La génétique moléculaire est l’alliée de l’ophtalmologiste - La Semaine Vétérinaire n° 1337 du 28/11/2008
La Semaine Vétérinaire n° 1337 du 28/11/2008

Actualités sur les rétinopathies canines

Formation continue

ANIMAUX DE COMPAGNIE

Auteur(s) : Philippe Pilorge

Fonctions : Secrétaire de la Société française d'études et de recherches en ophtalmologie vétérinaire (Sferov), praticien à Rennes (Ille-et-Vilaine).

Deux maladies rétiniennes viennent de livrer leurs secrets grâce aux progrès de cette discipline.

Les outils de biologie moléculaire ont récemment permis de confirmer le lien entre la dysplasie oculo-squelettique et la dysplasie de la rétine chez le labrador et le samoyède. Elles correspondent en fait à une même mutation génétique, sur les deux allèles pour la première, sur un seul pour la seconde. En outre, les cécités diurnes, qui sont la conséquence inhabituelle d’une atteinte primaire des cônes et d’une atteinte secondaire des bâtonnets, disposent dorénavant d’un test génétique chez le teckel nain à poils longs et bientôt chez celui à poils durs.

La dysplasie de la rétine représente la forme mineure de la dysplasie oculo-squelettique

Deux affections cliniques différentes trouvent leur origine dans la même mutation et font l’objet de deux nouveaux tests génétiques chez le labrador et le samoyède. Une première affection, la dysplasie oculo-squelettique (OSD) est connue dans ces deux races. Elle se manifeste, durant les premiers mois de la vie, par une ostéochondrose qui entraîne un nanisme, avec notamment une déformation des membres antérieurs (voir bibliographie 1). Elle s’accompagne de malformations oculaires, principalement des cataractes, des dysplasies du vitré et des décollements de la rétine. Une autre affection, la dysplasie de la rétine (RD), touche ces deux races, mais aussi une trentaine d’autres (voir tableau). Elle se manifeste par la présence de plis de la rétine, linéaires ou multiformes (voir photos 1 et 2), dès le plus jeune âge (quelques semaines). Ces plis, ou parfois plages, sont exceptionnellement évolutifs, donc peu préjudiciables pour la vision. Certains disparaissent même avec la croissance.

La société Optigen(1) a annoncé la découverte du gène impliqué dans cette affection et commercialise un test ADN de mutation pour chacune des races. Cela signifie que les deux mutations, celle du labrador et celle du samoyède, sont identifiées, même si aucune publication scientifique n’est encore rendue publique, comme c’est souvent le cas lorsqu’un brevet commercial est en cours de dépôt.

L’atteinte des deux races par deux formes non alléliques (deux mutations à des loci différents) est déjà établie (voir bibliographie 2). Un lien entre certains chiens atteints de dysplasie de la rétine (plis rétiniens) et des individus apparentés présentant une dysplasie oculo-squelettique (nanisme) est également connu. En outre, l’hypothèse que la première soit l’expression de la maladie chez les hétérozygotes (Aa) et la seconde son expression chez les homozygotes mutés (aa) est émise. La dysplasie de la rétine serait donc partiellement dominante et la dysplasie oculo-squelettique récessive (voir bibliographie 3). Il est donc possible d’affirmer que la dysplasie de la rétine représente la forme mineure de la dysplasie oculo-squelettique chez le labrador et le samoyède.

Les recherches corroborent ainsi ce que les praticiens pressentaient et confirment ce qui constitue une nouvelle originalité dans la famille complexe des maladies génétiques.

La connaissance des dystrophies cônes-batonnets se précise

La majorité des rétinopathies canines sont des atrophies progressives de la rétine, équivalentes aux rétinites pigmentaires chez l’homme (voir bibliographie 4). Elles concernent une centaine de races et se développent le plus souvent chez l’adulte. Elles provoquent initialement une cécité nocturne due à l’atteinte des bâtonnets. Les cônes dégénèrent ensuite. L’aspect du fond d’œil à l’ophtalmoscopie est considéré comme classique, avec une diminution de la vascularisation rétinienne et l’apparition d’une hyperréflectivité de la totalité ou d’une partie du tapis choroïdien (voir photos 3 et 4). Il existe des atrophies progressives de la rétine précoces, qui surviennent chez le chiot, et des formes tardives, qui apparaissant après quatre ou cinq ans.

Toutefois, un petit nombre de ces affections se distingue par une forme clinique différente, avec une cécité diurne précoce qui correspond à une atteinte primaire des cônes et une atteinte secondaire assez lente des bâtonnets (voir bibliographie 5 et courbes). Ce sont les dystrophies cônes-batonnets, équivalentes aux amauroses de Leber chez l’enfant (voir bibliographie 4). Seulement trois races canines sont connues pour présenter ce type de dystrophie : le teckel nain à poils longs, le teckel à poils durs et le pitbull terrier (voir bibliographie 6). La mutation incriminée chez le premier a été décrite en 2006 et consiste en une insertion de quarante-quatre paires de base dans l’exon 2 du gène RPGRIP1 (voir bibliographie 4). Pour le teckel à poils durs, la mutation a été récemment identifiée (voir bibliographie 6) comme une délétion de cent quatre-vingts paires de bases dans le gène NPHP4, situé sur le chromosome 5 (CFA5). Cette fois la publication d’une nouvelle mutation intervient alors qu’aucun test n’est encore commercialisé. La mutation incriminée chez le pitbull terrier n’est pas encore identifiée (voir bibliographie 7).

Les progrès en génétique moléculaire et le récent séquençage du génome canin permettent à la fois l’élaboration de tests ADN de dépistage en médecine vétérinaire et la perspective de thérapie génique chez l’homme. Ils constituent également une aide précieuse pour les praticiens dans le cadre de la classification et de la compréhension de certaines affections complexes, comme les rétinopathies dont plus d’une centaine de formes sont aujourd’hui connues.

Définition du génotype

Le génotype est le statut allélique d’un individu à un locus donné. Pour une mutation, il ne peut donc prendre que trois formes : homozygote sain (AA), hétérozygote (Aa) ou homozygote muté (aa). Dans le cas d’une mutation récessive, le test ne peut ainsi donner que trois résultats : normal (AA), porteur (Aa) ou atteint (aa).

Pour une mutation dominante, le résultat sera soit normal (AA), soit atteint (Aa et aa).

P. P.

BIBLIOGRAPHIE

  • 1 - L.F. Rubin : « Inherited eye diseases in purebreed dogs », Baltimore, Williams et Wilkins.
  • 2 - Pellegrini et coll., Gene, 2002, vol. 282, pp. 121-131.
  • 3 - G.M. Acland et G.D. Aguirre : « Inherited retinal degeneration in the labrador retriever dog. A new animal model of RP ? », Invest. Ophthalmol. Vis Sci., 1991, vol. 32, n° 4.
  • 4 - Mellersh et coll., Genomics, 2006, vol. 88, pp. 293-301.
  • 5 - Ropstad et coll., Vet. Opht., 2007, vol. 10, pp. 69-75.
  • 6 - Wiik et coll., Genome Res., 2008, vol. 18, pp.1415-1421.
  • 7 - Kijas et coll., Mol. Vis., 2004, vol. 10, pp. 223-232.
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