LES DYSFONCTIONNEMENTS GÉNÉTIQUES SONT MIEUX CERNÉS - La Semaine Vétérinaire n° 1336 du 21/11/2008
La Semaine Vétérinaire n° 1336 du 21/11/2008

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Auteur(s) : Valentine Chamard*, Marine Neveux**, Stéphanie Padiolleau***

Depuis la découverte en 1953 de la structure de l’acide désoxyribonucléique (ADN) par James Watson et Francis Crick, les organismes vivants n’ont eu de cesse de livrer leurs secrets. La génétique médicale est désormais une discipline à part entière. L’identification et les tests génétiques sont deux exemples concrets des apports de cette discipline à la pratique vétérinaire.

La génétique des animaux domestiques s’est particulièrement développée au cours de la dernière décennie, notamment avec la mise au point de cartes génétiques et le séquençage du génome du chien (en 2005) et du chat (en 2007). Les maladies génétiques recensées chez ces animaux seront de plus en plus nombreuses dans les années à venir. Cela résulte des recherches engagées dans ce domaine et du contrôle, grâce aux avancées de la médecine vétérinaire, de la plupart des maladies infectieuses, parasitaires et des désordres nutritionnels. De plus, chez le chat surtout, la diminution progressive de la population “croisée” au profit d’individus de race entraînera une augmentation du recensement de ce type d’affections.

L’étude des maladies génétiques devient ainsi une nécessité. Les progrès de la biologie moléculaire et de la connaissance du génome autorisent le développement d’outils génétiques pour améliorer la santé et la traçabilité du cheptel canin et félin. Les deux principales applications pour les éleveurs et la profession vétérinaire sont l’identification génétique et le dépistage des maladies génétiques. Le praticien dispose donc aujourd’hui de davantage de moyens pour aider les éleveurs dans leur démarche d’élimination progressive des maladies génétiques et de conservation du potentiel et de la diversité des races. L’ensemble du génome équin, lui aussi récemment séquencé, a permis de concevoir de nouveaux outils, dont les puces à ADN, qui se déclinent en deux catégories : l’une permet de suivre l’expression des gènes ; l’autre déploie un réseau de soixante mille points d’ancrage répartis sur l’ensemble du génome, autorisant la mise en évidence de la variabilité d’un individu à un autre. Les objectifs, multiples, vont de l’identification des gènes qui présentent un intérêt pour l’élevage aux tests ADN qui existent déjà pour dépister certaines maladies génétiques.

En outre, les progrès de la génétique animale profitent aussi à la santé de l’homme. Chien et chat peuvent en effet constituer de pertinents modèles pour l’étude des maladies génétiques humaines.

Des tests pour le dépistage et le diagnostic des affections génétiques canines et félines

Une maladie génétique, due au dysfonctionnement d’un ou de plusieurs gènes, est héréditaire. Près de cinq cents sont décrites chez le chien et environ trois cents chez le chat. La plupart des affections génétiques des carnivores domestiques sont complexes, car elles font intervenir plusieurs gènes. Appelées maladies polygéniques ou multifactorielles, elles sont difficiles à étudier. Les travaux actuels se concentrent donc sur le groupe des maladies génétiques simples ou mendéliennes, qui ne sont dues qu’à un seul gène (monogéniques). Parmi ce groupe de maladies monogéniques, une large majorité est autosomique et récessive : elles ne se déclarent que si les deux copies du gène impliqué sont défectueuses et, en cas d’hétérozygotie (une copie normale et une autre mutée), l’animal est porteur sain.

Aux traditionnels examens complémentaires (fond d’œil, électrorétinogramme pour les anomalies rétiniennes, radiographie de la hanche pour la dysplasie coxo-fémorale, potentiel évoqué auditif pour les surdités) qui ne permettent de dépister que les chiens atteints, avec une reproductibilité variable, s’ajoutent désormais les tests génétiques. De nombreuses maladies monogéniques sont aujourd’hui caractérisées moléculairement et disposent d’un test de dépistage. Ce dernier repose sur la détection d’une mutation, dans un gène donné et chez une race pour laquelle le test est validé (comme la myocardiopathie hypertrophique du maine coon ; la polykystose rénale chez le persan, l’exotic et le british ; la néphropathie familiale chez le cocker anglais ; la cécité nocturne chez le briard). Chez le cheval, des tests permettent notamment de dépister la horse hyperkaliemic periodic paralysis (HYPP), la severe combined immunodeficiency (SCID), l’épidermolyse bulleuse jonctionnelle, les myopathies, etc. Dans cette espèce, une composante génétique est aussi soupçonnée pour plusieurs affections. La plupart sont multifactorielles et polygéniques (affections respiratoires, troubles locomoteurs, etc.). Les maladies héréditaires polygéniques équines font aujourd’hui l’objet d’un intérêt croissant, comme en témoigne le projet Généquin(1) sur l’ostéochondrose et le cornage. Chez les ovins, le génotypage du gène codant pour la protéine PrP permet, depuis plusieurs années, de sélectionner des reproducteurs résistants à la tremblante ovine.

Les tests génétiques présentent de nombreux avantages pour le dépistage, la sélection et le diagnostic des maladies génétiques : facilité de réalisation (prélèvement buccal), fiabilité, dépistage des chiens porteurs sains, validité durant toute la vie de l’animal. De plus, ils peuvent être réalisés tôt dans la vie de l’animal (dès la naissance), ce qui permet, en élevage, d’éviter la propagation de la maladie. Cependant, le test génétique n’identifie qu’une anomalie génétique connue et ne détecte pas les autres formes de la même maladie ou les autres affections héréditaires qui touchent le même organe.

Le vétérinaire joue un rôle central pour authentifier le prélèvement, pour assurer le suivi médical des animaux dépistés, pour orienter le propriétaire vers les diagnostics génétiques et cliniques complémentaires, pour conseiller l’éleveur sur le choix des reproducteurs et la politique de sélection.

L’identification génétique est un véritable outil de gestion des races canines et félines

Aujourd’hui, il est possible d’établir les profils génétiques de chaque chien ou chat, à partir d’un simple frottis buccal. L’empreinte génétique est constituée d’une combinaison unique de marqueurs génétiques (marqueurs microsatellites) codés sous forme de lettres. Infalsifiable, l’analyse d’un profil génétique permet l’identification d’un individu. Sans se substituer au tatouage ou à la puce électronique, c’est un complément de plus en plus exigé, notamment dans le cadre des importations ou des exportations. Le profil génétique permet en outre de vérifier les liens de parenté (contrôle de filiation), de certifier les pedigrees et d’améliorer ainsi la traçabilité au sein de la filière.

Ni l’identification génétique ni la vérification de parenté ne sont obligatoires, mais les acteurs des filières ont élaboré des cahiers des charges qui fixent les règles pour reconnaître une empreinte génétique et pour l’intégrer au pedigree. L’objectif est d’offrir aux éleveurs un véritable outil de gestion des races, à l’instar de ce qui existe pour les espèces bovine et ovine. A terme, le but est de mettre en place une charte qualité afin de valoriser l’élevage français en combattant les fraudes. Si un individu est identifié génétiquement et si l’éleveur a rendu publique son empreinte génétique, un sigle “ADN” sera indiqué sur tous les pedigrees nouvellement édités avec la mention de ce chien. Si un individu et ses géniteurs sont identifiés génétiquement et que la parenté est vérifiée génétiquement, un sigle indiquant la parenté certifiée sera apposé sur tous les pedigrees nouvellement édités qui mentionnent ces chiens.

Le sexage des oiseaux est possible via un extrait d’ADN

Le sexage par ADN présente l’avantage d’être une solution fiable, rapide et non traumatisante pour l’oiseau. Ce test génétique est réalisé à partir de l’ADN extrait des bulbes des plumes. L’observation des chromosomes sexuels permet de déterminer le sexe (ZZ pour le mâle et ZW pour la femelle).

Les applications dans la filière équine représentent un défi technique

La transcriptomique est l’étude simultanée de l’expression de tous les gènes du génome (ensemble des transcrits d’une cellule, d’un tissu ou organisme). Une telle étude représente un défi technique. Les applications sont multiples en pathologie équine, en termes de physiopathologie, d’étude des maladies, de dopage, etc. Différentes techniques répondent à ce défi. La plus répandue à ce jour est celle du microdamier (micro-assay). La puce à ADN ouvre aussi des perspectives intéressantes en dopage(2). Les contributions de la génétique dans l’espèce équine sont larges et offrent des applications importantes dans la sélection des chevaux. Avec une simple prise de sang, la médecine du futur pourrait disposer d’une puce SNP (single nucleotide polymorphism) capable de prédire le profil génomique et les performances de l’individu.

Le niveau d’hybridation des animaux sauvages peut être évalué

Dans le cadre de la conservation de la faune sauvage, il peut être utile de connaître le niveau d’hybridation d’une population animale endémique aux dépens de populations “invasives”. Par exemple, un test ADN a été développé pour estimer l’hybridation de la perdrix rouge, typique de la France et de la péninsule ibérique, avec la perdrix choukar, introduite dans l’Hexagone depuis l’Asie dans les années 50 ou 60. Aujourd’hui, les hybrides constituent en effet une part significative des populations de perdrix sauvages ou d’élevage. Or l’hybridation est perçue comme une potentielle menace pour le patrimoine génétique de la perdrix rouge et pour l’adaptation et la survie des populations sauvages à long terme.

La pathologie comparée homme/animal bénéficie de nombreux modèles

Les affections génétiques identifiées chez le chien ou le chat sont une source d’information riche pour la génétique humaine. Par exemple, sur les deux cent soixante-dix-huit maladies ou caractères d’intérêt génétique identifiés chez le chat, cent trente-trois sont potentiellement des modèles pour les maladies humaines. Il s’agit d’une opportunité pour la médecine comparative, l’étude de la physiopathologie et les essais de traitements en laboratoire. Par exemple, des essais thérapeutiques menés en France, chez des briards atteints de cécité nocturne, ont permis de rendre la vue à des chiens devenus presque aveugles. Le domaine des applications en médecine humaine est immense.

Un axe de recherche porte sur la qualité de la viande des animaux de rente

Les recherches en génomique suivent actuellement deux orientations. Les travaux menés en génomique fonctionnelle offrent une avancée dans le domaine de la physiologie et de la pathologie animale, avec notamment l’identification des gènes associés à la syndactylie chez les bovins ou la compréhension de la sensibilité aux infections mammaires.

Un autre axe de recherche porte sur la qualité de la viande, par l’identification de gènes qui pourraient expliquer la variabilité de la qualité selon les muscles et les races, ainsi que l’influence des conditions d’élevage dans l’expression de certains gènes. Des polymorphismes (différentes formes d’un même gène dans une même espèce), associés à la tendreté ou au persillé de la viande, sont d’ores et déjà identifiés, d’autres sont recherchés au sein de gènes qui jouent un rôle dans la biologie du muscle. Le programme européen Gemqual (genetics of meat quality) travaille sur la comparaison des races dans des conditions d’élevage similaires afin de déterminer la composante génétique de la variation de qualité des viandes et l’identification de SNPs (single nucleotide polymorphisms) utilisables comme marqueurs. L’Observatoire national des anomalies bovines, créé en 2002, réalise une veille scientifique et technique, l’épidémiosurveillance des anomalies congénitales, ainsi que la gestion de celles qui émergent, comprenant le recueil des caractéristiques cliniques des anomalies détectées associé à la collecte d’échantillons. Des études permettent ensuite de caractériser les gènes ou mutations responsables lorsqu’une composante génétique est déterminée, comme dans le cas du syndrome d’hypoplasie généralisée capréoliforme (SHGC) détecté dans la race montbéliarde.

  • (1) Voir La Semaine Vétérinaire n° 1326 du 12/9/2008 en page 24.

  • (2) Voir La Semaine Vétérinaire n° 1361 du 17/3/2007.

Les raisons de l’expansion des maladies génétiques

La plupart des maladies génétiques des carnivores domestiques ont un mode de transmission autosomique récessif. Pour qu’un individu soit malade, il doit avoir reçu de ses deux géniteurs une copie anormale du gène en cause. Trois mécanismes expliquent l’émergence de ces maladies génétiques : l’effet fondateur, la surutilisation de certains reproducteurs et la consanguinité.

• L’effet fondateur intervient lors de la création d’une race : quelques étalons (parfois moins d’une dizaine) sont isolés sur des critères morphologiques et comportementaux au sein d’une large population. Une anomalie génétique, peu fréquente dans la population d’origine, peut exister chez l’un des reproducteurs retenus pour former la race. L’anomalie involontairement sélectionnée se transmettra alors à bas bruit au sein de la race.

• La forte utilisation de certains étalons (de grande valeur) porteurs de l’anomalie génétique conduit à la dissémination rapide de la copie anormale du gène en cause dans le cheptel.

• Les croisements entre individus apparentés (usage de la consanguinité) conduisent à des mariages entre reproducteurs porteurs sains et donc à la production d’animaux atteints, dans la descendance. Le double jeu de la surutilisation d’étalons (plus rarement de femelles) et de la consanguinité a pour conséquence d’amplifier la fréquence de l’anomalie génétique dans la race, qui peut parfois atteindre 20 à 50 % de porteurs sains selon les affections. Ainsi, certaines maladies génétiques sont cent à mille fois plus fréquentes chez les carnivores domestiques que chez l’homme, chez lequel leur fréquence ne dépasse généralement pas 0,1 %.

Valentine Chamard
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