La polyneuropathie périphérique peut dégénérer en paraplégie

Depuis une dizaine d’années, une polyneuropathie d’origine inconnue, observée chez les chevaux scandinaves, provoque une faiblesse des extenseurs digitaux sur les membres postérieurs, qui peut aller jusqu’à la paraplégie. La maladie ne semble pas avoir de prédilection pour une race, un sexe ou une tranche d’âge en particulier. Elle affecte essentiellement les membres postérieurs et se manifeste par un défaut bilatéral d’extension des boulets postérieurs, voire des jarrets et des grassets. Le cheval prend alors appui sur la face dorsale du paturon et du boulet, avec une position affaissée de la croupe. Ces symptômes caractéristiques peuvent être accompagnés d’ataxie et dégénérer en paraplégie, qui se manifeste alors par une position assise ou un décubitus (^{voir tableau}). Des membres postérieurs qui trébuchent et se dérobent lors d’un saut ou d’une transition d’allure constituent un signe avant-coureur rapporté par plusieurs propriétaires de chevaux atteints. L’examen neurologique révèle alors un défaut bilatéral de proprioception sur les membres postérieurs, associé au maintien prolongé de postures inhabituelles, de la circumduction et des mouvements anormaux lors du reculer ou au cours de l’arrêt. Une diminution de la sensibilité cutanée au-dessous du jarret est notée dans certains cas. L’examen des nerfs crâniens ne montre aucune anomalie.

Les premiers symptômes apparaissent à la fin de l’hiver ou au printemps

Les signes cliniques peuvent s’aggraver rapidement, en quelques heures ou plus lentement, sur plusieurs semaines. Une amyotrophie des membres postérieurs est possible dans les cas à évolution lente ou lors de persistance de signes stables. Les écuries concernées comptent plusieurs chevaux atteints, sans que l’effectif soit touché en totalité. Des symptômes relativement uniformes d’un cas à l’autre, ainsi que leur évolution similaire, ont permis de poser le diagnostic d’affection du système nerveux périphérique, qui atteint le nerf sciatique et sans doute aussi le nerf fémoral. Les causes de cette polyneuropathie restent inconnues, mais l’alimentation semble impliquée. La plupart des écuries norvégiennes donnent de l’ensilage, duquel de nombreuses moisissures ont été isolées, ou du foin de mauvaise qualité. Dans l’écurie finlandaise, du ray-grass fraîchement coupé, provenant de deux champs, constitue la seule différence alimentaire par rapport aux autres établissements voisins non touchés. Les enquêtes épidémiologiques s’orientent vers la présence d’une neurotoxine, probablement une mycotoxine, sans en permettre l’identification.

L’évolution négative des signes cliniques vers la paraplégie ou le manque d’évolution favorable a entraîné l’euthanasie de plus de la moitié des chevaux affectés. Les survivants (grades I à III) ont apparemment retrouvé une locomotion normale après cinq à huit mois de repos.

La lésion histologique la plus frappante est une démyélinisation du nerf sciatique

Dans l’effectif norvégien autopsié, toutes les branches du nerf sciatique présentent, à l’examen histologique, des signes de dégénérescence qui confirment le diagnostic de polyneuropathie, avec des aires d’épaississement et d’œdème axonal, ainsi qu’une vacuolisation de la gaine de myéline. Des lésions similaires, mais moins marquées, sont parfois retrouvées au niveau de l’intumescence lombaire. Le plexus brachial et le cerveau sont normaux. L’examen histologique ne permet pas de définir le processus pathologique : myélinopathie avec atteinte axonale secondaire ou axonopathie et démyélinisation secondaire. Les lésions axonales paraissent plus marquées. L’étude histologique approfondie du tissu nerveux de l’un des chevaux finlandais confirme la démyélinisation, qui paraît être d’origine inflammatoire, et démontre une dénervation des muscles extenseurs digitaux des membres postérieurs. Des signes de rémyélinisation sont aussi visibles. Les conclusions penchent vers un processus primaire de myélinopathie plutôt que vers une axonopathie, ce qui semble cohérent avec la possibilité d’une évolution clinique favorable, qui sous-entend en effet un processus réversible.

• Sources : S. Hanche-Olsen, J. Teige, I. Skaar, C.F. Ihler : « Polyneuropathy associated with forage sources in Norwegian horses », J. Vet. Intern. Med., 2008, vol. 22, pp. 178-184 ; C.N. Hahn, K. Matiasek, P. Syrja, T.S. Jokinen, N. Macintyre, R.M. Tulamo : « Polyneuropathy of finnish horses characterised by inflammatory demyelination and intracisternal Schwann cell inclusions », Equine Vet. J., 2008, vol. 40, pp. 231-236.