitement liés à la précocité d’ingestion d’eau et d’aliment, et conditionnent sa viabilité. A un jour, le dindonneau consomme la moitié de son poids en eau, et l’ingestion d’eau équivaut à près de deux fois celle de l’aliment. Des études menées par le groupement de défense sanitaire des Côtes-d’Armor montrent que la qualité bactériologique de l’eau prélevée dans la goulotte sanitaire des abreuvoirs de type cloche est hors normes, même lors d’une chloration maîtrisée. La plupart des démarches qualité en élevage imposent des contrôles semestriels ou annuels de la qualité physico-chimique et bactériologique de l’eau de boisson. Toutefois, elles peuvent être insuffisantes. Notre confrère recommande ainsi de les renouveler dans plusieurs situations : dégradation des performances, difficultés de la tenue de la litière, diarrhées, troubles de l’ossification. En conclusion, Didier Cleva rappelle que l’eau est également un vecteur thérapeutique. A ce titre, l’adjonction de traitements à l’eau de boisson requiert une qualité d’eau adéquate.

  • (1) Directive biocide : directive européenne 98/8/CE, en vue d’établir une liste positive des matières actives utilisables, entre autres, pour le traitement des eaux de boisson.

POUR EN SAVOIR PLUS

• « Eau de boisson en élevage avicole, un levier majeur de réussite », 2007, Chambre régionale des Pays de-la-Loire et Itavi, téléchargeable à l’adresse www.itavi.asso.fr/elevage/alimentation/plaquette_eau.pdf

• « Etude de la variation des paramètres physico-chimiques et microbiologiques de l’eau dans les circuits de distribution en élevage de volailles et influence des moyens de traitement », 2002, étude réalisée par le GDS avicole des Côtes-d’Armor.

CONFÉRENCIER

Didier Cleva, groupe Chêne Vert.

Article rédigé d’après la conférence présentée lors de la Journée nationale des professionnels de la dinde en juin 2008 à Rennes (Ille-et-Vilaine).

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