Le rôle prépondérant de la varroase dans la mortalité des abeilles est mis en exergue - La Semaine Vétérinaire n° 1339 du 12/12/2008
La Semaine Vétérinaire n° 1339 du 12/12/2008

Filière apicole

Formation continue

FILIÈRES

Auteur(s) : Nicolas Vidal-Naquet

Une étude rétrospective sur vingt ans insiste sur la mise en œuvre méticuleuse du traitement de cette maladie et minimise le rôle possible et probable des pesticides dans les pertes de colonies.

Une étude de l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments (Afssa) de Sophia-Antipolis sur la pathologie des abeilles et les causes majeures de mortalité des colonies en France a été publiée dans le Bulletin de l'Académie vétérinaire, en juillet dernier(1). Selon les auteurs, différentes enquêtes réalisées sur le territoire depuis 1987 montrent une corrélation entre la mortalité hivernale et les maladies des insectes. A l'exception de celle de 1987 qui ne décrit pas les symptômes de mortalité des colonies, les signes constatés lors des enquêtes suivantes sont similaires : des ruches retrouvées vides avec quelques abeilles mortes devant et dedans, des petites grappes d'abeilles mortes dans la partie supérieure des cadres, de fortes réserves de miel et souvent des pains d'abeille.

En 1987-1988, l'enquête de terrain a concerné dix-sept ruchers situés dans dix départements. Elle met en évidence des pertes de 20 à 70 % des colonies dans un tiers d'entre eux et un contact permanent avec des résidus chimiques. Elle confirme également que l'automne est une période critique pour les colonies, avec une intensification des maladies infectieuses comme la varroase et la nosémose.

Au cours des hivers 1999 et 2000, quarante et un élevages apicoles, situés dans dix-neuf départements, ont sollicité l'Afssa de Sophia-Antipolis, en raison de fortes mortalités ou d'affaiblissement des colonies. La varroase s'est révélée l'affection dominante dans cette enquête, en relation avec l'utilisation de traitements acaricides insuffisamment efficaces, soulignent les auteurs. La nosémose, des cas de paralysie chronique, les loques américaine et européenne, et les mycoses sont aussi évoqués comme des causes de mortalité.

Durant la période 2002-2005, la mortalité est qualifiée de non exceptionnelle

Durant les années 2002 à 2005, l'étude multifactorielle prospective des troubles de l'abeille, réalisée sur cinq ruches de cinq ruchers dans cinq départements, aboutit à sept conclusions :

– « l'absence d'effondrements de la population des colonies tels que décrits par différents apiculteurs lors de l'exploitation de certaines miellées (pas de disparition soudaine et importante des abeilles) ;

– une mortalité hivernale ou une mortalité durant la saison apicole située dans l'intervalle considéré comme non exceptionnel en apiculture ;

– la présence de maladies ou d'agents pathogènes expliquant pour partie les mortalités constatées ;

– des anomalies (qualifiées de problèmes de reine) pouvant expliquer les autres causes de mortalité des colonies. L'origine de ces anomalies peut être rattachée à des maladies propres à la reine (nosémose), à l'exposition de la reine à des résidus de pesticides à travers les matrices apicoles, à la toxicité des traitements vétérinaires ;

– la présence, dans l'ensemble des matrices apicoles, de résidus de pesticides à des doses particulièrement faibles. Les résidus les plus importants, en fréquence de présence, sont l'imidaclopride (apport exogène) et le coumaphos (apport endogène dû au traitement de la varroase). La présence des résidus d'imidaclopride dans les matrices apicoles n'a pas entraîné de mortalité aiguë de colonies ou d'abeilles, comme cela avait déjà été démontré en 2005 lors d'une expérimentation de nourrissement des colonies avec du sirop contaminé (Faucon et coll., 2005) ;

– la présence simultanée de divers résidus de pesticides d'une part et de résidus de pesticides et d'agents pathogènes d'autre part ;

– l'absence de traitement contre la varroase ou l'utilisation d'un traitement insuffisamment efficace. »

En 2007, le virus de l'IAPV est détecté pour la première fois en France

En 2005-2006, des taux importants de mortalité hivernale de colonies d'abeilles sont déclarés dans les Alpes-de-Haute-Provence, puis dans treize départements. L'étude du cas témoin des Alpes-de-Haute-Provence révèle que la varroase seule est impliquée dans la mortalité observée. Dans les treize autres départements, varroase, loques, nosémose et acariose des trachées sont décelées. Aucun résidu toxique ni pesticide n'est retrouvé.

Par ailleurs, pendant l'hiver 2007-2008, de nombreux cas de pertes de colonies sont recensés et déclarés au laboratoire de l'Afssa de Sophia-Antipolis, bien plus que les années précédentes. Le virus de la paralysie aiguë de souche israélienne (IAPV) est identifié pour la première fois en France (Lozère). En outre, une forte infestation par Nosema ceranae, la loque américaine et la loque européenne est aussi notée dans les colonies mortes.

L'intoxication aiguë et chronique par les pesticides divise les experts

L'article du Bulletin de l'Académie vétérinaire est intéressant, car il insiste, à juste titre, sur le varroa et ses dangers. Il s'attarde aussi sur le traitement contre le varroa, qui doit être réalisé dans les règles de l'art. Les spécialistes ont abouti à un consensus pour conseiller la mise en place de deux traitements (bithérapie). Le premier s'effectue à l'aide de lanières posées pendant dix semaines après la dernière miellée selon un positionnement optimal et un repositionnement à mi-traitement si nécessaire (car la grappe hivernale peut migrer en dehors de l'action des lanières). Le second est un traitement unique à couvain ouvert qui permettra de contrôler l'efficacité du premier et de le compléter (acide formique, acide oxalique).

Cependant, dans cette étude, les pesticides sont rejetés comme cause possible de mortalité. Pourtant, l'enquête multifactorielle 2002-2005 sur les troubles de l'abeille met en évidence des résidus de pesticides dans les matrices apicoles (même si peu de ruches sont incluses dans ce travail, retrouver des pesticides est significatif). Si Jean-Paul Faucon rappelle que le Gaucho® (imidaclopride) et le Régent® (fipronil) sont retirés du marché (respectivement en 1999 et 2004), il insiste sur le fait qu'en 2005-2006, « rien ne permet d'affirmer la possibilité d'intoxication aiguë, car rien n'a été trouvé dans les recherches effectuées ». C'est là tout le problème des intoxications aiguës : les symptômes sont évocateurs, mais les résultats d'analyses sur les prélèvements sont souvent négatifs. Peut-être faudra-t-il imaginer d'autres types de recherches.

Des cas d'intoxications aigus ont été mis en évidence au printemps dernier dans le Nord-Est. Ils concernent des abeilles contaminées avec de la clothianidine, pourtant interdite en France...

Par ailleurs, Jean-Paul Faucon rappelle que son étude de nourrissement avec de l'imidaclopride, en 2005, conclut à la non-toxicité de cette molécule. Or elle est aujourd'hui controversée(2). Il évoque de nombreuses maladies pour expliquer les pertes de colonies, mais oublie une cause probablement importante : l'intoxication chronique. Par ailleurs, cette étude évoque l'exposition de la reine à des « résidus de pesticides à travers les matrices apicoles », notamment, comme un motif possible des troubles observés chez cette dernière. L'auteur est donc conscient de la toxicité chronique potentielle des matrices apicoles qui contiennent des résidus de pesticides, voire de traitements vétérinaires. Si ces résidus sont toxiques pour la reine, pourquoi ne le seraient-ils pas pour les ouvrières qui restent quand même dans la ruche plusieurs semaines en été avant d'aller butiner, ou quelques mois l'hiver ?

D'autre part, une étude multifactorielle prospective des troubles de l'abeille (EMP), réalisée par l'Afssa en 2005, montre que plus de la moitié des pollens sont contaminés par l'imidaclopride et par le fipronil et/ou par leurs métabolites respectifs. Elle met en outre en évidence que les miels analysés sont également contaminés par de l'imidaclopride. Si ces contaminations sont certes à des niveaux inférieurs aux DL50 (toxicité aiguë), ces substances sont des insecticides et les abeilles des insectes.

Une possible toxicité chronique, qui affaiblirait les colonies, ne peut donc être exclue. « Il a été montré à de nombreuses reprises que des doses sublétales ont des effets délétères sur le comportement des individus », souligne d'ailleurs le rapport.

L'affaiblissement des colonies favorise l'apparition de maladies opportunistes

La colonie d'abeilles est en équilibre. Si un ou plusieurs éléments viennent la déséquilibrer, les maladies opportunistes pourront alors se développer. L'un de ces éléments est le varroa. Il est donc absolument nécessaire de lutter contre cet acarien de manière adéquate. Mais les pesticides auxquels les abeilles sont soumises ne peuvent-ils pas constituer un autre élément ? Il est aujourd'hui admis que la toxicité de doses minimes d'insecticides augmente particulièrement avec des fungicides utilisés en agriculture. Chroniquement intoxiquée, la colonie se désorganise et virus, bactéries, fungidés, etc., peuvent alors se développer. La mise en cause du varroa comme unique cause des problèmes des ruches est probablement à reconsidérer.

Les milieux de vie de l'abeille sont de plus en plus contaminés (monocultures, etc.). Il est donc difficile d'appréhender les causes de mortalité des abeilles ou d'affaiblissement de colonies en raison de l'action synergique des pesticides.

  • (1) J.-P. Faucon, M.-P. Chauzat : « Varroase et autres maladies des abeilles : causes majeures de mortalité des colonies en France », Bulletin de l'Académie vétérinaire de France, juillet 2008, tome 161, n° 3, pp. 257-263.

  • (2) Voir La santé de l'abeille, septembre-octobre 2008 (www.apivet.eu/la-bataille-de-limidaclop.html).

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