L’usage des thermomètres à infrarouge en élevage porcin divise les scientifiques

La surveillance sanitaire des animaux constitue l’un des maillons essentiels d’un bon suivi d’élevage. La prise de température rectale est un acte de base de cette surveillance. Cependant, elle est souvent négligée, car fastidieuse en pratique. Plusieurs techniques alternatives ont été proposées. L’emploi d’un thermographe à infrarouge pour la mesure de la température cutanée des porcs est une méthode séduisante, car rapide et sans contact avec les animaux, ce qui permet, en théorie, d’éviter certains artefacts comme une élévation de température due au stress. Elle est en outre moins fatigante pour l’opérateur et diminue le risque d’accidents. Par des moyens différents, deux équipes ont cherché à évaluer la pertinence des résultats obtenus à l’aide d’un appareil à infrarouge en les comparant à ceux issus de la lecture d’un thermomètre classique utilisé par voie rectale.

Une équipe danoise (^{voir bibliographie 1}) a contrôlé quatre-vingt-quinze porcs à l’aide de chacun des deux instruments. Treize avaient une température rectale supérieure à 40 °C, dont trois plus de 40,5 °C. Le thermomètre à infrarouge a désigné quatre porcs en hyperthermie, dont un seul l’était réellement. Les auteurs concluent qu’il n’existe pas de corrélation entre les résultats des deux méthodes.

Les travaux de l’équipe tchèque apportent des résultats contradictoires

L’étude d’une équipe tchèque (^{voir bibliographie 2}) a consisté à effectuer les deux mêmes types de mesures, d’une part sur une série de quatre-vingts porcs âgés de dix semaines, d’autre part chez quarante-cinq truies. Cette fois, ils n’ont pas fixé de seuil, mais ont pris en compte les deux valeurs numériques obtenues pour chaque animal et ont recherché l’existence d’une éventuelle corrélation statistique. Cette expérimentation apporte plusieurs enseignements. Une corrélation statistiquement significative existe entre les deux types de mesures lorsqu’elles sont prises chez les truies. Cependant, le coefficient de corrélation est faible (0,19) et la représentation graphique des résultats donne un nuage de points assez large. Pour les truies comme pour les porcs charcutiers, la variabilité des valeurs obtenues par infrarouge est deux fois supérieure à celle des données de température rectale. En outre, bien que la répartition graphique des données obtenues chez les porcs charcutiers soit proche de celle observée chez les truies, il n’existe pas de corrélation significative entre les résultats des deux types d’appareil pour cette catégorie d’animaux. Les auteurs concluent néanmoins à l’intérêt de la télémétrie par l’infrarouge, décrite comme « une méthode utile et pratique de détection (screening) chez le porc ».

Le matériel utilisé est chaque fois différent, mais les observations confirment néanmoins les travaux d’autres auteurs. Même lorsqu’il existe une relation statistique entre la température rectale et la température cutanée relevée par infrarouge, le coefficient de corrélation est faible. Tout au plus cette méthode pourrait-elle être utilisée pour une évaluation de groupe (détection rapide d’animaux majoritairement malades), ce qui en limite beaucoup l’intérêt. Ces deux études sont l’occasion de rappeler que la subjectivité n’est pas absente des travaux scientifiques. A partir de résultats assez comparables, les deux équipes parviennent à des interprétations contradictoires : inutilisable pour l’une, simple et pratique pour l’autre.

BIBLIOGRAPHIE

• 1 - P. Hogedal, C. Juelsbo, J.C. Jensen : « Evaluation of a themograph as a tool for identifying pigs with elevated body temperature », proceeding du 20^e congrès de l’IPVS (Durban, Afrique du Sud, 22 au 26/6/2008), vol. 2, p. 600.
• 2 - J. Bernardy, S. Odhnalova, M. Lorencova, I. Brazdova, P. Novak : « Infrared temperature measurements in pigs », proceeding du 20^e congrès de l’IPVS (Durban, Afrique du Sud, 22 au 26/6/2008), vol. 2, p. 603.