Qui supporte les risques lors de la vente d’un animal ? - La Semaine Vétérinaire n° 1334 du 07/11/2008
La Semaine Vétérinaire n° 1334 du 07/11/2008

Transfert de propriété

Gestion

QUESTIONS/RÉPONSES

Auteur(s) : Céline Peccavy

Fonctions : Avocate au barreau de Toulouse

Les risques liés à la propriété (comme la perte financière due à la mort de l’animal) sont transférés avec elle, dès lors que l’acheteur et le vendeur s’accordent sur l’identité de l’animal et son prix.

Lorsqu’un animal vendu doit être remis à son nouveau propriétaire mais que, malheureusement, il meurt avant la livraison, la question fondamentale qui se pose alors est celle-ci : qui doit en supporter financièrement la perte ? Le principe « res perit domino », selon la formule latine consacrée, veut que la perte et par conséquent le risque soient supportés par le propriétaire.

1 EN QUOI LE MOMENT DU TRANSFERT DE PROPRIÉTÉ A-T-IL UNE IMPORTANCE ?

Il n’est pas toujours facile pour l’acheteur non éclairé de situer avec précision le moment où il est devenu propriétaire de l’animal. Pourtant, la connaissance de la date du transfert est primordiale. Les risques étant en principe liés à la propriété, ils sont donc transférés avec elle.

Or, en droit français et selon l’article 1583 du Code civil, la vente est parfaite et la propriété est acquise de droit à l’acheteur dès lors que les parties sont convenues de la chose et du prix, bien que la chose n’ait pas encore été livrée ou le prix acquitté.

Est-ce alors une faveur consentie à l’acheteur ou plutôt un cadeau empoisonné qui lui est fait ? Le problème provient fréquemment du fait que ce dernier n’a pas conscience du transfert de propriété. Il ne se doute donc pas que la perte d’un chien réservé à l’âge de quatre semaines et mort avant l’âge de huit semaines doit en principe être supportée par lui-même, alors qu’il n’a pas encore pris possession de l’animal.

2 QUELLES SONT LES CONDITIONS GÉNÉRALES DU TRANSFERT DE PROPRIÉTÉ ?

Deux éléments sont indispensables à toute vente, donc à tout transfert de propriété : l’identification de l’animal et le prix. En leur absence, il n’est pas possible de parler de vente.

Il a ainsi été jugé que le vendeur continuait à assumer les risques de perte fortuite pendant le transport d’un taureau qu’il avait envoyé à l’acheteur, avec l’accord de celui-ci, parce qu’il était convenu que le prix définitif ne serait fixé qu’à l’arrivée de l’animal, selon sa qualité. De ce fait, le transfert de propriété et des risques ne pouvait s’opérer tant que cet accord sur le prix n’était pas définitif (arrêt rendu par la Cour de cassation le 16 février 1977).

De la même manière, l’animal vendu doit être identifié. Il est alors question d’une vente de corps certain par opposition à celle d’une chose de genre. La vente d’un corps certain n’est pas forcément celle d’un objet isolé. Il a ainsi été jugé que la vente de la totalité du cheptel bovin d’une exploitation agricole est une vente de corps certain avec transfert immédiat de la propriété et des risques (arrêt rendu par la Cour de Cassation le 14 novembre 1979).

3 QU’EN EST-IL POUR LA VENTE D’UN ANIMAL QUI N’EST PAS ENCORE NÉ ?

L’article 1 130 du Code civil admet expressément qu’un bien futur puisse faire l’objet d’une vente. Dans ce cas particulier toutefois, le transfert de propriété est retardé jusqu’à « l’achèvement du bien ». Ainsi, dans une affaire où un éleveur avait acheté des poules pondeuses qui lui avaient été envoyées trop jeunes pour être aptes à la reproduction et qui étaient mortes à la suite d’une maladie, la Cour a qualifié l’opération de vente de choses futures et jugé que, malgré la livraison, le vendeur gardait la charge des risques jusqu’à ce que les animaux soient aptes à la ponte (arrêt rendu par la cour d’appel de Rennes, le 25 juin 1969).

4 Y A-T-IL DES EXCEPTIONS AU CARACTÈRE INDISSOCIABLE DU TRANSFERT DE LA PROPRIÉTÉ ET DES RISQUES ?

En tout premier lieu, le Code civil applique la théorie des risques en cas de perte ou de détérioration par cas fortuit. Dès que la perte ou la « détérioration » de l’animal proviennent de la faute de l’une des parties, les règles de la responsabilité l’emportent : c’est l’auteur de la faute qui supporte le dommage, même si, légalement, il n’en assume pas les risques.

En second lieu, lorsque la vente est réalisée sous condition suspensive, l’article 1182 du Code civil laisse les risques à la charge du vendeur jusqu’à la survenance de la condition. Par exemple ; la vente d’un cheval peut être subordonnée à l’obtention par l’acheteur d’un crédit auprès de sa banque.

De la même manière, lorsque le vendeur est en retard sur la date de livraison prévue et qu’il est mis en demeure de délivrer l’animal, l’article 1138 remet les risques à sa charge à titre de sanction jusqu’à la délivrance effective. Cela entraîne donc un va-et-vient des risques.

En outre, la clause de réserve de propriété a une influence directe sur la charge des risques. Cette clause, aux termes de laquelle le transfert de propriété est retardé jusqu’à paiement complet du prix, laisse donc, en principe, la charge des risques au vendeur jusqu’à la réception du solde du prix de vente. En principe seulement, car les règles sur la charge des risques ne sont pas impératives et il est donc possible pour les parties d’y déroger. De cette manière, un vendeur peut assortir la vente d’une clause de réserve de propriété, tout en convenant avec l’acheteur qu’il supportera les risques dès la prise de possession de l’animal.

Ainsi, le transfert de propriété par le seul échange de consentement ressemble davantage à un cadeau empoisonné pour l’acheteur qu’à une faveur.

Questions fréquentes

• Appartient-il au vendeur qui se trouve encore en possession de l’animal déjà vendu de prouver le caractère fortuit de la mort de celui-ci ?

Oui. S’il ne veut pas engager sa responsabilité pour manquement à son obligation de délivrance, le vendeur doit prouver le cas fortuit (ce fut le cas pour un taureau dans un arrêt du 19 mars 1963 de la Cour de cassation).

• Est-il possible d’assimiler le cas fortuit à la force majeure ?

Non. La vraie force majeure suppose l’intervention d’un événement imprévisible, irrésistible et dont l’origine est externe. Le cas fortuit signifie simplement l’absence de faute, parce qu’il provient du hasard.

• Dans le cas d’un animal déjà vendu, mais non encore livré et mort, le vendeur qui perçoit une indemnité d’assurance est-il dans l’obligation de la reverser à l’acheteur ?

Oui. En application de l’article 1303 du Code civil, lorsque l’animal est mort sans faute du vendeur, celui-ci doit reverser tous droits ou actions en indemnité à l’acheteur.

C. P.

PRÉCISIONS PRATIQUES

• Risques et vente à distance. Dans une vente à distance, l’acheteur dispose d’un délai de sept jours pour changer d’avis et rendre l’animal au vendeur. Si le droit de rétractation est bien exercé dans le délai et que l’acheteur remet ensuite l’animal à un transporteur, le voyage se fait alors aux risques et périls du vendeur et non plus de l’acheteur.

• Risques, vices cachés et assurance. La théorie des risques doit être écartée si la mort de l’animal ou les dommages qu’il a subis proviennent d’un vice caché. Dans ce cas, l’acheteur pourra tout à fait mettre en cause la garantie du vendeur. En revanche, il n’est pas possible de reprocher (sauf convention des parties) à celui qui ne supporte pas les risques de ne pas avoir couvert l’animal par une assurance. C’est à celui qui supporte les risques qu’il incombe en principe de prendre cette précaution.

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