L’abcès précornéen est spécifique des reptiles qui possèdent une lunette supra-oculaire - La Semaine Vétérinaire n° 1340 du 19/12/2008
La Semaine Vétérinaire n° 1340 du 19/12/2008

Chirurgie des reptiles

Formation continue

FAUNE SAUVAGE ET NAC

Auteur(s) : Julien Goin*, Sylvain Larrat**, Emmanuel Risi***

Fonctions :
*centre hospitalier vétérinaire Atlantia, Nantes (Loire-Atlantique). Les auteurs remercient Lionel Schilliger pour son aide à la discussion de ce cas.
**centre hospitalier vétérinaire Atlantia, Nantes (Loire-Atlantique). Les auteurs remercient Lionel Schilliger pour son aide à la discussion de ce cas.
***centre hospitalier vétérinaire Atlantia, Nantes (Loire-Atlantique). Les auteurs remercient Lionel Schilliger pour son aide à la discussion de ce cas.

Le traitement de ce type d’abcès est obligatoirement chirurgical. Il repose sur l’incision de la lunette, qui permet son drainage.

Un python molure (Python molurus bivittatus) mâle d’âge inconnu, mesurant 3 m et pesant 30 kg, est présenté en consultation pour une tuméfaction de la région infra-orbitaire droite. Il s’agit d’un animal d’exposition qui vit avec un congénère de même gabarit dans un terrarium tropical humide. La palpation-pression montre que la région tuméfiée est souple et indolore. Un abcès situé entre la cornée et l’écaille supra-oculaire (écaille transparente qui recouvre la cornée) est présent à droite. Un jetage purulent bilatéral est objectivé par pression des cavités nasales (voir photos 1 et 2). Une stomatite modérée est présente, associée à des pétéchies et des suffusions sur les muqueuses gingivales et palatines. Un débridement chirurgical de l’abcès est envisagé. La contention nécessite l’intervention de trois personnes (une par mètre chez les grands boïdés). L’anesthésie est induite par de l’isoflurane à 5 % au masque et le serpent est intubé avec une sonde de 5 mm de diamètre. L’intubation est facilitée par la position craniale de l’orifice glottique, situé en arrière de la base de la langue, et par l’absence d’épiglotte. L’entretien est assuré par l’inhalation d’isoflurane à 2 %. Le monitoring est permis par capnographie et Doppler cardiaque. L’animal est placé en décubitus latéral gauche et le site opératoire est préparé chirurgicalement.

La glande salivaire, inflammée, est réséquée

Un débridement de l’écaille supra-oculaire est réalisé. Une incision semi-circulaire est effectuée entre 4 et 8 h, puis une seconde selon l’axe vertical de l’écaille (voir photos 3 et 4). Le pus est drainé et l’espace précornéen est rincé à l’aide de NaCl à 0,9 %. Le second débridement concerne la tuméfaction. La voie d’abord est buccale, après avoir récliné la lèvre supérieure droite. Une incision longitudinale de 2 cm est pratiquée à la jonction entre les muqueuses labiale et gingivale. Une structure kystique polylobée est visualisée. Elle correspond à une glande salivaire inflammée, ou sialadénite (voir photo 5). Cette glande est réséquée et la région est curetée et rincée. Une cicatrisation par seconde intention est envisagée.

Le réveil a lieu dans un terrarium d’hospitalisation chauffé à 30 °C. Des soins hygiéniques locaux de l’œil et une antibiothérapie sont mis en place (enrofloxacine à la dose de 5 mg/kg/48 h administrés par voie intramusculaire pendant quinze jours).

L’écaille cornéenne est imperméable à de nombreux topiques oculaires

L’œil des serpents présente plusieurs caractéristiques anatomiques (voir schéma). Le globe oculaire est petit et sa mobilité est réduite. Les paupières sont absentes et remplacées par une écaille transparente, l’écaille supra-oculaire ou lunette précornéenne. Comme toutes les écailles, elle est renouvelée cycliquement lors de la mue et protège des traumatismes et de la dessiccation. Elle est imperméable à de nombreux topiques oculaires. L’espace précornéen est baigné par les sécrétions lacrymales de la glande de Harder et de la glande lacrymale, qui sont évacuées via un canal lacrymal qui débouche dans le palais, près de l’organe de Jacobson. L’iris est doté d’une musculature squelettique à contrôle volontaire. Le réflexe photomoteur ne peut donc pas être évalué et l’emploi de mydriatiques est inefficace. La vision est globalement peu développée, compensée par d’autres organes sensoriels : organe de Jacobson pour l’olfaction, fossettes loréales des pythons et des crotales pour la thermoception, la perception des vibrations du sol, etc.

L’abcès précornéen peut être confondu avec la coloration observée pendant la mue

L’abcès précornéen est une affection spécifique des reptiles qui possèdent une lunette précornéenne, c’est-à-dire tous les serpents et les geckos arboricoles typiques (Gekko sp., Uroplatus sp., Rhacodactylus sp., etc.). Il se traduit par une opacification au niveau de la lunette. Cette dernière est à différencier de l’opacification physiologique de la lunette qui devient bleu-gris pendant la mue.

L’abcès est généralement secondaire à une infection ascendante via le canal lacrymal lors de stomatite infectieuse. Les germes impliqués appartiennent à la flore buccale et sont généralement Gram négatif (Pseudomonas sp., Aeromonas sp., etc.). D’autres causes existent, comme un traumatisme septique de la lunette (parasitose, morsure d’un congénère ou d’une proie), une infection par voie hématogène (septicémie), etc. Les complications sont la compression du globe oculaire, la panophtalmie et l’extension locale de l’infection aux autres structures de l’hémiface (comme la sialadénite), en raison de la conformation ajourée de la boîte crânienne des serpents.

Le traitement de l’abcès précornéen est chirurgical et repose sur l’incision de la lunette, qui permet son drainage. Cette incision est réalisée sur 30° en partie déclive, à l’angle inférieur de l’œil. Dans le cas décrit, une incision en T a été choisie pour optimiser le drainage. Un flush à l’aide d’un soluté isotonique tiédi additionné d’un antiseptique assure le nettoyage de l’espace précornéen. Trois mois au minimum sont nécessaires à la cicatrisation. Les mues ultérieures permettent le retour d’une lunette intègre et transparente. Une antibiothérapie parentérale et locale est indispensable. Le traitement étiologique est également incontournable.

Fiche de maintenance

Python molurus bivittatus (python molure de Birmanie, python birman ; en anglais : burmese python)

I. Présentation de l’espèce

• Aire de répartition : Asie du Sud (Birmanie, Cambodge, Laos, Thaïlande, Vietnam, Indonésie, Bornéo, etc.) ; introduction aux Etats-Unis (Floride).

• Biotope : forêts tropicales, zones boisées.

• Mode de vie : terrestre à semi-arboricole, nocturne.

• Morphologie : l’un des pythons les plus massifs élevés en captivité. Le gabarit moyen est de 4 m pour 50 kg. Il peut faire jusqu’à 6 m.

• Robe : couleur de fond brun, avec des taches rectangulaires sur le corps et une tache en flèche sur la tête, de couleur marron et cerclées de noir.

• Longévité : en moyenne quinze ans en captivité.

• Caractère : généralement peu actif et peu agressif, il fait partie des espèces habituellement utilisées pour l’exposition ou la présentation au public, notamment en ce qui concerne la variété albinos. Il faut toutefois le manipuler avec prudence, en raison de son gabarit et des morsures douloureuses qu’il est capable d’infliger. Sa contention, comme celle de tous les grands boïdés, nécessite une personne par mètre d’animal.

• Régime alimentaire : carnivore comme tous les serpents, son alimentation en captivité est composée de souris, de rats, de cobayes, de lapins selon la taille du spécimen.

II. Paramètres de maintenance en captivité

• Terrarium : il doit être suffisamment spacieux en raison de la grande taille du serpent. Son comportement peu actif permet toutefois de le maintenir dans des volumes relativement restreints : un terrarium de 200 x 100 x 100 cm est un minimum pour un individu adulte. Les parois et les vitres doivent avoir une épaisseur suffisante pour résister aux poussées de l’animal.

• Température diurne : gradient thermique, composé d’un point chaud à 32-35 °C et d’un point froid à 26-27 °C.

• Température nocturne : gradient thermique, composé d’un point chaud à 28 °C et d’un point froid à 25 °C, ou température uniforme de 26 °C.

• Hygrométrie : 70 à 80 %.

• Eclairage : douze heures de jour/douze heures de nuit. Un éclairage important et les UVB sont inutiles pour cette espèce nocturne.

• Difficulté d’élevage : ce serpent robuste est globalement facile à élever. Le principal écueil est lié à sa grande taille (nécessité d’un vaste terrarium, de grosses proies et dangerosité potentielle).

III. Reproduction

• Dimorphisme sexuel : la femelle est plus grande et ses ergots (petites expansions situées latéralement au cloaque, et correspondant aux reliquats de la ceinture pelvienne) moins prononcés. Comme pour tous les serpents, la méthode de sexage la plus sûre est le sondage des poches hémipéniennes. Cette technique consiste à introduire une sonde en inox à embout rond et atraumatique au niveau du cloaque. Chez le mâle, la sonde s’enfonce sur une distance plus importante que chez la femelle en raison de la présence de deux poches hémipéniennes contenant les deux hémipénis (organes copulateurs des serpents).

• Maturité sexuelle : entre deux et trois ans (à partir d’une taille de 4 m environ).

• Parade sexuelle : le mâle stimule le dernier tiers corporel de la femelle avec ses ergots, puis les deux partenaires enlacent cette partie de leur corps, cloaque contre cloaque. L’accouplement peut durer plusieurs heures.

• Paramètres de reproduction : une période de repos facultative de deux mois à 20 °C est intéressante pour stimuler les partenaires avant l’accouplement.

• Mode de reproduction : ovipare, comme tous les pythons. La durée de gestation est comprise entre 100 à 150 jours de gestation pendant lesquels la femelle prend peu à peu de l’embonpoint. Elle cessera de s’alimenter plusieurs jours avant la ponte en raison de la compression du tractus digestif engendrée par la présence des œufs.

• Nombre d’œufs : 12 à 60 œufs, selon la taille de la femelle.

• Incubation : 2 à 2,5 mois, lorsque les œufs sont placés en incubateur à une température de 28 à 32 °C et entre 70 et 80 % d’hygrométrie. A l’état sauvage, la femelle couve et assure le maintien d’une température relativement constante par le biais de petites contractions musculaires. Le nouveau-né mesure entre 50 et 60 cm. La naissance de plusieurs individus au sein d’une même ponte peut différer de deux à quatre jours. Comme chez tous les serpents, le nouveau-né fend la coquille à l’aide de la “dent de l’œuf”, excroissance cornée située sur le rostre, qui tombera quelques jours après l’éclosion.

• Difficulté de reproduction : reproduction facile et fréquente en captivité.

IV. Réglementation et mesure de protection

• Réglementation internationale : annexe II de la Cites.

• Réglementation européenne : annexe B.

• Commercialisation en France : espèce couramment proposée à la vente en animalerie spécialisée.

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