Le laser est un outil d’avenir en chirurgie vétérinaire - La Semaine Vétérinaire n° 1341 du 02/01/2009
La Semaine Vétérinaire n° 1341 du 02/01/2009

Equipement chirurgical

Formation continue

ANIMAUX DE COMPAGNIE

Auteur(s) : Antoine Dunié-Mérigot*, Cyrill Poncet**

Fonctions :
*résident de l’European College of Veterinary Surgeons
praticiens au Centre hospitalier vétérinaire Frégis, à Arcueil (Val-de-Marne).
**diplomate de l’European College of Veterinary Surgeons
praticiens au Centre hospitalier vétérinaire Frégis, à Arcueil (Val-de-Marne).

Pratiquée depuis de nombreuses années en médecine humaine, la chirurgie au laser est désormais accessible au vétérinaire, même si son utilité reste méconnue.

Les indications de la chirurgie au laser sont variées. La majorité des lasers sont utilisés pour couper des tissus. Ils ont pour avantages de réduire les saignements en réalisant une hémostase sur des vaisseaux jusqu’à 3 mm de diamètre, de diminuer la douleur postopératoire et l’inflammation, de promouvoir la cicatrisation et de détruire les bactéries. Encore peu répandue en France, la chirurgie au laser a pourtant beaucoup d’avenir devant elle.

Longueur d’onde, fréquence, énergie et puissance définissent le rayon laser

Le terme laser vient de l’anglais light amplification by stimulated emission of radiation (amplification de la lumière par émission stimulée de rayonnement). L’effet laser est un principe d’amplification cohérente de la lumière par émission stimulée (voir bibliographie 1 en page 38). Le laser produit des radiations éléctromagnétiques sous forme de lumière d’une longueur d’onde précise (allant de l’ultraviolet aux infrarouges), donc monochromatique, cohérente et collimatée (voir schéma 1). La longueur d’onde émise dépend du type de milieu dans lequel les photons sont émis (gaz, liquide, cristal, diode). Chaque rayon laser est défini selon sa longueur d’onde (en nanomètres, nm), sa fréquence (en hertz, Hz), son énergie (en joules, J) et sa puissance (en watts, W).

Les lasers pour inciser utilisent une interaction photothermique

La longueur d’onde du rayon laser conditionne son absorption dans la matière (eau, hémoglobine, mélanine). La courbe d’absorption selon les longueurs d’onde est utile pour comprendre ce mécanisme (voir schéma 2). Par exemple, le laser CO2 (10 600 nm) est fortement absorbé dans les tissus qui contiennent de l’eau.

Les lasers employés pour inciser, couper ou retirer des tissus utilisent une interaction photothermique. L’énergie laser, une fois arrivée sur la cible, est convertie en chaleur qui dénature les protéines, induit une vaporisation des tissus (transformés en vapeur et fumée) et permet ainsi la section. Il est impératif de maintenir une certaine tension sur les tissus pour induire leur séparation. Une exposition prolongée des tissus au laser provoque la formation de tissus carbonisés noirâtres, fortement absorbants en énergie. Ce phénomène est donc à éviter en raison du risque de dommages thermiques induits.

La majorité des lasers disposent d’un système varié de délivrance d’énergie (mode continu, pulsé ou superpulsé) qui permet d’affiner et de modeler la quantité d’énergie délivrée au sein des tissus.

Le laser diode est maniable et utilisable en chirurgie vidéo-assistée

Il existe de nombreux types de laser, dont l’utilisation est variée, notamment dans l’industrie. Ne sont développés ici que les lasers médicaux les plus employés en médecine vétérinaire. La majorité des lasers sont utilisés pour couper (énergie photothermique), mais d’autres sont destinés à fragmenter, comme en lithotripsie (énergie photomécanique) ou à tuer des cellules cancéreuses (énergie photodynamique).

Le laser diode délivre une longueur d’onde de 805 ou 980 nm, selon les appareils. Il est comparable au laser Nd YAG (neodymium-doped yttrium aluminium garnet) dont la longueur d’onde est de 1 064 nm. Il est peu absorbé par l’eau et l’hémoglobine. Il coagule des vaisseaux jusqu’à 3 mm de diamètre. Des dommages thermiques induits par ce type de laser sont rapportés jusqu’à 5 mm de profondeur.

Le laser diode s’utilise en mode contact, c’est-à-dire que l’extrémité du laser doit être en contact avec les tissus pour pouvoir être coupés. Facile d’emploi, car très compact, il se manipule comme un stylo (voir photo 1). Sa maniabilité repose sur l’utilisation d’une fibre optique, très légère (voir photos 2 et 3), qui présente l’avantage sur de nombreux lasers de pouvoir passer dans un endoscope et être mise en œuvre en chirurgie vidéo-assistée (retrait de polype gastrique, biopsie, etc.).

Le laser CO2 est rapide et peu délabrant

Le laser CO2 délivre une longueur d’onde de 10 600 nm. Il est fortement absorbé dans les tissus qui contiennent de l’eau, ce qui lui permet de vaporiser facilement tous les tissus richement hydratés. Il coagule des vaisseaux jusqu’à 0,6 mm de diamètre. Les dégâts de nécrose collatérale peuvent n’atteindre que 100 µm si le laser est bien utilisé.

Ce n’est pas un laser de contact : une certaine distance doit être établie avec la cible. Il s’utilise comme un stylo (voir photo 4 en page 36) et dispose d’un bras métallique articulé (voir photo 5 en page 36) sur la plupart des machines, ce qui rend sa maniabilité moins aisée que le laser diode. Il est plus volumineux que ce dernier. Toutefois, il reste meilleur en termes de rapidité, d’hémostase et de préservation des tissus selon l’expérience des auteurs.

Certaines précautions sont indispensables à l’utilisation d’un laser

Le port de lunettes protectrices est indispensable afin de protéger les rétines de tous les opérateurs dans la salle (voir photos 6 et 7 en page 37). L’utilisation d’un aspirateur de fumée est importante, car les fumées émises par le laser sont potentiellement cancérigènes. Les lasers qui coupent à distance (CO2) sont à manipuler avec précaution, car ils peuvent causer des dommages collatéraux. Une protection des tubes endotrachéaux, à l’aide de compresses humides, est obligatoire (la rencontre du laser avec l’O2 peut générer une implosion) si le laser est utilisé au niveau buccal. Des risques d’implosion existent également lorsque le laser est en contact de produits inflammables (alcool, par exemple) ou d’autres gaz comme le méthane (lors de chirurgie anale).

La chirurgie au laser dispose de nombreux avantages (rapidité, hémostase, diminution de l’inflammation et de la douleur, etc.) encore méconnus par les praticiens. Le coût des appareils est désormais abordable par rapport aux cinq dernières années. La courbe d’apprentissage est rapide pour des vétérinaires qui réalisent beaucoup d’interventions, mais nécessite tout de même un minimum de formation.

BIBLIOGRAPHIE

  • 1 - M.D. Lucroy, K.E. Bartels : Surgical lasers, Textbook of Small Animal Surgery, Slatter, WB Saunders, Philadelphia, 3e édition, 2003, pp. 227-235.
  • 2 - T. Holt et coll. : « Soft tissues application of lasers », Vet. Clin. Small Anim., 2002, vol. 32, pp. 569-599.
  • 3 - A. Dunié-Mérigot, B. Bouvy, C. Poncet : « Evaluation of an enlarged palatoplasty with CO2 laser, diode laser, and electrocautery in dogs suffering from brachycephalic airway obstruction syndrome : 60 cases », 2008, ACVS symposium, San Diego (USA).

Indications de la chirurgie au laser

Le laser peut être utilisé pour couper la peau, un organe, etc. (voir bibliographie 2). Il est adapté à de nombreux types de chirurgie.

• Voie d’abord (voir photo 8) : des sections cutanées pour des voies d’abord abdominale, orthopédique ou neurologique sont possibles. Il n’est pas conseillé d’utiliser le laser pour des thoracotomies en raison du risque d’implosion.

• Exérèse de masses cutanées : toute masse cutanée peut être retirée avec le laser. Les indications les plus communes sont les épulis (voir photo 9), les masses anales (voir photo 10), les verrues, les fibrosarcomes, les masses mammaires et bien d’autres.

• Chirurgie respiratoire : le raccourcissement du voile du palais reste l’indication la plus séduisante dans la chirurgie au laser, car elle permet de minimiser l’inflammation postopératoire et les saignements peropératoires (voir photo 11). Cette intervention est pratiquée par les auteurs sur une soixantaine de cas par an, tous réalisés au laser CO2 (voir bibliographie 3). Il peut aussi être utilisé pour la correction de la sténose des narines.

• Chirurgie des othématomes.

• Ovariectomie, prostatectomie, lobectomie hépatique ou biopsie d’organes (sauf tube digestif, car le méthane peut imploser au contact du rayon laser).

• Ophtalmologie : corrections des entropions, distichiasis, ablation de cils ectopiques, voire chirurgies rétiniennes.

D’autres applications sont possibles, notamment pour favoriser la cicatrisation des plaies atones, ou en chirurgie des nouveaux animaux de compagnie. De nombreuses études cliniques sont en cours pour préciser l’intérêt du laser dans de nouvelles indications chirurgicales.

A. D.-M. et C.P.
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