Le traitement de l’hémorragie pulmonaire reste une combinaison thérapeutique hasardeuse

L’hémorragie pulmonaire induite à l’exercice sévit chez tous les chevaux qui suivent un entraînement intensif, particulièrement ceux de course. Parmi les animaux atteints, la sévérité des saignements varie beaucoup. Cette maladie est considérée comme une cause importante de baisse de performances, car des saignements répétés dans les petites voies respiratoires tout au long de la carrière sportive ont pour conséquence une inflammation et une fibrose cicatricielle pulmonaire.

La pathogénie de la maladie est encore incertaine

Le traitement de l’hémorragie pulmonaire induite à l’exercice est délicat. En effet, le mécanisme qui provoque la maladie n’est pas clairement établi. L’hypothèse la plus probable est qu’une hypertension pulmonaire est induite par l’effort, occasionnant secondairement une rupture des capillaires pulmonaires.

Des causes multifactorielles comme une inflammation des petites voies respiratoires, une obstruction des voies respiratoires supérieures, une redistribution du flux sanguin pulmonaire induite par la locomotion et une fluctuation des pressions intra-alvéolaires pourraient aussi être impliquées dans le développement de la maladie.

De nombreux traitements ont été tentés pour minimiser la sévérité des saignements et leurs conséquences, mais peu d’études scientifiques rigoureuses ont évalué leur efficacité. Parmi eux, le furosémide est un diurétique communément administré dans les pays où il est autorisé, à la dose de 1 mg/kg par voie intraveineuse quatre heures avant la course. Il réduit l’augmentation des pressions atriale droite, artérielle pulmonaire et capillaire pulmonaire. Une controverse demeure quant à son efficacité et à son éventuel effet “dopant”. Il limiterait les saignements à l’effort, mais avec un succès relatif. Par ailleurs, il ne permet pas de prévenir la maladie.

L’acide aminocaproïque, un antifibrinolytique qui inhibe des activateurs du plasminogène, est également utilisé. Les molécules hémostatiques sont employées en médecine humaine pour traiter des saignements incontrôlables chez des patients qui présentent une fibrinolyse systémique. Ni défaut de coagulation ni augmentation de la fibrinolyse ne sont évidents chez les chevaux atteints d’hémorragie pulmonaire induite à l’exercice. Néanmoins, il est prouvé que cette molécule diminue la concentration en fibrinogène plasmatique, ainsi que le temps de thromboplastine partiel et l’activité α2-antiplasmine sanguine chez les chevaux sains.

Une tentative thérapeutique utilise l’acide aminocaproïque

En juin dernier, Marie Durando⁽¹⁾ a présenté une étude américaine sur l’efficacité de la combinaison thérapeutique furosémide-acide aminocaproïque chez des trotteurs de course, réalisée grâce à la participation d’entraîneurs volontaires. Elle inclut quarante-trois chevaux atteints d’hémorragie pulmonaire produite à l’exercice, sur deux courses. Un lot reçoit à l’aveugle le furosémide et l’acide aminocaproïque (250 mg de furosémide par voie intraveineuse quatre heures avant la course et 5 g d’acide aminocaproïque par voie intraveineuse deux heures avant la course). Seul le furosémide est administré au groupe contrôle. Dans les douze heures qui suivent les courses, les chevaux subissent une vidéo-endoscopie des voies respiratoires et un lavage broncho-alvéolaire bilatéral (afin d’explorer les deux poumons). Des cytologistes examinent à l’aveugle les lames des différents lavages. Une étude statistique (Anova) analyse les effets possibles des traitements et des courses sur la composition cellulaire des lavages broncho-alvéolaires (taux de globules rouges, de globules blancs, et différentiel). Aucun effet significatif des traitements n’est mis en évidence sur le comptage érythrocytaire des lavages broncho-alvéolaires, que ce soit après la première ou la deuxième course. En revanche, il y a statistiquement plus de globules rouges du côté droit du poumon que du côté gauche, quel que soit le type de traitement entrepris. Aucune corrélation n’existe entre le comptage de leucocytes du lavage broncho-alvéolaire, le type de traitement, l’ordre de la course ou le poumon prélevé (droit ou gauche).

Même si ces travaux ont été conduits chez un nombre restreint de chevaux, la combinaison de l’acide aminocaproïque avec le furosémide ne semble pas avoir d’efficacité sur les saignements en course. L’auteur s’interroge par ailleurs sur la présence d’un plus grand nombre d’érythrocytes dans le poumon droit. La main à laquelle les chevaux ont couru pourrait éventuellement constituer une explication.

Le traitement de l’hémorragie pulmonaire induite à l’exercice reste une combinaison thérapeutique hasardeuse qui vise à réduire la sévérité des saignements à venir et à minimiser les effets des hémorragies récentes.

• (1) M. Durando : « Effect of aminocaproic acid on the severity of exercice-induced pulmonary hemorrhage », poster présenté lors du forum de l’Acvim, juin 2008, San Antonio, Texas (Etats-Unis).