Le manque de compétitivité des élevages de porcs n’explique pas la stagnation de la production - La Semaine Vétérinaire n° 1343 du 16/01/2009
La Semaine Vétérinaire n° 1343 du 16/01/2009

Economie de la filière porcine

Formation continue

FILIÈRES

Auteur(s) : Catherine Bertin-Cavarait

Les contraintes imposées par la France génèrent des surcoûts importants et figent les structures d’élevage.

Depuis 2000, la croissance de la production porcine française marque le pas, avec un seul point de croissance gagné. Dans le même temps, l’Espagne a enregistré 14 % de progression, l’Allemagne 15 % et le Danemark 19 %. Cette panne française est-elle due à un manque de compétitivité, à un problème de l’amont de la filière ou de l’aval ? Faut-il y voir une traduction économique du contexte sociétal et réglementaire européen ? En septembre dernier, lors des rencontres de l’Institut du porc (Ifip) organisées dans le cadre du Space(1), Christine Roguet, ingénieur à l’Ifip, a analysé les résultats techniques des élevages français, les distorsions de concurrence entre les pays européens, entre l’Union et les pays tiers, et entre les grandes régions européennes de production porcine.

Au regard des critères techniques, les élevages français sont particulièrement compétitifs. En effet, ils se situent en deuxième position, derrière le Danemark (voir tableau). Avec un coût de revient de 1,35 €/kg de carcasse, l’Hexagone est au même rang que le Danemark. Outre-Rhin, ce coût, élevé (1,45 €/kg de carcasse), est compensé par le prix de vente de la carcasse, supérieur de 5 à 8 centimes d’euro par kilo par rapport à celui pratiqué en France, au cours des dernières années(2). « La France est sur le podium, mais pour combien de temps encore ?, s’est interrogée la conférencière. Ne risque- t-elle pas de se faire distancer par le Danemark et les Pays-Bas qui restructurent activement leur outil de production et, plus tard, par l’Allemagne ? »

Durant les dernières années, la concentration de la production s’est intensifiée dans les pays nordiques. Ainsi, en dix ans, les deux tiers des élevages détenant des truies ont disparu au Danemark. 60 % des truies danoises sont élevées dans des exploitations qui en comptent plus de cinq cents. C’est le cas de 36 % des truies aux Pays-Bas et de 17 % des truies en France. En 2005, l’élevage moyen danois détenait quatre cent soixante truies, versus cent soixante-quinze en France, trois cent trente-cinq aux Pays-Bas et cent vingt-cinq en Allemagne.

« Les autres pays européens évoluent sans tabous quant à leur modèle de production », a indiqué l’intervenante. L’état du parc des bâtiments français(3) et la structure des élevages font apparaître un décalage important entre l’Hexagone et les pays du nord de l’Europe. Au Danemark, le coût élevé des bâtiments est compensé par l’excellente productivité du travail. Ainsi, la panne française ne s’explique pas par la compétitivité des élevages français.

Des contraintes françaises réglementaires supérieures aux exigences européennes

Selon Christine Roguet, les contraintes différentes qui s’exercent au sein de l’Union et dans les pays tiers, la problématique des contrôles des importations aux frontières européennes, les transcriptions différentes des directives communautaires entre les pays membres, ainsi que plusieurs règles françaises ont des conséquences sur les coûts et les structures. La réglementation environnementale et l’autorisation des organismes génétiquement modifiés (OGM) dans l’alimentation animale sont deux exemples emblématiques. Ainsi, la réglementation environnementale de la France est plus contraignante que partout ailleurs. A partir de cinquante truies pour un élevage naisseur engraisseur, seuil le plus bas d’Europe, les éleveurs français doivent demander une autorisation d’exploiter, alors que le seuil de deux cent cinquante truies est fixé par la réglementation européenne et appliqué dans le reste de l’Union. Au sein de l’Hexagone, les procédures d’autorisation sont multipliées par cinq. Le coût moyen s’élève à 15 000 € par dossier. Concernant la protection de l’eau et sa teneur en nitrates, le Danemark, les Pays-Bas, l’Allemagne et l’Autriche ont demandé et obtenu des dérogations à la limite d’épandage des 170 unités d’azote par hectare. La surface potentiellement épandable et les zones d’excédents structurels, avec obligation de traitement, sont des particularités françaises. Le traitement du lisier de porc coûte de 8 à 10 centimes d’euro par kilo de porc produit. Les droits à produire s’achètent au minimum 425 € par truie. Ces contraintes conduisent les éleveurs d’une part à autocensurer leurs projets d’élevage, et d’autre part à des structures d’élevage inadaptées au travail et à l’optimisation des performances.

Concernant l’utilisation des OGM dans l’alimentation, les procédures européennes d’autorisation durent deux ans et demi en Europe au lieu de quinze mois aux Etats-Unis, d’où un différentiel de prix entre les matières premières utilisées pour l’alimentation animale. « En cas de généralisation de l’offre d’un soja OGM non encore autorisé en Europe, l’approvisionnement de l’alimentation animale en matière protéique pourrait être mis en cause. » En matière d’étiquetage des aliments contenant des OGM et de vérifications de la présence d’OGM non autorisés en Europe, les contrôles français sont plus stricts et plus précis que les exigences européennes. « Sur le long terme, en figeant les structures d’élevage et en générant des surcoûts importants, les contraintes que s’impose la France ont des conséquences dramatiques pour la production porcine du pays », a conclu Christine Roguet.

  • (1) Voir La Semaine Vétérinaire n° 1341 et 1342 des 2 et 9/1/2009 en page 42.

  • (2) Il est de 1,30 €/kg aux Pays-Bas, 1,07 €/kg aux Etats-Unis et 0,90 €/kg au Brésil.

  • (3) Voir La Semaine Vétérinaire n° 1312-1313 des 25/4 et 2/5/2008 en page 44.

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