La nature de l’agent infectieux en cause dans les maladies à prions fait débat - La Semaine Vétérinaire n° 1338 du 05/12/2008
La Semaine Vétérinaire n° 1338 du 05/12/2008

Encéphalopathies subaiguës spongiformes transmissibles

Formation continue

RURALE

Auteur(s) : Karim Adjou

Deux hypothèses principales s’affrontent, mais une expérience récente a finalement fourni un argument irréfutable à porter au crédit de l’hypothèse protéique.

Les encéphalopathies subaiguës spongiformes transmissibles (ESST), communément appelées maladies à prions, sont des affections lentes neurodégénératives transmissibles strictement confinées au système nerveux central. Elles touchent à la fois l’homme (maladie de Creutzfeldt-Jakob) et l’animal (tremblante, encéphalopathie spongiforme bovine). Les ESST sont caractérisées par l’accumulation dans le cerveau de la forme anormale (la protéine prion résistante, ou PrPres) d’une protéine normale de l’hôte, la protéine prion cellulaire (PrPc). La PrPres constitue le seul marqueur spécifique des maladies à prions (voir ci-contre).

Une école “virale” opposée à une école “prion”

Peu après la découverte de ce type de maladies, l’agent infectieux responsable des ESST a été classé parmi les agents transmissibles non conventionnels (ATNC), sans que sa nature soit réellement connue. Par la suite, en étudiant les données épidémiologiques et les propriétés physico-chimiques et biologiques de ces agents dont la résistance à l’inactivation est exceptionnelle, deux écoles se sont opposées : l’école “virale” et l’école “prion”, pour laquelle l’agent transmissible non conventionnel serait de nature uniquement protéique. Au fur et à mesure, cette dernière hypothèse a pris le dessus, même si certaines propriétés du prion restent inexpliquées. En effet, son infectiosité ne coïncide pas vraiment avec sa nature, présumée entièrement protéique. Cependant, des organismes dépourvus de PrPc (souris knock-out pour le gène Prnp) sont résistants à l’infection par le prion, ce qui est compatible avec la nature entièrement protéique du prion, mais également avec l’hypothèse virale. En effet, la PrPc pourrait être un récepteur pour un virus encore non identifié, dont l’ablation entraînerait une résistance virale.

Des découvertes récentes en faveur de l’hypothèse protéique

Une preuve irréfutable que la PrPres seule serait nécessaire et suffisante pour produire la maladie serait la démonstration de l’infectiosité (par inoculation à l’animal de laboratoire, par exemple) d’une PrPres produite in vitro. Chez les levures, il a été démontré qu’une protéine de type prion, Sup35, est capable de transformer des cellules normales en leur homologue “prion”. Sup35 peut également se présenter sous forme de fibrilles. Cette expérience supporte l’hypothèse de la “protéine seule”.

Une expérience récente a finalement fourni cet argument au crédit de l’hypothèse du prion. En effet, une PrPres synthétisée in vitro par protein misfolding cyclic amplification (PMCA), à partir d’un échantillon de cerveau de hamster infecté par la souche 263K de la tremblante et injectée par voie intracérébrale à des hamsters “sauvages” (c’est-à-dire non modifiés génétiquement), provoque chez ces animaux des symptômes typiques de la tremblante (hyperactivité, déficience motrice, faiblesse musculaire et perte de poids). Les lésions retrouvées chez ces hamsters et chez des animaux infectés par une PrPres “naturelle” présentent les mêmes profils de répartition de la PrPres, de l’astrogliose et de vacuolation. Cette protéine présente une mobilité en Western blot et un profil de glycosylation identiques à ceux de la PrPres naturelle. Les deux protéines ont le même site de clivage lors de la digestion par la protéinase K et leur profil de résistance à cette protéase est identique. Elles sont toutes deux insolubles dans les détergents non ioniques et sont sensibles de manière identique aux agents chaotropiques. Elles présentent également des spectres très proches en spectroscopie infrarouge à transformée de Fourier et forment des prion rods de 10 à 20 nm de diamètre et 50 à 100 nm de longueur. En outre, elles sont toutes deux capables de produire la conversion de la PrPc en PrPres. Cette découverte prouve maintenant, de manière quasiment irréfutable, que l’agent infectieux responsable des ESST est bien une protéine.

Spiroplasma, une solution diagnostique d’avenir ?

En outre, une fraction amplifiée par PCR d’ARNr 16S de Spiroplasma sp a été mise en évidence dans des cerveaux de personnes atteintes de la maladie de Creutzfeldt-Jakob (MCJ), alors qu’elle n’a jamais été retrouvée dans des cerveaux sains. Cet élément est un procaryote qui appartient à l’ordre des Mollicutes, capable d’induire expérimentalement une infection cérébrale persistante chez les rongeurs et de provoquer des lésions spongiformes comparables à celles observées dans les cerveaux des malades de MCJ. De plus, plusieurs protéines de Spiroplasma interviennent dans des réactions croisées avec les anticorps polyclonaux anti-tremblante sur les Western blot. D’où l’idée que ce procaryote pourrait être le chaînon manquant entre la PrPres et l’infectiosité.

Cependant, la même recherche sur des cerveaux de moutons atteints de tremblante s’est révélée moins concluante : certains possédaient le fragment, d’autres non. Chez ces derniers, soit Spiroplasma n’était pas présente, soit elle n’a pu être détectée parce qu’elle appartenait à une souche différente, par exemple.

A ce stade, il est impossible de dire si le procaryote favorise la conversion de la PrPc en PrPres ou est une conséquence des ESST. Cependant, si cette association entre le prion et Spiroplasma est confirmée (notamment par des méthodes de séquençage), cela constituerait un moyen facile de diagnostiquer les ESST par simple polymerase chain reaction (PCR).

Ainsi, quel que soit le facteur étiologique des agents transmissibles non conventionnels, les tentatives pour le mettre en évidence ont permis de montrer que la PrPres est fortement liée aux titres infectieux et qu’elle est un facteur primordial dans la susceptibilité aux ESST. Les procédés de purification de la PrPres peuvent ainsi constituer une alternative à la mesure des titres infectieux dans les organes des espèces infectées. Ils ont donc des conséquences en termes de diagnostic clinique et préclinique et au niveau de la compréhension de la physiopathologie des ESST.

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